English Version Force de Défense d'Israel sur Internet
Inscription gratuite
AccueilInfos IsraelBlogs Juifs et IsraéliensVidéo IsraelOpinions : monde Juif et IsraelLe MagTOP SitesLa BoutiqueJuif.org TV

Blog : Carand

PAROLE DE JERUSALEM

Parole de Jérusalem par Albert Bensoussan
Par webmaster, lundi 20 août 2007
Sur le Blog de terredisrael.com.

J'ai, posé au front et enroulé au c'ur comme une lanière
de cuir, le premier verset du chapitre 62 d'Isaïe ?
Iesha'yahou est son nom, qui signifie « Yah sauvera »,
« salut de Dieu » par la voix prophétique.
Isaïe là, à bout de souffle, jette encore ce cri d'amour
pour la ville de tous les espoirs Léma'an Tsion'
Léma'an Yérouchalaïm, à l'adresse de Sion,
à l'adresse de Jérusalem.
Souvent je me suis demandé si l'invocation des deux noms
toujours unis en complémentarité obéissait au seul effet
d'harmonie. À un jeu poétique.
Sans doute car l'on avait déjà au chant 2 d'Isaïe
ce même balancement: « Car de Sion sortira la Loi
et de Jérusalem la Parole d'Achem » ?
c'est ce qu'on lit au-dessus de l'armoire sainte
(aron hakodesh) où sont rangés les rouleaux de la Torah.
Mais il faut citer cette phrase magnifique dans
l'incomparable beauté hébraïque de Iesha'yahou :
Ki mitsione tetsé Torah ou dvar-Adochem mirouchalaïm.
À Sion l'énonciation de la Torah, qui s'opère à travers
les sons ke-tse-te, ce frottement de langue et dents,
évoquant bien l'élocution, l'avènement de la Loi.
À Jérusalem, par l'ouverture en « a », les « ch »
feutrés et la mouillure en « m »,
la musique choyée, la parole d'amour.

Ailleurs, dans les Lamentations (Eykha) qu'on lit pour Tich'a Beav, on retrouve ce même balancement entre « fille de Sion' fille de Jérusalem » ? Bath Yérouchalaïm ?Bath Tsion.
En fait, Sion et Jérusalem sont les deux noms de la même ville, unis également à la dernière ligne de l'hymne national, l'Hatikva, que je n'ai jamais pu chanter jusqu'au bout, étouffé de sanglots : Erets Tsion veYérouchalaïm. Sion est Jérusalem, car elle énonce la ville sainte, et désigne même toute la terre d'Israël, ce pourquoi elle est à l'origine du mouvement moderne de libération, le sionisme ? autre mot devenu anathème pour tant de vilaines gens qui croient résoudre le problème en diabolisant l'autre.


Comme toujours, en matière biblique, on ne peut lire un texte et se pencher sur un mot sans aller chercher du côté de l'étymologie. N'oublions pas qu'étymon, en grec, signifie « véritable » et renvoie au sens, ce pourquoi l'étymologie est avant tout recherche de la vérité.
Eh bien ! tsion en hébreu, vient de la racine tsiah, qui désigne la sècheresse et la ruine. De là que tsion représente d'abord un lieu désert et solitaire. Comme l'était la terre de Canaan avant l'arrivée des Hébreux ? la terre de Palestine avant l'établissement du Yichouv au début du XX° siècle ? Il y en avait, certes, bien avant, des Juifs, il y en a toujours eu, sur cette terre sainte, mais ils étaient là pour prier et pleurer avec Jérémie sur la ruine de Sion, justement, et non pour la reconstruire en recomposant l'identité hébraïque.

Tsion désignait aussi une des collines de Jérusalem, déserte et désolée, qui fut aussi, selon la tradition, le mont Moriah où Abraham mena Isaac au sacrifice. David la choisit pour en faire la résidence ? chekhina ? de la divinité, autour de laquelle Salomon, ensuite, édifia le Temple. Sion, c'est donc la demeure du Dieu d'Israël, c'est le Temple et le mont du Temple. C'est le c'ur de la ville qui se construit alors et qui sera appelée Jérusalem. Ce pourquoi Sion et Jérusalem sont synonymes et interchangeables.


Voilà une énigme, ce nom de Jérusalem, sur laquelle on a beaucoup glosé. Comment l'ignorant pourrait-il y apporter sa pierre ? Risquons-nous : le mot yéroushah existe bien en hébreu avec le sens d'héritage. Dérivé d'un verbe yarosh qui, dans mon dictionnaire d'Abraham Elmaleh (« Imprimé dans l'État d'Israël ? 1951 », comme le proclame fièrement la page de garde) a le sens multiple de « posséder, hériter, conquérir, chasser, prendre, saisir, s'emparer, déposséder, succéder à ». Que chacun choisisse son sens et se fasse une opinion. Quant à chalaïm, il dérive à l'évidence de chalom. Et même si ce n'est pas l'origine exacte des mots, qui se perdent dans les ténèbres de l'Histoire, c'est ainsi que nous les entendons aujourd'hui. Ainsi le nom de la ville serait compris comme un « héritage de paix », ou comme la « Paix héritée ». Mais aussi comme possession ou conquête de la paix. Ou encore comme « chasse ou quête de la paix », avec ce que cela suppose de dépossession ou de supplantation, qu'on pourrait rattacher à l'épisode éloquent ? ou métaphorique ? de Jacob et Ésaü. Gardons pour nous l'interprétation qui fait de Jérusalem le siège ou la résidence de la paix. Et, bien entendu, la formulation verbale est un futur (Yerou), par quoi l'on voit à quel point aujourd'hui, et de façon constante dans l'histoire de cette ville et de cette terre, ce futur s'inscrit dans la nécessité : Jérusalem n'est pas la ville de la paix, mais elle sera, peut-être, un jour ? et, pour les croyants, à l'avènement du Messie ?, une ville de paix. Quoi d'étonnant, après cela, que je n'aie jamais pu prononcer ce mot sans pleurer, comme l'on pleure sur ce qui n'est plus ou sur une hypothèse d'avenir indéfiniment reculée'. !


Mais voilà, donc, Isaïe, ce prophète primordial, qui chante, au chapitre 62, « Pour l'amour de Iéroushalaïm » ? j'adopte les graphies de notre grand traducteur et exégète André Chouraqui (zal). Historiquement, selon Chouraqui, on distingue trois périodes d'écriture du livre d'Isaïe, la première vers 739-732 avant notre ère, correspond à l'invasion du royaume de Juda par l'Assyrie et, consécutivement, au retrait du prophète au désert ; la seconde, rédigée à l'évidence par un autre scribe, se situe deux siècles plus tard, au moment de la déportation à Babylone, au VI° siècle avant notre ère ; et, enfin, le troisième Isaïe, auteur des chapitres 56 à 66, et donc de celui qui nous intéresse ici, le chapitre 62, qui sembleraient avoir été écrits juste avant ou après le retour de cet exil babylonien. Notons que l'ensemble du livre d'Isaïe a été retrouvé dans les urnes d'argile de Qumrân, ce qui a permis une datation fiable, et que ce rouleau magnifique de beauté, de poésie et de grandeur prophétique, est le joyau du musée du Livre à Jérusalem, où on peut le contempler d'une seule pièce et d'un seul coup d'?il, déroulé en entier et monté sur un grand châssis rond.

Ce chapitre 62 d'Isaïe est un chant à la gloire de Sion reconstruite et renommée. Elle perdra les noms d'infamie dont on la gratifia après qu'elle eut été détruite, et le peuple exilé à Babylone. Elle ne sera plus une ?azouvah, une femme délaissée ? du verbe ?azov, signifiant abandonner, délaisser, quitter, la divorcée se disant ha'azivah. Et Sion, entendu comme l'ensemble de la ville et du pays, ne sera plus appelé chemamah, qui est la désolation, la ruine, la solitude, de la racine chamem, qui est désolé, désert, rejoignant ainsi le sens initial de tsion. Car ce n'est pas le destin du désert de demeurer désertique, la foi hébraïque n'y consent pas, et c'est ce qu'exprime le prophète propagateur d'espoir, qui en appelle à l'union et la foi des hommes. Cette foi capable, justement, de soulever des montagnes. Le nouveau nom de la montagne Sion sera Jérusalem, bien sûr. Et la « fille de Sion » ? Bath Tsion ? sera rachetée, sauvée avec tout le peuple par son Seigneur ? guéouley Achem ?, qui fait réapparaître la guéoulah, la délivrance, alors qu'on vit encore en golah, en exil, c'est-à-dire en captivité, l'adjectif goleh signifiant tout à la fois, « exilé, banni, proscrit » (selon Elmaleh). Alors que, par une subtile paronomase dont la Torah a le secret, le mot guéoulah est donné avec le sens de « rachat, délivrance, salut ». À l'inverse de Jérémie qui prêche constamment le deuil, la destruction, la catastrophe ? bien sûr, pour la prévenir et, comme Jonas aussi, amener le peuple à faire une salutaire repentance ?, car Jérémie est un prophète pour les heures de deuil de Tich'a Beav, le prophète Isaïe est le prédicateur de l'espoir et de la délivrance. Ainsi voit-il Jérusalem rétablie en sa royauté (62, 3) : « Tu seras (véhayit ? un passé renversé par le vav qui en fait un futur) une couronne de splendeur (?atereth tiféreth) dans la main (beyad) d'Adochem, une tiare royale (outsniyouf méloukhah) dans le paume (caf) de ton Elohim ». Oui, à Jérusalem, la fiancée royale, la couronne et la tiare.
C'est pourquoi il entame ce chant 62 par l'un de ses plus beaux versets : Léma'an Tsion lo éh'acheh , qu'on peut traduire « Pour toi Tsion je ne ferai pas mystère » (de la racine h'ashaï : « secret, mystère, calme »), ou comme Chouraqui : « Pour Sion, je ne me tairai pas », plus justement que Jean K'nig dans la Pléiade, qui délaye inutilement la parole économe et efficace du prophète : « Pour l'amour de Sion, je ne garderai pas le silence ». Et la fin de ce verset, oulma'an yéroushalaïm lo eshkot, en parfaite réitération synonymique : « et pour toi Jérusalem je ne me tairai pas », que Chouraqui traduit en inversant les deux verbes : « pour Ieroushalaïm, je ne me calmerai pas », là où la Pléiade, pour sa part, traduit « pour l'amour de Jérusalem, je ne me tiendrai pas tranquille », ce qui n'est pas une formulation très heureuse.
En mettant en bouche ce dernier vers, comment ne pas voir et sentir et entendre qu'il est, aux deux premiers mots, toute gourmandise, avec cette accumulation des liquides « l », « r » et de la bilabiale « m », et, pour le jeu vocalique ces deux « ou » qui situent la voix tout au fond de la gorge pour mieux l'amener ensuite à l'ouverture béante du « a » répété à quatre reprises, ce tout savoureux étant couronné par le son « yod » qui ouvre et referme Yérouchalaïm. Je ne sais si dans l'histoire et la géographie il est une seule ville dont le nom soit aussi harmonieux, aussi doux à dire, aussi succulent aux lèvres. Qu'on m'en cite une seule, mais non ! Yérouchalaïm est une ville unique, déjà énigmatique par son étymologie et son histoire ? certains l'interprétant comme une forme d'un mésopotamien uru ou ur, en hébreu ?ir, signifiant « ville », et d'un Shalimou, dieu cananéen antérieur. (Et si pour les musulmans cette ville est nommée Al Quds, qui signifie « la Sainte », où l'on retrouve le mot hébreu kaddosh, tant mieux et grand bien ! ce nom n'a rien à voir avec la cité de David. Il s'agit d'une autre ville, d'un autre concept, et d'une perception différente du monde. Respectons-la, tout en marquant bien notre différence. Notons, d'ailleurs, que la ville de Jérusalem n'est jamais mentionnée sous ce nom dans le Coran.)

On peut accepter toutes les hypothèses. On peut même laisser en suspens ce curieux pluriel chalaïm, d'un chalom, lui, évident. Ce qui compte aux yeux de philologue poète que veut être ici le commentateur, c'est cette beauté charnelle du mot, qui fait penser que s'il échappe à l'analyse grammaticale et sémantique, s'il est l'objet de tant d'interprétations contradictoires ou complémentaires, s'il demeure mystérieux comme un diamant qui aurait surgi de la mine tout taillé et lumineux avec ses 58 facettes (5+8=13, et 13 est, ô merveille ! la guematria de Yerouchalaïm), c'est qu'il s'agit d'un mot sacré, d'une parole venue d'en haut, de la divinité. Sans être mystique tout en l'étant, on peut admettre que Yérouchalaïm a été donné par Celui qui a nommé la Création. Est-ce assez pour comprendre l'émotion que l'on peut ressentir en caressant ce mot sur ses lèvres ?
Albert Bensoussan

Sur le Blog de terredisrael.com
Membre Juif.org





Dernière mise à jour, il y a 60 minutes