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Blog : LudovicMonnerat.com

Le nouveau brouillard de la guerre

La seizième communication a été présentée par le professeur Hervé Coutau-Bégarie, directeur de recherches en stratégie au Collège interarmées de Défense (CID).

Le brouillard de la guerre résulte d'une incertitude fondamentale, provenant de l'absence de renseignement sur l'ennemi. On essaie d'y suppléer en collectant le renseignement, mais aussi par l'intuition - savoir ce qu'il y avait de l'autre côté de la colline. Une autre source de friction à la guerre provient également de la difficulté à concilier le choc, la man'uvre et le feu - puisqu'elles ont été pendant longtemps largement exclusives l'une de l'autre.

La man'uvre suppose de la vitesse et de la mobilité ; le choc, lui, suppose, la masse, la puissance - une masse qui a d'abord été conçue en termes d'effectifs humains, puisque les armements de l'époque classique étaient relativement similaires. Le feu, enfin, suppose de disposer du matériel adéquat, avec la recherche d'une portée toujours plus grand. Tout cela est très difficilement compatible, et l'armée est traditionnellement organisée en armes - chacune correspondant, selon les époques, à une modalité fondamentale. Il en résulte des différences de moyens, mais aussi d'état d'esprit.

Trouver l'équilibre entre ces éléments fonde un débat qui traverse toute l'histoire militaire. Entre 1914 et 1918, on constate ainsi l'échec de l'offensive, qui révèle l'insuffisance du choc, lequel avait été faussement assimilé au primat des forces morales. Durant toute la guerre, on va essayer de restaurer la man'uvre sans entièrement y arrive. Le tournant ne va se situer que dans l'entre-deux guerres, avec la mécanisation, qui rend possible la combinaison simultanée des trois modalités, et qui sera concrétisée par le « blitzkrieg » : le choc physique et psychologique du couple blindé-avion, la man'uvre permettant une exploitation opérative, voire stratégique, d'une percée tactique, et le feu fixant et immobilisant les forces adverses.

La supériorité de la man'uvre sera progressivement mise en échec par le primat du choc selon le modèle russe, le rouleau compresseur. Les fronts russes foncent tout droit ; ils ne peuvent du reste pas dévié, puisqu'ils se heurteraient à un autre front. A côté de ce modèle russe figure le modèle américain fondé sur le feu, comparé par le général Brune à une gigantesque entreprise de démolition, orchestrée jusqu'à ce que la résistance adverse s'effondre.

Après 1945, le sens de la man'uvre va progressivement se perdre, avec une sclérose de la pensée militaire classique, concurrence par la pensée militaire axée sur la stratégie nucléaire et par le pensée découlant de la guerre révolutionnaire. De plus, on se focalise à cette époque sur des modèles d'armée très lourds en prévision d'une troisième guerre mondiale. Par ailleurs, la réduction de l'incertitude dus aux progrès de la détection, de l'observation et la surveillance contribuera à ce déclin.

La man'uvre va regagner en importance dans les années 70 avec le déclin des armées de masse, mais aussi suite au traumatisme du à la guerre du Vietnam et en raison de l'avènement des armes de précision. Ceci aboutira à la révolution des affaires militaires et sa profusion de noms formidables. La supériorité de l'information deviendra d'ailleurs la doctrine militaire officielle des États-Unis. En espérant mettre fin à l'incertitude, on rêve d'une guerre technicienne. Ce qui ne fonctionne que si l'on trouve un adversaire assez bête pour en accepter les termes.

Mais l'homme est capable d'apprendre, notamment lorsqu'il a vu d'aucuns se faire pulvériser. La guerre du Kosovo sera la première occurrence du déclin d'un tel modèle, le camouflage et les leurres abusant le plus souvent les capteurs alliés. La guerre d'Irak, en prenant la forme de stratégies irrégulières, sera un contournement encore plus radical de ce modèle. Les combats entre Israël et le Hezbollah au Liban, en 2006, seront une autre illustration de contourner l'approche technicienne, avec des îlots de résistance statiques et indépendants qui échappent aux conceptions d'origine américaine appliquées par l'aviation israélienne. Ce qui aboutira à recréer le brouillard de la guerre, notamment au niveau politique.

Membre Juif.org





Dernière mise à jour, il y a 14 minutes