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Blog : Ragazou

?Mahmoud Abbas incarne le passé?

By ELIAS LEVY, Reporter (CJN)


Analyste des questions diplomatiques au grand quotidien de centre-gauche Ha'aretz et chercheur à l'Institut national d'Études de Sécurité d'Israël, Aluf Benn est l'un des plus réputés spé cia listes israéliens de la politique étrangère d'Israël, du conflit israélo-arabe et des questions politiques moyen-orientales.


Aluf Benn


Ses articles sont publiés régulièrement dans la grande presse internationale, notamment dans Foreign Affairs, Newsweek, The Washington Post, The New York Times, The Economist, The Guardian' Il commente aussi fréquemment l'actualité moyen-orientale dans des grands réseaux de télévision américains et européens: CNN, NBC, BBC World Service'


Aluf Benn était de passage à Mont réal à l'invitation du Comité Québec-Israël de la FÉDÉRATION'CJA.


Il nous a livré ses réflexions et ana lyses sur le conflit israélo-palestinien.


Canadian Jewish News: Pour les Israéliens, le président de l'Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas, est-il encore un interlocuteur crédible'


Aluf Benn: Les leaders palestiniens n'ont jamais été la tasse de thé préférée des Israéliens! Ce qui est sûr, c'est que la majorité des Israéliens avaient plus d'affinités avec Yasser Arafat qu'ils en ont aujourd'hui avec son successeur, Mahmoud Abbas. Quand le processus de paix d'Oslo battait son plein, Yasser Arafat essayait de transmettre des messages à l'opinion publique israélienne.

En Israël, Mahmoud Abbas est perçu comme un politicien peu charismatique et très distant, qui a beaucoup de difficulté à dialoguer avec ses interlocuteurs israéliens. À la différence d'autres leaders du Fatah, Mahmoud Abbas n'a pas vécu l'expérience ardue des prisons israéliennes et ne parle pas l'hébreu. Aux yeux des Israéliens, il incarne avec force le passé, c'est-à-dire la cause des ré fu giés. Il est vrai que Mahmoud Abbas est très nostalgique du passé. Il est incapable de projeter le peuple palestinien dans le futur. Par contre, son premier mi nistre, Salam Fayed, est un politicien qui table plus sur les défis du futur que sur les rancoeurs du passé. Ce dernier appartient à une nouvelle génération de leaders palestiniens plus lucides et plus pragmatiques.

C.J.N.: La reconnaissance de l'État d'Israël par le Hamas, et vice-versa, est-ce un scénario plausible'


Aluf Benn: Pour les Israéliens, la reconnaissance du gouvernement du Hamas n'est pas un enjeu de taille. Dès que cette organisation islamiste reconnaîtra officiellement l'État d'Israël, renoncera au terrorisme et à la violence et adhérera aux principes directeurs des accords israélo-palestiniens d'Oslo, Israël reconnaîtra à son tour le Hamas et entamera des pourparlers avec ses dirigeants politiques. Mais, pour l'instant, un tel scénario est très chimérique.

Il y a une école de pensée en Israël qui estime que les Israéliens ne doivent absolument pas dialoguer avec le Hamas parce qu'il faut éviter à tout prix que la société palestinienne soit gouvernée par une mouvance islamiste fonda menta liste qui prône l'instauration de la Charia comme substitut aux lois civiles.

D'après cette école de pensée, les Israéliens doivent impérativement aider le Fatah à se maintenir au pouvoir pour contrer l'islamisation radicale de la société palestinienne et préserver le peu de laïcité qui prévaut dans les villes de Cisjordanie. Pour les tenants de ce courant de pensée, on peut toujours trouver un compromis avec un mouvement nationaliste mais jamais avec un mouvement religieux. Ces jours-ci, à l'instar du Fatah dans les Territoires palestiniens, cette école de pensée n'est pas très populaire en Israël. On constate tous impavides que le Hamas est toujours influent et très po pu laire dans la société palestinienne. Ce qui explique pourquoi Mahmoud Abbas a reporté la tenue des élections palestiniennes.


C.J.N.: La question des implantations israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est est aujourd'hui le principal point de désaccord entre l'admi ni stra tion de Barack Obama et le gouvernement de Benyamin Netanyahou'


Aluf Benn: En ce qui a trait à l'épineuse question des implantations, il y a une profonde divergence de vues entre Israël, les Palestiniens et la nouvelle ad mi ni stration américaine. Le président de l'Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas, et Barack Obama considèrent que les quartiers juifs sis à Jérusalem-Est sont des "colonies de peuplement illégitimes". D'où le grand tollé suscité récemment par la décision du gouvernement Netanyahou de construire 900 nouveaux logements à Gilo, quartier juif situé au Sud-Est de Jérusalem.

Par contre, la majorité des Israéliens considèrent que les quartiers juifs de Jérusalem-Est ne sont pas des colonies "illégales" ou "illégitimes" mais des bourgades faisant partie intégrante du territoire israélien, qu'il ne faudra sous aucun prétexte rétrocéder aux Palestiniens dans le cadre d'un éventuel accord de paix. Sur cette question fondamentale, il y a un grand consensus national en Israël. Cependant, une majorité d'Israéliens estime que la plupart des implantations juives édifiées en Cisjordanie -à l'exception de quelques grands blocs d'implantations- devront être démantelées si un accord de paix est conclu avec les Palestiniens.


C.J.N.: Mais avant de retourner à la table des négociations, les Palestiniens exigent d'Israël un gel complet et définitif des constructions en Cisjordanie et surtout à Jérusalem-Est.


Aluf Benn: Les Palestiniens focalisent leurs revendications sur la question des localités juives sises à Jérusalem-Est.

C'est leur principal cheval de bataille. La question des implantations israéliennes établies en Cisjordanie est secondaire pour eux, puisqu'ils sont ré so lu ment convaincus que si Israël veut vraiment parvenir à un accord de paix, il sera contraint de démanteler ces colonies et de rétrocéder aux Palestiniens les terres sur lesquelles elles ont été construites.


C.J.N.: La perception que les États-Unis et la Communauté internationale ont des implantations israéliennes a sensiblement changé au fil des années'


Aluf Benn: Oui. Jimmy Carter qualifiait d'"illégales" les implantations juives édifiées en Cisjordanie, à l'époque à Gaza, et à Jérusalem-Est. L'administration du président Ronald Reagan considérait que ces implantations étaient "un obstacle" à la paix israélo-arabe. L'administration de Barack Obama qua li fie aujourd'hui ces implantations d'"illégitimes".

La sémantique employée pour définir le statut de ces implantations a consi dérablement changé.


Quand quelque chose est considéré comme "illégal", vous pouvez toujours contester le fondement de cette position en essayant de démontrer qu'au contraire la chose en question est "légale". Par contre, il est plus difficile de contester et miner un argument fondé sur la notion d'"illégitimité". Ce qui n'a pas empêché Benyamin Netanyahou de tenir tête avec opiniâtreté à Barack Obama au sujet des implantations juives localisées à Jérusalem-Est. Dans ce bras de fer, le premier ministre israélien a remporté la manche.


C.J.N.: La politique proche-orientale de Barack Obama ne montre-t-elle pas des signes de faiblesse et d'incongruité?


Aluf Benn: Oui. La stratégie proche-orientale de Barack Obama s'est avérée jusqu'ici contre-productive. Dès qu'il a été élu président des États-Unis, Barack Obama a voulu montrer très explicitement au monde arabo-musulman qu'il n'était pas George Bush, c'est-à-dire très proisraélien. Il est allé au Caire pour s'adresser et tendre la main à toutes les nations arabo-musulmanes. Il a commis une grande bourde en ignorant complètement le peuple israélien. Il s'est ainsi aliéné la sympathie et le soutien de larges pans de l'opinion publique israélienne, particulièrement des quelque 70% d'Israéliens aujourd'hui favorables à la création d'un État palestinien.


Politicien habile et très astucieux, Benyamin Netanyahou a profité de cette faille stratégique de Barack Obama pour se repositionner politiquement vers le centre -dix jours après le discours du président américain au Caire, le chef du Likoud a accepté officiellement la solution de deux États. Une stratégie politique très perspicace qui a dopé consi dé rable ment sa cote de popularité en Israël. Aujourd'hui, environ 60% des Israéliens soutiennent Benyamin Netanyahou. Un record de popularité inégalé pour un premier ministre d'Israël.


C.J.N.: Y a-t-il un lien entre le conflit israélo-palestinien et la crise qui oppose actuellement les pays occidentaux à l'Iran'


Aluf Benn: Il n'y a pas un lien direct entre le conflit israélo-palestinien et le dossier nucléaire iranien. C'est Barack Obama qui a établi un lien entre ces deux dossiers sulfureux. En effet, si l'administration Obama parvient à trouver un règlement à l'amiable avec l'Iran d'Ahmadinejad et à contrecarrer les desseins de nucléarisation du régime de Téhéran, Israël sera alors soumis à de fortes pressions pour qu'il fasse des concessions aux Palestiniens. Benyamin Netanyahou est très conscient du lien que Barack Obama a délibérément établi entre le conflit israélo-palestinien et la crise actuelle avec l'Iran.


Si l'administration Obama échoue dans sa tentative de contraindre l'Iran à abandonner son programme nucléaire, le scénario d'une attaque militaire d'Israël pour endommager les sites nucléaires iraniens deviendra alors très plausible. Mais, avant d'attaquer l'Iran, Israël devra apaiser les tensions sur ses deux autres fronts de guerre: avec les Palestiniens et les Syriens. Israël ne pourra pas batailler en même temps sur trois fronts. Or, une attaque israélienne de l'Iran pourrait embraser les fronts palestinien, syrien et peut-être aussi libanais. Qu'il y ait règlement ou non du dossier iranien, la marge de manoeuvre d'Israël est assez restreinte.


C.J.N.: Plusieurs analystes avertis des questions moyen-orientales estiment que Barack Obama incarne la dernière grande opportunité pour résoudre le sempiternel conflit israélo-palestinien. Partagez-vous ce point de vue'


Aluf Benn: C'est une vieille antienne, qui n'impressionne plus les Israéliens. Il y a dix ans, après le grand échec du Sommet de Camp David, nombreux étaient ceux qui avaient déclaré que Bill Clinton était la dernière chance pour régler le conflit israélo-palestinien. Or, le président américain venait d'essuyer un cinglant revers. On a claironné alors que plus jamais les Palestiniens ne recevraient une offre de paix aussi généreuse. Huit ans plus tard, en novembre 2008, en s'inspirant des paramètres de négociation définis par Bill Clinton après l'échec du Sommet de Camp David, le premier ministre israélien de l'époque, Ehoud Olmert, a proposé aux Palestiniens une rétrocession de 93.5% des Territoires occupés, le partage de Jérusalem, un retour symbolique des réfugiés palestiniens' Une proposition aussi très généreuse que le leadership palestinien a de nouveau rejetée catégoriquement.


Comme l'a dit Elliott Abrams, conseiller du président George Bush pour les questions du Moyen-Orient: "Malgré toutes les critiques véhémentes dont Israël est toujours l'objet, force est de constater que les offres de paix faites par les Israéliens aux Palestiniens ont été de plus en plus généreuses au fil des années".


Les positions de George Bush sur le conflit israélo-palestinien étaient les mêmes que celles sur lesquelles campe aujourd'hui Barack Obama: appui à la solution de deux États' Pendant la présidence de George Bush, Israël a démantelé 25 colonies. Non, sincèrement, je ne crois pas que Barack Obama soit la dernière chance pour Israël et les Palestiniens. Surtout quand on constate que sa politique étrangère au Proche-Orient et ailleurs dans le monde a donné jusqu'ici peu de résultats probants. Barack Obama prend désormais conscience que le leadership politique a aussi ses limites.


In an interview when he was in Montreal, Ha'aretz political journalist Aluf Benn talks about the possibilities for Israeli-Palestinian peace.



Membre Juif.org





Dernière mise à jour, il y a 11 minutes