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Blog : Carnets d'actualité

Le Français, patrie arabe ?

 

 

 

1.        Ma semaine s'est déroulée loin des joutes parisiennes et je voudrais faire partager le soulagement et l'enrichissement que j'en ai tiré. Elle s'est déroulée sous le signe d'une certaine culture arabe et elle commencé par une visite à l'exposition, à l'IMA, des plus beaux manuscrits du monde. Elle est due aux prêts d'un richissime amateur d'art qui n'est pas arabe, puisqu'il est iranien, qui n'est pas musulman puisqu'il est juif. C'est lui pourtant qui a cherché toute sa vie à trouver et à rassembler une stupéfiante collection de manuscrits du Coran depuis le 8ème siècle jusqu'au 16éme. Ainsi placés les uns à côté des autres, ils procurent un enchantement permanent, comme si, loin du Japon et surtout de la Chine, nous assistions à la naissance de la calligraphie et de ses merveilles.

Je rappelle que la calligraphie - du grec kalos (beau) et de graphein (écrire)- est l'art de former avec élégance les caractères d'écriture. Chaque tableau exposé représente la version calligraphiée d'un passage du Coran, mais la sainteté de l'écriture est illuminée par la prodigieuse humanité du dessin. Tout ici invite à la lenteur, au respect, à l'intensité et à la profondeur .Le seul caprice de l'artiste consiste à s'emparer d'une lettre et à prolonger un trait. Son art comme dirait Gide,  «  nait de contrainte, vit de lutte et meurt de liberté ».J'aurais voulu visiter cette exposition avec mon ami François Cheng, poète et académicien français d'origine chinoise, ou avec le peintre Zao Wou Ki, chinois lui aussi, pour entendre leurs réflexions sur les calligraphies comparées, sur les Ecritures, comme un hommage à la Beauté.

 

2. Après cela, je me suis partagé entre deux salons du Livre, l'un à Paris, où l'invitée du Maghreb des Livres était l'Algérie, et l'autre à Casablanca, qui honorait les Marocains, écrivains où artistes de l'étranger. On peut aimer les salons, la foule, leurs  bruits, le décor et les stands où des gens vous attendent lorsqu'ils ne vous racolent pas. Ce n'est pas mon cas. En revanche dans ces deux salons et aux moments des débats sur l'identité nationale et sur l'immigration, j'ai découvert combien la France, par sa littérature, était entrée dans les m'urs, les échanges, les références  d'un certain monde arabe. Surtout au Maghreb, bien sûr. Mais pas seulement. D'abord, presque tous ces livres sur l'Algérie sont écrits en français, même s'il s'agit de livres contre la France. Les pionniers, comme Mouloud Feraoun, Mouloud Mammeri, Mohamed Dib, Rachid Boudjedra, Rachid Mimouni et le plus grand d'entre eux, Kateb Yacine, auraient été heureux. Ils avaient eu, eux, à se justifier d'écrire en français. Aujourd'hui, les Algériens de ce « Maghreb des Livres » ont intégré la pratique du français jusqu'à s'en servir, au besoin, pour faire le procès de la France, mais ceux auxquels j'ai parlé n'étaient pas enthousiastes à l'idée qu'il faille exiger de la France, une déclaration de repentance générale pour la conquête coloniale. Ils avaient voulu venir en France. Ils s'y sont enracinés, leurs enfants, et parfois leurs petits enfants sont autour d'eux, et l'on comprend qu'ils ne soient pas très à l'aise lorsqu'on veut leur rappeler qu'ils vivent chez un ennemi supposé héréditaire.

 

3. Je me suis rendu ensuite à Casablanca où il ne faisait pas plus beau qu'en France, et où le salon se tenait dans une magnifique et immense voûte héritée de l'époque coloniale. Chaque jour, il s'y est passé quelque chose de surprenant, d'imprévu et de pittoresque, à commencer par la présence, à certaines heures, d'une masse innombrable d'enfants, qui s'apparentait à une invasion de sauterelles. Les grands éditeurs français avaient pris soin d'assurer une présence prestigieuse et de promouvoir opportunément  le succès des livres de poches (5 ? chacun). Le niveau des différents colloques était souvent ambitieux. Peut-être la discussion entre Abdelwahab Meddeb et Abdelatif Laâbi sur les origines du roman, de Dostoïevski à Borges, et de Stendhal à Joyce, était-elle juste un peu sophistiquée pour l'auditoire auquel ils s'adressaient mais quelle culture ! Il ne manquait qu'un Salah Sétié qui vient de publier un très beau texte sur Massignon. Une anecdote à propos d'Abdelatif Laâbi dont j'aime le dernier ouvrage, « le Livre imprévu », aux Editions de la Différence .L'auteur, ayant découvert que la traduction d'un livre en arabe de Milan Kundera frisait la perfection, a aussitôt demandé que ce fût la traductrice, en l'occurrence syrienne, qui se charge de l'édition de Damas. Pour rester avec Abdelatif Laâbi, je dirai combien sont émouvantes et pertinentes les pages qu'il consacre à l'Andalousie judéo-arabe qui aurait pu ressusciter aujourd'hui sans le conflit du Proche Orient, comme son hommage à Abraham Sarfati, ce patriote juif et marocain dont il a été le compagnon en prison et qui a toujours refusé la clémence du roi Hassan II. Parmi les auteurs marocains à qui il a été rendu hommage, figure Driss Chraïbi, l'auteur du « Passé simple », le seul, avec Kateb Yacine, qui s'est délivré de tous les tabous de l'Islam, de l'exil, de la pratique du français, et du libertinage. Tous les deux ont  furieusement embrassés la vie en la marquant de leur génie.

 

4. J'ai retrouvé à mon retour, un courrier m'incitant à entrer « en résistance et en dissidence » contre le gouvernement actuel. Je pressentais ce malaise, ensuite cette révolte, non pas devant les gesticulations contradictoires de Nicolas Sarkozy, mais devant la situation créée par la crise financière d'un capitalisme devenu décidément insupportable. Les inégalités trop nombreuses, le chômage trop menaçant, les disparités des revenus trop criardes, les comportements des financiers trop insolents, et enfin leur dénonciation trop cynique par le président de la République. Le fait que, par ses propos, il ait cru pouvoir soudain épouser l'indignation générale dans un discours anticapitaliste et finalement néo-marxiste jette la confusion et provoque une véritable mise en rébellion des meilleurs esprits.  Mais  personne n'a le monopole de l'indignation. ! Simplement, le rôle d'un éditorialiste n'est pas celui d'un leader politique et celui d'un journaliste n'est pas celui d'un militant. Tous deux ont l'impérieux de comprendre, ensuite de faire comprendre, éventuellement de condamner.

J.D.

 

Membre Juif.org





Dernière mise à jour, il y a 56 minutes