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Blog : Carnets d'actualitéUn manuel de survie1. Je lis le dernier livre de Régis Debray (1) comme un carnet de ses humeurs habituelles, qui recoupent mes humeurs présentes. Cela fait maintenant quelque temps que nombre de ses obsessions m'expriment et que ses formules étincellent. Nous avons en commun le sens du sacré, la croyance que l'universel doit s'enraciner dans la nation, et la certitude (somme toute héritée de Durkeim que l'on dit si dépassé) que l'on ignore tout de l'humanité si l'on prétend négliger la religion chez l'homme. Mais Régis ne peut oublier qu'il a eu lui-même - et abandonné - une religion, celle de la révolution. Et même de la violence révolutionnaire. C'est ce qui pourrait expliquer son regret de ne pouvoir rejoindre « l'ami » Badiou. Et c'est la question que je n'ai jamais cessé de me poser pour toutes les gauches - et aujourd'hui pour le retour de l'extrême ?gauche. Régis n'en dit pourtant rien. Or c'est, selon moi, l'abandon de cette religion qui l'a rendu disponible à la fois pour en revisiter l'histoire et pour se réfugier dans un scepticisme musclé et une dérision caustique. Je suis heureux que ce médiologue séduise enfin et désormais les médias. Il va pouvoir s'y contempler lui-même. Nos convergences peuvent être parfois conflictuelles. Dans le conflit israélo-palestinien, je suis devenu un militant de la paix farouchement opposé au bellicisme des deux camps et partisan de la non violence. Lui se mobilise plutôt dans un soutien aux Palestiniens. Mais nous sommes en gros dans le même camp. Et lorsque Régis dit qu'il a pu éviter la nostalgie du grincheux en adoptant la mélancolie du voyeur amusé, lorsqu'il assure pouvoir se résigner à ce que tout ait toujours été comme ça, on peut ne pas le croire. Au fond, il pense que c'est pire aujourd'hui et que ce le sera encore d'avantage demain. Ce qui lui permet de passer de la colère à la sérénité distante, c'est qu'il se sent, comme moi, lentement expulsé du siècle et donc de l'histoire en train de se faire. Parmi les signes de cette expulsion, figure la primauté du jargon économique. Nos professeurs ne nous avaient rien appris des « subprimes, sicav, bonus » etc. Ce qui prouve que ni Régis ni moi, n'avions su lire Marx comme Raymond Aron avait prescrit de le faire. J'ai lu avec enchantement les pages sur la valse des valeurs et la façon dont la gauche et la droite ont échangé les motifs originels de leurs combats. « En France, sur la longue distance (deux siècles), chacun à fini par intégrer ce a quoi il s'opposait, son identité a contrario ». La droite à finalement épousé la République et la gauche le capitalisme. C'est bien à moi que Régis répond ici, sans me citer, car j'ai tenu et tiens pour positif que la droite s'acharne à voler à la gauche ses valeurs et ses saints. « Si le verre d'eau est sucré avec le camp d'en face, que reste-t-il du morceau de sucre ? » Eh bien, il en reste le goût au nom duquel, avec Camus et Char, on peut résister à l'air du temps. On peut saluer Mandela et Obama. Mais peut-on dire non au règne de l'argent qui se substitue à l'être et à l'image qui assure le règne du paraître ? C'est le seul problème sérieux aujourd'hui.
2. Il y a deux personnalités du cinéma qui ont été récompensé par les César et dont le rapprochement fait réfléchir. La première, c'est Isabelle Adjani pour un film « la Journée de la jupe » dans lequel elle incarne une institutrice dont on ne sait pas, au début, qu'elle est, comme ses élèves belliqueux et rebelles, d'origine algérienne. Elle ne cesse de se battre pour imposer le respect de la devise de la République française, Liberté, Egalité, Fraternité, mais aussi Laïcité. Ce film admirable rappelle avec audace une vérité opportune : tous les petits Français ont autant de devoirs que de droits. Un autre César à été donné à Jacques Audiard pour « le Prophète », un film très fort qui se passe dans une prison où les détenus ne s'épargnent rien, et qui est une mise en question de toute la société française. Là aussi, nous sommes dans la vérité la plus crue mais également dans la complexité la plus dérangeante. Car les détenus sont pour la plupart des immigrés et des Corses qui s'opposent et ne se mobilisent que pour l'affrontement, le vol et le crime. Ils sont le produit de la façon dont on les a traités avant leur délinquance. Le film a reçu neuf César et il les méritait. Il faut encourager tout ce qui dénonce l'univers carcéral à la française. Reste que le réalisateur, Jacques Audiard, était en état de fureur au moment ou il a reçu son prix, vitupérant tous ceux qui restaient passifs devant l'insupportable sort que l'on réserve aux sans papiers. Il s'est refusé à toute expression de joie ou de gratitude tant il était habité par la cause qu'il voulait défendre et promouvoir. Or si la défense des sans papiers doit mobiliser les hommes de bonne volonté, on ne peut plus ignorer ce qu'ils subissent avant leur arrivée clandestine en France où ils risquent d'être l'objet de cette « chasse » scandaleuse justement dénoncée par Audiard. Les sans papiers ont d'abord été chez eux, victimes d'une organisation, celle des passeurs qui a fait l'objet de films remarquables qui n'ont cependant jamais obtenu la notoriété du « Prophète ». Or tout ce que l'on sait maintenant, met en cause la passivité calculée des Etats d'origines, et la conclusion d'accords secrets entre des industriels français et les réseaux des passeurs clandestins. Des familles entières se sacrifient ainsi pendant des années pour que l'un de leurs membres puisse payer la somme qui lui permettra de gagner la France et d'assurer aux siens, par ses envois réguliers, une fragile sécurité. Le crime est partout mais d'abord à la source. J.D.
PS - Régis Debray termine son livre par un remarquable hommage à Lévi-Strauss qui témoigne de notre commune dévotion. Se souvient-il que nous avons eu, invité par François Mitterrand, la chance de tenir compagnie au grand anthropologue dans un voyage au Brésil ?.Mais si Régis à raison de fustiger la frivolité des commentaires officiels sur « l'humanisme » de Lévi-Strauss, il a tort d'oublier l'exigence de ce dernier concernant les devoirs des émigrés, et, surtout, sa sévérité envers l'Islam. Personne, pas même Régis, n'ose insister sur ce point.
(1) ?« Dégagements », par Régis Debray, Gallimard, 290 p.
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