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Blog : Carnets d'actualité

Le choc d'un film

 

 J'ai vu le film « la Rafle » et j'ai pleuré. Ensuite, je me suis dit que c'était une fiction et ces larmes m'ont gêné A tort, car d'autres fictions m'ont ému et celle ci représente la réalité. Il s'agit, on le sait, du film de Rose Bosch qui rapporte l'un des plus tragiques épisodes de la France de Vichy. À l'aube du 16 juillet 1942, sur ordre des Allemands, quatre mille cinq cents fonctionnaires et gendarmes se déploient dans les rues de Paris pour « rafler » la population juive. Plus de treize mille juifs seront ainsi arrêtés et parqués au Vélodrome d'hiver (le très populaire «  Vel d'Hiv ») en attendant d'être envoyés dans des camps français, puis déportés en Pologne. Une dizaine de milliers seront sauvés par des Parisiens qui au lieu de les dénoncer, les avertiront de l'imminence de la rafle.

J'ai salué comme il se doit, à sa sortie, « Shoah » le film de Claude Lanzman. Cela ne m'a nullement empêché d'aimer « le Choix de Sophie » et « la liste  de Schindler » que j'ai vu avec l'historien Pierre Vidal Naquet. Et j'approuve Jorge Semprun (1), bien placé pour donner son avis, lorsqu'il s'oppose à ce que l'on interdise toute reconstitution de la déportation, que ce soit dans un film ou dans un livre. De toute manière, Serge Klarsfeld, qui a passé sa vie à traquer les nazis, a donné sa caution au film de Rose Bosch dont il a été le consultant.

Au passage, je signale que le même Serge Klarsfeld s'est investi dans un projet dit « Aladin » qui  lutte contre le négationnisme en terre d'Islam. Une cause  que Pierre Vidal Naquet et moi avons toujours préconisée et que Barack Obama a soutenue dans son fameux discours du Caire.

Mais revenons au film. Les scènes les plus atroces concernent la décision de séparer les enfants des parents au moment du départ vers Auschwitz, et c'est à la limite du supportable. « Qu'allez-vous faire des enfants ? », demande Pétain à Laval. On voit ce dernier répondre qu'après tout il vaudrait peut-être mieux faire en sorte qu'ils rejoignent leurs parents. Et les enfants partiront par convoi séparé. Réponse terrible car on ne sait pas aujourd'hui encore si, dans l'esprit de Laval, les enfants étaient destinés à mourir avec leurs parents ou à souffrir avec eux dans les camps. A cette minute, Laval sait-il la différence entre concentration et extermination ? Nous, en voyant cette scène, nous le savons. Et nous savons aussi que Laval était capable des pires forfaitures. Mais il n'est pas impossible que l'inimaginable ne puisse pas être imaginé, même par un homme comme lui et au moins dans un premier temps.

En dépit des scènes émouvantes où l'on voit des familles françaises et quelques policiers sauver des juifs en les prévenant ou en les cachant, c'est un film terrible contre la France de Vichy. Donc contre la France ? De Gaulle et Mitterrand on refusé de le penser. De Gaulle parce qu'il estimait avoir maintenu à Londres la patrie et la République, rendant ainsi illégal l'Etat de Vichy. Mitterrand parce qu'il avait connu pendant deux ans les déchirements que suscitait le pétainisme. « Après avoir été attentiste comme la majorité des Français, il a été résistant comme une minorité », cette formule est de Françoise Giroud. De Gaulle et Mitterrand ont été partisan de l'apaisement et du rassemblement. Il a fallu attendre Jacques Chirac pour qu'un président reconnût, le 16 juillet 1995, la responsabilité de la France dans la déportation des juisf. Les choses paraissent aujourd'hui bien simples. Elles ne l'ont pas toujours été. Je confesse ici que, pour ma part, ayant servi dans les Forces françaises libres et devant à De Gaulle de n'avoir jamais désespéré de la France, j'ai longtemps estimé que la repentance ne s'imposait pas puisque ceux qui s'étaient rendu coupables de complicité avec le génocide n'étaient plus français, au moins selon la morale gaulliste. J'ai attendu tout ce temps et ce film pour estimer que j'avais tort.

 

Les débats sur la gauche ?  J'ai décidé  de me contenter aujourd'hui d'une seule observation. Il y a désormais une saine compétition entre tous les hommes politiques et tous les penseurs pour dénoncer un capitalisme suspect de s'être financiarisé au pont de provoquer une crise mondiale. Quel est le vainqueur de cette compétition ?  Je vais faire une citation pour vous mettre sur la voie : « La mondialisation a dérapé à partir du moment où il était admis que le marché avait toujours raison et qu'aucune autre raison ne lui était opposable (?) elle a engendré un monde où tout était donné au capital financier et presque rien au travail, où l'entrepreneur passait après le spéculateur, où le rentier prenait le pas sur le travailleur, où les effets de levier, atteignant des proportions déraisonnables, engendraient un capitalisme dans lequel il était devenu normal de jouer avec l'argent des autres, de gagner facilement, rapidement, sans efforts et trop souvent sans une création de richesse ou d'emplois ». De qui donc est cette terrible dénonciation ? De Nicolas Sarkozy dans son discours inaugural au Forum de Davos, le 28 janvier dernier. Ce texte, dont il faudrait citer chaque paragraphe pour sa pertinence accusatrice, a été prononcé par un président français impopulaire, sur le déclin, à bout de souffle et qui n'est ni écouté ni entendu. C'était le sentiment, nous dit-on, de tous les participants au forum de Davos. Dans la presse française, il n'a suscité qu'une indifférence méprisante.

Pour ma part, j'ai trouvé ce discours particulièrement intéressant. Il ne peut en effet que susciter un  violent rejet de l'extrême droite, de la droite libérale et d'une grande partie du patronat. Quand Sarkozy et Guaino nous empruntaient Jaurès, Blum et Mendès, on pouvait les accuser de jeter une confusion dans les esprits. Mais là, il s'agit de la première mise en question par un président de droite des dérives et même de la philosophie d'un certain capitalisme. Devant la montée du chômage, de la précarité et des mécontentements, instruit autant par des économistes mondiaux de gauche que par les leaders syndicaux qu'il fréquente, Sarkozy a pourtant choisi de jeter la confusion dans son propre camp. Et cela à la veille d'élections qui vont donner à la gauche une insolente victoire. Alors que cet homme continue de penser qu'il aura un jour les moyens d'être, comme de Gaulle et Mitterrand, un président du rassemblement.

J.D.

(1)      Dont je veux signaler le dernier livre, « Une tombe au creux des nuages », qui vient de paraître aux éditions Gallimard.

 

Membre Juif.org





Dernière mise à jour, il y a 3 minutes