Blog : Drzz

Par Jean-Patrick Grumberg

J'ai reçu hier cette bien curieuse question. Un anonyme qui signe courageusement "sans nom" me demande par email : « je n'ai pas de problèmes avec les juifs, mais êtes vous sioniste ? »

Ma première réaction a été de lui répondre qu'il s'est trompé de porte, je ne soigne pas les problèmes des autres. Ma seconde réaction a été : sioniste ? Quelle question idiote. Le sionisme est l'idée la plus généreuse, la plus humaniste du 20e siècle, comment ne pas être sioniste.

Comme je n'avais pas encore répondu, je me suis posé la question : suis-je sioniste ? Qu'est ce qu'un sioniste ?

Je suis attablé au soleil à la terrasse d'un café, deux jolies filles en mini jupes passent devant moi en riant fort. Je lève les yeux vers le ciel bleu, vers un exceptionnel immeuble Bauhaus, un chef d'?uvre architectural pour qui sait regarder, qui a motivé l'UNESCO pour classer Tel Aviv patrimoine mondial. Tel Aviv, patrimoine mondial ! L'immeuble a besoin d'un gros ravalement, comme beaucoup des quatre mille autres immeubles Bauhaus de la ville. Suis-je sioniste ?

Ca me rappelle un cours de philo. Mon professeur, un excentrique avec qui on allait écouter du blues dans un caveau à Mouffetard, un jour nous explique : « si je dis : ce type est un con, vous comprenez tous de quoi je parle. Si je vous demande de définir : con, on y sera encore demain ». Je n'ai pas tout de suite saisi où il voulait en venir, et de toutes façons, la cloche sonnait. Je n'ai pas oublié sa rhétorique.

Le sionisme ?

C'est un mouvement nationaliste et politique qui réclame le rapprochement du peuple Juif de la terre d'Israël, par l'établissement d'un foyer national Juif en Palestine, en réponse aux pressions subies par les Juifs en Europe.

Il est à la fois avocat et acteur de la solidarité entre les Juifs, et de la lutte contre l'antisémitisme.

Il demande la création, en Israël, d'une armée pour protéger les Juifs contre ceux qui veulent les détruire.

Il considère que les Juifs de la diaspora vivent en exil, encourage leur Alliyah (immigration en Israël), et souhaite faire de l'Hébreu la langue des Juifs.

Un des principes central au sionisme, et qui circule avec force dans les veines de la société israélienne contemporaine, est le désir de créer une société moderne qui croit aux vertus du libre échange et de la libre entreprise, de la démocratie et des droits de l'homme.

Il rappelle que la sécurité des Juifs qui vivent en dehors d'Israël n'est pas assurée partout, notamment en Russie et dans les pays arabes, et que l'Etat d'Israël doit se porter garant de cette sécurité.

La lecture de ces définitions inspire une première remarque. Le sionisme est le principal ennemi de l'antisémitisme. Il lui coupe la route sur de nombreux fronts, et construit des barrages partout ou l'autre veut s'infiltrer. En ce sens, l'antisémite a toutes les bonnes raisons pour être antisioniste. Antisémite, je serais enragé de l'efficacité du sionisme à bloquer toutes mes attaques.

Et cela éclaire la question, en apparence étrange, qui m'a été posée. Bien sûr que "sans nom" n'a pas de problèmes avec les juifs tant qu'ils ne sont pas sionistes. Aucun antisémite n'a de problème avec un Juif qui n'est pas sioniste. Un jour ou l'autre, on l'attendra au coin d'une rue et on le tabassera. On l'attaquera, sur la scène d'un cabaret, dans un article de journal ou dans une interview télé. On doutera de la shoah comme on plie sa chemise : proprement et avec soin. On défilera dans les rues en criant mort aux juifs et brandissant un drapeau palestinien. On lancera des cocktails Molotov sur la synagogue.

Ensuite, il semble évident que les anti américains, hostiles à la nature de l'homme, partisans du dirigisme d'état, et réticents à défendre les articles de la déclaration des droits de l'homme qui s'opposent à leur idéologie, ne peuvent pas sourire à cet électron libre, Israël.

Suis-je sioniste ?

Je ne suis pas disposé à  défendre l'idée d'un état Juif en Palestine. Israël est une réalité. Argumenter de son droit à exister, c'est se placer dans une position de faiblesse sans fondement. L'établissement d'un foyer national juif en Palestine a été légalement décidé par un vote de la Société des Nations en juillet 1922, puis par une résolution de l'ONU en Novembre 1947, l'affaire n'est plus ouverte à discussion.

Et Israël possède une des armées les plus puissantes du monde pour rappeler ces faits à ceux qui voudraient les oublier.

La solidarité et la lutte contre l'antisémitisme sont de nobles causes qui ne peuvent qu'inspirer le respect, même de nos ennemis.

Je ne souhaite pas, en revanche, qu'on demande aux Juifs de la diaspora de venir s'établir en Israël. J'y suis opposé par respect du droit de choisir, de disposer de sa personne. L'observation des réalités montre que les organisations en charge de l'émigration vers Israël interviennent bien peu pour encourager cela. Et c'est une bonne chose.

Le libéralisme économique est une vertu, la libre entreprise, libérée des carcans de stupides règlementations parasites, dégagée de l'écrasement d'impôts insupportables qui ne lui profitent pas mais qui la tue, crée richesse et travail, et permet aux hommes de s'épanouir. Elle réduit la pauvreté, fait disparaître la famine, reculer la maladie. Elle libère la créativité, l'invention, l'art.

Je ne sais pas combien je suis Sioniste. Le terme a peut être un peu vieilli. Je suis Pro Israélien.

Il existe quelques israéliens opposés à la création d'un autre état arabe. Ils sont difficiles à rencontrer, mais puisqu'on nous dit qu'ils existent, je leur rappelle ceci : aussi loin que vous souhaitez repousser la frontière, vous aurez toujours un voisin avec qui vous devrez composer.