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Blog : Carnets d'actualité

OU SONT LES GRANDS HOMMES ?

 

OU SONT LES GRANDS HOMMES ?

 

Auparavant, lorsque l'on parlait de l'Europe, on était presque certain d'ennuyer. Le nom seul était supposé détourner l'attention. Aujourd'hui, parler de l'Europe, c'est provoquer la consternation. C'est à qui fera le bilan le plus habile et le plus exhaustif des incompétences et des forfaitures de nos représentants à Bruxelles. On savait tout. On avait tout prévu. On n'a rien fait, etc. Les Grecs ont plusieurs fois menti, les Allemands ne s'en sont pas aperçu. On ne voit pas comment les accords actuels pourraient colmater les brèches. Et c'est l'euro, oui, même l'euro, qui est menacé !

L'incompétence a parfois des avantages : en l'occurrence, elle me sert à ne pas rejoindre le ch'ur des pleureuses et des procureurs. Sans doute, comme tout honnête homme, j'avais lu et entendu les Cassandre du souverainisme. Je leur laisse le soin de se réjouir d'avoir eu raison. Mais, il faudrait tout de même se reprendre, parce que l'Europe, c'est peut-être l'une des choses les plus importantes dans l'histoire de l'humanité que l'on appelle civilisée. Qu'appelons-nous être européen ? La réponse dépend de l'interlocuteur. Il y a tout d'abord celle des hommes de culture. Il y a eu l'Europe des universités du Moyen Age, lorsque l'on pouvait se rendre de l'une à l'autre, de Padoue à Heidelberg, sans que personne ne vous demande vos papiers. Il y a eu Cervantès en Espagne, Shakespeare à Londres, Rabelais et Montaigne en France. La peinture était en Italie, la musique et la philosophie en Allemagne, la poésie en Grande-Bretagne, la littérature en France. Dans toutes les cours d'Europe on parlait le français mais on était capable de réciter un poème de Pouchkine, de Goethe comme de Victor Hugo.

Pourquoi ce rappel ? Simplement, parce qu'il est rafraîchissant et, surtout, parce qu'il s'agit d'une histoire commune destinée à survivre à toutes les gesticulations bruxelloises. Bien sûr, il faut rappeler également que si tous ces pays fournissaient des génies, cela ne les empêchait nullement de s'arracher les uns aux autres des territoires, d'avoir des conflits de frontières et de puissance, d'annexer des régions selon le caprice du condottiere ou du seigneur. Jusqu'au jour où l'Europe est devenue, avec l'affrontement des deux pays les plus chrétiens et les plus civilisés, un lieu de barbarie, avec trois guerres épouvantables, atroces, qui paraissaient effacer toute la liste des gloires que j'ai évoquées au début. Et puis, à la fin de la troisième guerre entre la France et l'Allemagne, l'Europe est née, une autre Europe, pas celle de la culture ni même des révolutions industrielles mais celles de quelques hommes. Il faut toujours des hommes pour incarner une grande idée et entraîner un grand peuple.

 Sur le moment, on ne les croit pas toujours aussi grands qu'ils sont. On n'était pas sûr que Jean Monnet, Konrad Adenauer, Alcide de Gasperi fussent des surhommes. Ils ne l'étaient d'ailleurs pas. Mais ils avaient trois idées. Celle, d'abord, de mettre fin à toute éventualité d'une nouvelle guerre. Celle, ensuite, de choisir chaque fois la survie plutôt que le déclin de l'une des nations contractantes. Celle, enfin, qui était une ambition vaste, immense, inimaginable, de construire un ensemble de nations libres qui offriraient un exemple au monde en inventant, et d'abord en explorant, tous les mécanismes qui permettraient de prévoir les conflits et les dangers pour mieux les conjurer. Oui, il faut toujours des hommes. Jacques Delors n'a cessé de le rappeler : sans les tandems De Gaulle-Adenauer, Giscard-Schmidt, Mitterrand-Kohl, et en dépit de la mauvaise parenthèse Chirac-Schroeder, que serait devenu ce qui a tout de même pu être fait jusqu'au Traité de Lisbonne et même après ?

Alors, aujourd'hui que voyons-nous ?  Eh bien, d'abord, que nous avons plus que jamais besoin de grands hommes. Ce ne seront pas les mêmes qu'auparavant, bien sûr. Pourquoi' Parce que les données politiques habituelles ont changé. Parce qu'Angela Merckel se soucie d'avantage des intérêts de la Grande Allemagne que d'une bonne Europe. Parce qu'on ne peut pas faire à 27 ce qu'on faisait à 6, ou à 12. Et aussi parce que si l'on avait naguère besoin de convaincre des citoyens, aujourd'hui, ce sont des individus qu'il faut railler. On pouvait négocier avec des partis, des institutions, des syndicats. Il faut maintenant s'adresser à des consommateurs pour qui la politique ne représente qu'un rite anachronique dont ils n'attendent pas qu'il puisse changer leur sort. C'est donc le règne du populisme ? Cela peut le devenir. On le voit bien avec Berlusconi. On le voit aussi avec la montée de l'extrême droite dans presque tous les pays européens. Comment vendre l'Europe aux consommateurs ? Ce n'est pas impossible. L'industrie du tourisme a su le faire pendant des années et des années, et voici que c'est elle, soudain, qui, dans des pays comme l'Espagne, avec l'inflation immobilière, est à l'origine des faillites.

 Plus d'un lecteur pensera sans doute que je ne saurais parler, surtout moi, de grands hommes sans évoquer le fait que les Etats-Unis en ont un, qui est Barack Obama. Et que si je fais exprès de ne pas le citer,  c'est parce qu'il serait sur le déclin, en perte de vitesse, incapable de tenir toutes ses promesses. On se tromperait lourdement. Je m'empresse au contraire d'évoquer le président afro-américain de la Maison-Blanche pour rappeler qu'après trois mois où il a été bafoué, injurié, ridiculisé, insulté comme peu de leaders américains dans l'histoire, après avoir été la cible des injures de l'extrême droite raciste  et des républicains méprisants, après que chacun l'a joué perdant, Barack Obama, en réussissant à faire accepter sa réforme, même amendée, de l'assurance médicale, s'est redressé d'une manière aussi spectaculaire que lorsqu'il avait accédé à la Maison-Blanche. Ce n'est donc pas aux Etats-Unis qu'il manque un grand homme, c'est au Proche-Orient, pour réunir les Palestiniens entre eux et les conduire ensemble  à un compromis que les Israéliens se résigneraient enfin à accepter. Il y a bien des lieux où il manque une grande voix capable de se faire entendre de tous les protagonistes d'un conflit. Mais partout, ce sera la grande aventure européenne qui demeurera une référence autant dans ses réussites que dans ses défaites : il s'agit de créer, dans les situations d'urgence, un sentiment supranational qui triomphe des nationalismes chauvins et irresponsables.

J.D.

Membre Juif.org





Dernière mise à jour, il y a 36 minutes