Blog : Ragazou

Le Canadien de Montréal rend souvent la vie ardue à ses fans observant les pratiques du Judaïsme. 

C'est dont se lamente un supporter inconditionnel Juif du Tricolore, Mike Boone, dans une lettre publiée dans le quotidien The Gazette au printemps 2008 -?Les Habs ruinent les plans pour Pessah'-, reproduite à la fin du livre collectif La Religion du Canadien de Montréal, paru aux Éditions Fides, codirigé par deux professeurs de Théologie, Olivier Bauer et Jean-Marc Barreau.

 

?Pessah commence le quinzième jour du premier mois de l'ancien calendrier hébreu. Autrefois, quand les Canadiens avaient l'habitude de gagner la Coupe Stanley ou d'avancer profondément en séries éliminatoires, le repas festif de Pessah coïncidait souvent avec un match des séries éliminatoires.

 

Cependant, avec une partie qui débutait à 20 heures et avec un président de Seder qui savait lire les prières rituelles suffisamment rapidement, vous pouviez voir la majorité de la deuxième période et la totalité de la troisième période. Mais quand le match commencera à 19 heures, ce soir, les célébrations de Pessah ne feront que commencer.

 

Rien de tout cela ne serait un problème si les Canadiens avaient éliminé les Bruins en cinq matchs. Mais ils ne l'ont pas fait. Et maintenant, nous devrons tous en subir les conséquences'?, se désole ce fan invétéré du Canadien de Montréal.

 

Les auteurs de cet ouvrage collectif audacieux rappellent que sept millions de Québécois sont devenus des adeptes zélés d'une ?nouvelle religion', qui suscite ferveur et communion: le Canadien de Montréal.

 

?Le Canadien de Montréal n'est pas une ?religion' au sens strict du terme. En effet, il manque au Canadien, fondamentalement et indéniablement, une référence explicite et assumée à une Transcendance, à un Dieu, à une Divinité ou à un Ultime, quel qu'Il ou qu'Elle soit. Mais ce constat n'ôte pas pour autant au Canadien tout caractère religieux. Il faut reconnaître que ce Club de hockey présente bien des aspects d'une religion.

 

Le Canadien remplit deux fonctions majeures de la religion: transmettre et perpétuer des traditions et être un lien autour duquel communient des individus.

 

Particulièrement durant l'année dernière, où on a commémoré en grande pompe le centenaire du Canadien de Montréal, on a maintes fois évoqué les traditions légendaires qui font partie intégrante de l'histoire du Tricolore: les émeutes, en 1955, provoquées par la suspension de Maurice Richard; l'invention du lancer frappé par Boum Boum Geoffrion; le premier masque porté par Jacques Plante'

 

Des rites que le Canadien s'escrime à maintenir vivants. Il y a aussi à Montréal une ?ferveur religieuse' autour du Canadien, qui s'exacerbe quand les séries approchent et que ?ça commence à sentir la Coupe Stanley'?, explique en entrevue le codirecteur de cet ouvrage collectif iconoclaste, Olivier Bauer, professeur à la Faculté de Théologie et des Sciences des religions de l'Université de Montréal.

 

Une ferveur qui rapproche des millions de personnes de toutes les origines ethniques et culturelles.

 

?À Montréal, le Canadien est un facteur important d'intégration sociale, qui réunit les Québécois ?pure laine', les minorités ethniques, les Anglophones, les Francophones, les Juifs, les Catholiques, les Protestants, les Musulmans'

 

Il me semble qu'il y a cent ans, ce n'était pas aussi évident que ça à Montréal, sauf sur la patinoire!?

Mais la ?religion' du Canadien de Montréal révèle à la fois des aspects positifs et négatifs, s'empresse d'ajouter Olivier Bauer.

 

Cette ?religion' est utile lorsqu'elle est ?fidélité et reconnaissance, Mémoire et célébration d'une histoire centenaire, qui mêle allègrement les mythes et la réalité, comme le suggère la fameuse devise gravée dans le vestiaire de l'équipe: ?Nos bras meurtris vous tendent le flambeau, à vous toujours de le porter bien haut'?

 

Mais la ?religion' du Canadien de Montréal recèle aussi un ?aspect pernicieux'.

 

?Cette fidélité, féconde quand elle est envie de reconnaître ce qui a été fait pour faire à son tour, quand elle est désir de se souvenir pour transmettre, devient alors maladive et mortifère quand elle se limite à reproduire les mêmes comportements superstitieux, à répéter infiniment les mêmes commentaires stériles sur des événements archi-connus, quand elle n'est que fuite dans le passé par crainte d'affronter les réalités du temps présent'?, estime Olivier Bauer.

 

Or, quand elle implique ce type de comportements, poursuit-il, la religion du Canadien de Montréal partage alors bien des traits d'une maladie, selon le diagnostic que Sigmund Freud dressait pour les religions: ?La religion serait la névrose obsessionnelle universelle de l'humanité. Comme celle de l'enfant, elle dérive du complexe d'Oedipe, des rapports de l'enfant au père' -Sigmund Freud, L'avenir d'une illusion-.

 

Ce livre de réflexion sur la place cardinale qu'occupe le Canadien de Montréal dans la psyché collective du peuple québécois n'apporte pas des réponses définitives à cette complexe question sociale, mais il a le mérite d'ouvrir des pistes de réflexion passionnantes.

A new collection, La Religion du Canadien de Montréal, looks at the Montreal Canadiens as a ?religion' in Quebec.