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Blog : Carnets d'actualitéL'argent du foot
L'argent du foot
Je ne sais si les intellectuels ont désormais autorité sur tout, y compris sur les m'urs sportives, pour définir, non sans superbe, le bien et le mal. Nous ne sommes pas encore dans une société à ce point platonicienne. Ce dont je suis sûr en revanche, c'est que, quitte à s'en mêler, ces procureurs ne devraient pas reculer devant la seule dénonciation qui a mon avis, s'impose : celle du règne de l'argent. Il me parait évident, si je me permets, à mon tour, de formuler un diagnostic, que s'ils n'étaient pas des milliardaires idolâtrés, donc objets des convoitises qui les transforment en marchandises dans la honteuse bourse des vedettes, ces athlètes qui humilient à ce point la nation qu'ils sont supposés représenter ne se permettraient pas un tel comportement. C'est l'argent qui leur confère un sentiment d'autonomie insupportable dans son arrogance. C'est le fait qu'ils s'estiment à l'abri du besoin et du risque qui les déracine et leur enlève tout désir d'appartenance. C'est l'argent, ici comme ailleurs, ici plus qu'ailleurs, qui les place dans une situation d'exil, en rupture avec tous les liens de solidarité. On dira que toute notre société marchande relève d'un tel jugement .Surtout à l'heure ou la télévision et le règne de l'image des foules augmentent le prix de chaque vedette, en suscitant l'idolâtrie. Mais les premiers qui ont jaugé la capacité de nuisance et de destruction de valeurs de l'argent, ce sont les théoriciens initiaux du capitalisme. Ce n'est pas pour rien, qu'ils ont été en même temps ceux qui ont préconisé un puritanisme intransigeant. Le capitalisme, pensaient-ils, ne peut être source de progrès que s'il est tempéré par un implacable impératif moral. Or tous les scandales actuels de la classe politique tournent autour de l'argent et des privilèges. J'écrivais la semaine dernière, avec candeur, que l'école du football illustrait l'universalité des valeurs. Je citais Montherlant, mais il faudrait aujourd'hui citer Paul Yonnet (« Une main en trop. Mesures et démesure : un état du football») dont le livre stimulant montre combien les injonctions collectives du sport soulignent une certaine manière de vivre ensemble. Tout cela reste vrai à la condition de trouver les moyens d'endiguer les flots de cupidité, de suffisance et de vulgarité que procure l'argent. Le moyen, c'est la croyance imposée en des valeurs supérieures. Zidane l'a fait le jour où il a confessé qu'il regrettait son fameux coup de tête parce que cela donnait un mauvais exemple à tous les jeunes gens qui pouvaient croire héroïque d'enfreindre toute discipline.
Le charisme d'un Bigeard La bienveillance avec laquelle les commentateurs de droite comme de gauche ont salué la disparition du général Bigeard dans sa quatre vingt quatorzième année montre que c'est tout une page d'histoire, d'épopée militariste, de forfanterie coloniale et de panache impérial qui est revisitée sans déplaisir. C'est que le personnage était loin d'être indifférent. Fort en gueule et même braillard, de naissance roturière mais ambitieux comme le capitaine Fracasse, cultivant sa popularité comme Cartouche et Mandrin, capable de reprendre à chaque fois le combat après avoir été grièvement blessé, Bigeard a été un héros de roman d'aventures qui dépassait les causes qu'il servait, bien que, dans les maquis de la Résistance, les rizières du Viêtnam et le bled algérien, il ait dit qu'il ne pensait qu'à la France. Reste que Bigeard est lié pour moi à cette bataille d'Alger qui a suscité tant de commentaires passionnés. Il s'agit d'une victoire des parachutistes sur le terrorisme obtenue non dans le djebel mais dans les rues de la capitale algérienne et dans les ruelles de sa Kasbah. Transformés contre leur gré en policiers, les centurions utilisaient les méthodes de « l'interrogatoire poussé », c'est-à-dire de la torture, telles qu'elles ont été décrites par Henri Alleg et Vidal Naquet. Bigeard savait tout, pratiquait peu mais n'était pas hostile. J'ai cru qu'il avait défenestré mon ami de classe Ali Boumendjel. C'était faux. J'ai cru qu'il avait fait pendre « le Jean Moulin de la résistance algérienne », Ben M'Hidi. C'était faux. Un livre d'un autre général au cynisme décidément atterrant, Paul Aussaresses, a établi les faits. Ce général revendique d'avoir fait mourir Boumendjel et Ben M'Hidi. Il dit la torture était une chose nécessaire et qu'il avait reçu l'ordre de la pratiquer d'un homme qu'il respectait, lui aussi à cause des combats en Indochine : cet homme c'était Massu. Mais il ajoute - et l'on n'y a pas prêté attention - que si Pâris de Bollardière, qui devait démissionner pour protester contre l'usage de la torture, avait été son supérieur et lui avait donné l'ordre de ne pas l'utiliser, il aurait obéi à cet ordre. Pourquoi ? Parce que Bollardière avait beau être devenu pacifiste, il avait - toujours en Indochine - été le plus héroïque de tous. Donc le plus charismatique. Plus que Massu, plus que Bigeard et plus que lui-même, Aussaresses. Toujours le charisme : mais cette fois décrit par un imbécile. Avant sa mort et parlant de la torture, Massu a convenu qu'on aurait pu renoncer à la pratiquer. Pour revenir à Bigeard, on doit créditer ce baroudeur déchaîné d'avoir pensé qu'on ne pouvait pas en rester à la violence. Il a respecté les leaders politiques, les intellectuels comme Ben M'Hidi. Quand il apprend sa mort, il lui fait rendre les honneurs. Peut-être, sait-on jamais, a-t-il appris que les chefs du FLN étaient divisés sur l'opportunité de porter la lutte armée dans la capitale, que ce soit Alger ou Paris. Le terrorisme à Alger a été aveugle et effroyable, choisissant délibérément l'assassinat de civils sans distinction d'âge ni de sexe. La répression a été horriblement efficace, exécutée par les paras, ceux de Massu, d'Aussaresses mais aussi de Bigeard. On pouvait tout faire au nom de la sécurité, y compris gagner une bataille sur le terrain tout en perdant la guerre dans la diplomatie. Cela ne vous rappelle rien ? Les Israéliens jouissent aujourd'hui enfin d'une certaine sécurité et c'est pourtant maintenant que leurs problèmes commencent. J.D
P.S - A propos des livres sur De Gaulle, j'ai mentionné celui que les éditions Fayard ont réédité de Roger Stéphane et Daniel Rondeau. De manière posthume, Roger Stéphane donne une leçon à tous les intervieweurs : personne n'a su aussi bien que lui tirer le meilleur de ses interlocuteurs de la France libre. Mais les éditions du Seuil ont manqué l'occasion de rééditer le monument que constituent les trois volumes du « De Gaulle » de Jean Lacouture, auxquels je me réfère constamment.
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