|
Blog : Carnets d'actualitéRetour sur la troisième France
Ni les torpeurs ni les fièvres de l'été ne peuvent décidément éloigner d'une méditation sur l'identité de la France. On me demande bien plus d'éclaircissements sur ce que j'ai cru devoir appeler «la troisième France», venant après celle de l'Ancien Régime et celle de la Révolution. Il est évident qu'on ne peut se contenter de la caractériser par l'accueil que nous aurions fait à une partie de la misère du monde - ou par le besoin que nous avons eu des travailleurs immigrés. D'autres facteurs importants ont compté. Depuis la fin de son empire et la chute du mur de Berlin, la France moderne s'est insérée dans un ensemble post-occidental. Ce que l'on appelle désormais l'ère post-occidentale, c'est l'avènement d'une époque où l'Occident doit s'accommoder de la montée de nouvelles puissances dites émergentes. La Chine, l'Inde, le Brésil ont accédé à un degré d'émancipation économique, industrielle et commerciale qui les fait échapper à l'hégémonie du monde occidental conduit par l'hyperpuissance américaine. Lorsque la France a fait passer la réunion des huit pays riches (le G8) au nombre de vingt, lorsqu'elle demande que plusieurs des pays émergents entrent au Conseil de Sécurité des Nations unies, elle ne fait que tirer les conclusions de ce nouvel état du monde. Cela fait un certain nombre d'années que nous vivons, matériellement au moins, dans une ère post-occidentale. Nos habits, nos outils et nos jouets, nos ordinateurs les plus sophistiqués sont le plus souvent fabriqués en Asie. La Chine a dépassé le Japon: elle est désormais la deuxième puissance économique mondiale. Mais la question se pose désormais de savoir dans quelle mesure cette ère post-occidentale change les m'urs et même les valeurs de ce qu'on croyait pouvoir considérer, au moins au temps de la guerre froide, comme une «civilisation atlantique». Rien n'est plus discuté aujourd'hui que ce terme de «civilisation», en raison de l'usage qu'en a fait Samuel Huntington. Celui-ci, contrairement au procès qu'on lui a fait, n'a d'ailleurs jamais présenté la menace d'un «choc» des civilisations comme une fatalité historique. Il s'est contenté d'en évoquer l'éventualité - à la rigueur la probabilité. Ces considérations n'en ont pas moins suscité de vives polémiques dans la mesure où elles alimentaient certains courants islamophobes, car Huntington croyait pouvoir parler de l'irrépressible expansion d'un Islam homogène, rassemblé en une puissance agressive. On lui a opposé que l'Islam ne constituait en rien une civilisation unitaire et que, depuis les origines, il n'a cessé d'être déchiré par des conflits politiques et religieux. Cela n'a pas empêché les néoconservateurs - surtout après les appels d'Al-Qaida à la guerre sainte - d'instrumentaliser cette peur de l'Islam. C'est à la lumière de ces nouveaux éclairages qu'il faut situer les aspects post-occidentaux de l'Europe et de la France. Si les uns ont une peur refoulée de l'Islam et si les autres dénoncent toute stigmatisation qui nourrirait l'islamophobie, c'est précisément parce que le débat a lieu partout où la présence musulmane s'affirme. Et l'on peut dire que l'homme d'Etat qui a le mieux compris les enjeux de ce débat, c'est Barack Hussein Obama, dans un discours prononcé au Caire et sur lequel je n'ai pas cessé d'alerter mes lecteurs. Il lui a paru indispensable de désoccidentaliser la présumée position de supériorité des Etats-Unis et de leurs alliés. Mais c'est le même homme qui, pour avoir approuvé les musulmans de vouloir construire une majestueuse mosquée tout près de l'endroit où se sont effondrées les tours du World Trade Center, est devenu la cible d'une campagne de presse déchaînée. Rien ne peut mieux faire comprendre l'intensité des rapports de force sur ce problème. Un autre aspect de l'ère post-occidentale, c'est que les anciens pays d'Occident sont les seuls à avoir organisé la diversité des communautés sur leur territoire. Il se trouve, pour revenir aux immigrés musulmans, qu'ils bénéficient au Canada, aux Etats-Unis et en Europe d'un respect de la diversité qui est inconnu dans leur pays d'origine. Les Algériens ont sans doute raison de protester (comme nous le faisons nous-mêmes!) contre les propos décidément irresponsables de Nicolas Sarkozy sur la nationalité. Ils ne doivent pas oublier qu'ils refusent la nationalité algérienne même à ceux qui ont le plus contribué à leur lutte. Mon ami le romancier Jean Pélégri ne s'en est jamais consolé. En tout cas, et du fait de leurs traditions, ce sont les pays d'accueil, et eux seuls, qui semblent condamnés au respect de la diversité. Ce respect est inéluctable, et il concerne aussi bien les Roms que les Africains ou les Maghrébins. Mais son exercice ne saurait se traduire au détriment des Français dits «de souche». Henry Laurens a raison d'écrire que le citoyen français se doit d'accorder à l'immigré les mêmes droits que les siens; mais comme ce grand arabisant prend soin de le préciser, l'immigré doit être conscient de «ce qu'il y a de français en lui». Semblable mixité a été source de civilisation dans l'Andalousie médiévale, lorsque musulmans, juifs et chrétiens s'abreuvaient aux mêmes sources grecques pour enrichir leurs échanges. Mais le professeur Mohammed Arkoun ne cesse de rappeler que s'il convient aujourd'hui, en France et en Europe, de prévoir et d'accueillir une inéluctable perspective andalouse, il ne faut jamais oublier que l'islam préconisé à Cordoue au XIIe siècle par les disciples musulmans d'Aristote préfigurait ce que les Lumières sont pour nous: le contraire du sectarisme, du fanatisme et donc de l'islamisme. Ce sont ces Lumières qui doivent fonder l'unité, au-dessus de toutes les diversités. C'est grâce à elles que les intellectuels français musulmans peuvent poursuivre leur imposant travail de réforme de l'islam. Le trajet vers cette nouvelle société sera jonché d'obstacles et de convulsions, comme toujours lorsqu'on bascule dans une époque nouvelle. Ceux que leur attachement au passé rend conservateurs ne sont pas forcément xénophobes ou racistes. Et les militants de la diversité égalitaire pas nécessairement anti-Français. Il faudra négocier savamment avec tous ceux qui ont décidé de vivre ensemble la transformation de notre nation. Cela exige une délicatesse dont le président français vient de montrer qu'il n'en avait même pas le soupçon. J. D.
| Membre Juif.org
Il y a 6 heures - i24 News
Il y a 6 heures - Times of Israel
14 Novembre 2025 - Le Figaro
14 Novembre 2025 - Le Figaro
9 Novembre 2025 - Futura-Sciences Actualités
23 Octobre 2025 par Guillemette
23 Octobre 2025 par Blaise_001
23 Octobre 2025 par Blaise_001
13 Octobre 2025 par Blaise_001
13 Octobre 2025 par Guillemette
28 Juillet 2014
27 Juillet 2014
27 Juillet 2014
27 Juillet 2014
21 Juillet 2014
|






















