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Blog : Carnets d'actualité

POUR UN REFORMISME RADICAL

(Editorial du 31 mars dernier republié aujourd'hui)

 

Voici quelques leçons que je tire de mes maîtres. Je suis, selon le mot de Camus, un « réformiste radical » qui pratique, selon le mot de Michel Foucault, une « morale de l'inconfort », avec l'ambition d'atteindre « un bonheur sans transcendance », comme aurait pu le dire, selon moi, Spinoza. Il s'agit tout simplement d'une éthique de gauche.

- Je ne veux plus changer le monde, je veux le réformer. Je suis réformiste non pas seulement par renoncement à la révolution mais par croyance aux progrès, et je souligne que j'écris ce dernier mot au pluriel. On ne peut plus croire au progrès au sens de Condorcet, de Marx ou d'Auguste Comte. Avant qu'un aigle ne lui dévore le foie, Prométhée a tout de même réussi à dérober quelques secrets à Zeus, qui ont fait  progresser l'humanité en maints domaines. Je maintiens qu'on peut continuer à le faire ici-bas, dans ce monde et tous les jours. -  Le réformisme radical se conçoit à l'intérieur de l'Héritage des Lumières de la considération de la raison critique comme un irréversible progrès même si ces instruments intellectuels de la raison doit servir à souligner les limites de la raison.

3.-Le siècle précédent m'a conduit à  refuser toutes les révolutions, à accueillir toutes les résistances et à m'associer aux entreprises de réformes, mais avec un radicalisme  qui empêche les compromis de devenir des compromissions. Le « réformisme radical »  exclut toute passivité désenchantée. Il est animé d'un esprit de conquête nullement incompatible avec la passion démocratique, la vigilance républicaine, l'imagination de la modernité.

4.-  L'explosion des dogmes et des idéologies doit conduire à un respect, voire à un véritable culte de la complexité. En dehors des joutes de la politique et du divertissement des polémiques, le péremptoire n'est plus supportable. J'ai décidé, quant à moi, de m'intéresser toujours aux raisons pour lesquelles on est en désaccord avec moi. Mon maître en ce domaine est Raymond Lulle, ce moine majorquin du XIIIème siècle qui invitait à  ne pas choisir entre les trois monothéismes mais à en faire sa synthèse personnelle.

 

5.-  La sagesse consiste désormais  à ne jamais séparer les concepts de liberté et d'égalité. La première sans la deuxième aboutit à la jungle des compétitions. L'égalité sans la liberté mène à l'uniformité et à la tyrannie.

6.-  Ne jamais séparer non plus le souci de la création de richesses du souci de leur répartition. C'est l'homme qui reste le but de toute création.

7.-  Dans cet esprit, l'argent ne peut être que le symbole  d'une marchandise  et l'instrument qui sert à mieux la faire circuler. Dès que la spéculation conduit à considérer l'argent comme une fin et non comme un moyen , autrement dit, dès que le capital se « financiarise », la société tout entière se transforme en une bourse des valeurs  qui n'a plus le choix qu'entre un comportement suicidaire , et le brigandage.

8.-  La violence est, selon Marx, provoquée par le saut d'une société à une autre, comme ce fut le cas lors du  passage du féodalisme au capitalisme. En ce cas seulement, cette violence est considérée par lui comme progressiste ou, si l'on veut, révolutionnaire. Cette notion, contrairement à ce que l'on répète partout n'est pas hégélienne. Hegel a fait l'éloge de la Révolution (1789) mais non de la terreur (1793), et il a vu dans cette dernière non pas un progrès mais une régression. Il n'y a donc pas de fatalité progressiste de la violence, bien au contraire.

9.-  Il peut cependant y avoir une nécessité de la guerre  qui est à la fois  « inévitable et inexcusable » pour des raisons d'autodéfense.  Mais elle ne saurait être entreprise qu'en tout dernier recours, après que toutes les autres solutions ont été envisagées. Lorsque la guerre est décidée, il faut garder à  l'esprit trois réflexions : a). « Oui, il faut parfois se résigner à la guerre, mais en n'oubliant jamais qu'en dépit de la justesse de la cause, on participe à  l'éternelle folie de hommes » (Barack Obama ; b) «  Chaque fois qu'un opprimé prend les armes au nom de la justice il fait un pas dans le camp de l'injustice ». (Camus; c). « La justice, cette fugitive qui déserte souvent le camp des vainqueurs » (Simone Weil))

10 -. Il n'est pas dans le destin d'une victime de le rester ; elle peut, après s'être libérée, mais aussi devenir bourreau. Cette pensée doit rester présente à l'esprit de tous ceux qui acceptent, en utilisant les mêmes armes que leurs ennemis, d'opposer la barbarie à la barbarie et de trahir ainsi les valeurs au nom desquelles ils combattent. Dans ce cas, il n'y a plus d'innocents, il n'y a que des vainqueurs ou des morts. Dans une époque ou l'éclatement des dogmes, ou les conflits de la foi conduisent aux fanatismes et où il devient de plus en difficile de parler d'universalité  des valeurs, une haine s'impose, et le mot n'est pas trop fort, celle de tous les absolus.

11.- La Shoah est un absolu dans le mal ? Certes. Même si le prix en est écrasant, cependant, les victimes des génocides ne doivent pas se dire « plus jamais nous ! » mais « plus jamais ça !»

12. L'abolition de la peine de mort est l'un des grands progrès dont nous avons dit qu'ils étaient possibles mais à la condition que le délinquant à perpétuité ne soit pas conduit au suicide dans sa prison. Sinon, il s'agit seulement d'un meurtre déguisé.

13.-  J'ai appris depuis mon plus jeune âge à considérer l'humiliation comme l'un des pires maux de l'humanité. Plus que les oppressions, les occupations et les aliénations, c'est elle qui blesse le plus profondément l'âme d'un individu ou d'une collectivité. C'est elle qui est à l'origine des révoltes contrôlées mais aussi des révolutions fanatiques.

14.- . Il y a plusieurs possibilités de ne pas installer son fauteuil dans le sens d'une résignation aux malheurs de la vie et  à la malédiction des hommes. C'est de considérer que « la vie n'est rien, mais [que] rien ne vaut une vie (Malraux), « qu'il ne faut pas chercher dieu ailleurs que partout » (Gide) et que seule l'admiration qui se transforme en amour peut nous empêcher de considérer que « la vie est un conte plein de bruit et de fureur racontée par un idiot et qui ne signifie rien » (Shakespeare). De toute façon, comme le dit magnifiquement François Cheng, « tous les jugements, tous les cultes et tous les rites peuvent disparaître, sauf un seul, celui de la Beauté ».

J.D.

Membre Juif.org





Dernière mise à jour, il y a 15 minutes