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Blog : Carnets d'actualité

L'illusion populiste

 

 

 Donc, le déjeuner avec le président a lieu à l'Elysée le jeudi 2 septembre, avec Denis Olivennes, Jacques Julliard et moi-même. Il fait beau dans le parc mais chaud, très chaud. Ambiance estivale. Le président s'accorde une plage de détente. Je le contemple. Physiquement, il est au meilleur de sa forme. Avantageux comme un joueur de tennis prêt à affronter Nadal après avoir vaincu Federer. L'adversité ? Elle  n'est faite que d'obstacles à franchir. D'ailleurs, quelle adversité ? Il s'est fait donner l'état de l'opinion sur tous les présidents qui l'ont précédé au bout de deux ans d'exercice de mandat. «  Eh bien, dit-il, le sort ne m'a pas trop maltraité. »

Il entre à notre place dans le vif du sujet. Il dit que ce déjeuner est motivé par l'intérêt qu'il a de nous entendre mais aussi parce qu'il a lu le discours que j'aurais voulu qu'il fit à la place de celui, si malheureux qu'il a fait à Grenoble. Il précise qu'il est loin d'être en désaccord avec moi. Seulement voilà, il sait mieux que moi comment exprimer les préoccupations prioritaires du peuple. Les protestations générales ? Aucune n'est surprenante à ses yeux. Lui se charge de gouverner, aux « humanistes » comme moi de s'émouvoir : chacun remplit son rôle. Je réponds que je ne peux accepter cette distribution des responsabilités et que je ne me reconnais en rien dans son analyse

Le président dit alors sa déception lorsque l'on ne s'indigne pas de le voir traiter de nazi, d'entendre  un prêtre souhaiter sa mort ou un ancien Premier ministre déclarer qu'il salit le drapeau. Il met au défi quiconque de prouver qu'il est le moins du monde raciste ou xénophobe. Ce dont ici, d'ailleurs, nous lui donnons acte. À la condition de souligner que le climat créé par ses propos et par ceux de ses ministres ont fait revivre les souvenirs d'un temps où la France a été raciste et xénophobe. En particulier à l'égard des tziganes.

Comment a-t-il pu laisser stigmatiser ainsi une catégorie de Français qui sont déjà l'objet de tant d'amalgames ? Il dit qu'il n'a rien fait d'illégal. C'est exact. Il assure que les expulsions ont été l'objet d'une décision de justice. Mais on n'était pas obligé d'en théâtraliser à ce point l'exécution. Il dit que l'éventualité d'un retrait de la nationalité était inscrite dans la loi française de 1945 à 1998. C'est encore  exact. Mais on n'en avait pas agité la menace depuis des lustres et les « naturalisés de fraîche date » ignoraient cette loi. Il estime qu'aucune « grande réforme » ne peut être consensuelle et éviter  de heurter les conservatismes. C'est toujours exact. Mais lorsqu'il donne comme exemple la fin de la guerre d'Algérie par De Gaulle et l'abolition de la peine de mort par Mitterrand, la ficelle est trop grosse. Car c'est une chose d'être à contre-courant de la majorité du peuple sur de grandes questions comme la décolonisation ou la peine de mort en s'appuyant sur l'adhésion d'une partie de l'opinion dans ce qu'elle a de meilleur. C'en est une autre de flatter le goût de la sanction et de la répression aux yeux d'une opinion majoritaire que l'on courtise dans ce qu'elle a de pire.

Il dit : « Vous croyez que sur la question de la sécurité, on me reproche de trop en faire ? Eh bien, vous avez tort. Ce qu'on me reproche, c'est de ne pas en faire assez. » Il ajoute: « Mais je vous promets de ne pas en faire plus ! » Cette pirouette masque un sérieux embarras dans son raisonnement car le souci de la sécurité n'est plus désavoué par les « humanistes » ni même par « les milliardaires de Saint-Germain-des-Prés. » Ce qu'on lui reproche désormais un peu partout, ce n'est pas de ne pas en faire assez, c'est de ne rien imaginer et de ne rien décider dont le peuple puisse vérifier l'efficacité. Des personnalités de tous bords se sont nettement exprimées sur ce point.

L'opinion publique dite « élitiste et séparée du peuple » a considérablement évolué. On n'aurait jamais osé dire il y a quelques années, comme vient de le faire Ségolène Royal, que « la sécurité n'estt pas un thème de droite », et je ne me souviens pas qu'un leader socialiste nous ait jamais proposé une tribune comme celle que « le Monde » a publiée la semaine dernière sous la signature d'Arnaud Montebourg. Quant au texte de Martine Aubry sur ce sujet, pour la première fois, il est, à mes yeux, irréprochable. Tous les sondages le prouvent : ce que l'on reproche à Sarkozy et aux siens, c'est de choisir une dramaturgie d'intimidation de préférence à une efficacité rassembleuse.

Mais on va comprendre ce qui se passe dans l'esprit du président en écoutant d'autres propos. S'il ne faisait pas lui-même ce qu'il fait, dit-il, ce serait Marine Le Pen qui serait amenée non pas seulement à le préconiser mais à le faire elle-même. Ce qui revient à réaliser le programme du lepénisme pour éviter que l'héritière de Le Pen ne s'en charge ! Le président évoque décidemment beaucoup le Front national. Emporté par son élan, il va jusqu'à dire que, si jamais il ne se présentait pas à l'élection présidentielle de 2012 et si une Martine Aubry continuait à défendre ses 35 heures, à prôner le maintien de la retraite à 60 ans et à préconiser une politique sécuritaire plus laxiste, alors, il serait certain que Marine Le Pen, comme son père en 2002, arriverait au second tour. On voit déjà se profiler sa propre stratégie.

Le moment est donc venu de faire savoir au président, avec netteté, ce que je pense. De même que Le Pen a empoisonné tous les débats sur l'immigration du fait de son antisémitisme et même de son négationnisme, de même lui, Nicolas Sarkozy, vient d'empoisonner le débat sur la sécurité en associant la délinquance et l'immigration. Il proteste qu'il n'a rien dit d'explicite qui puisse justifier un tel jugement. D'explicite ? Rien en effet, mais tout est présent, dans l'implicite et son ministre Brice Hortefeux s'y vautre avec complaisance.

En fait, sous prétexte de rencontrer la base, ce président n'a pas voulu regarder vers le sommet. Parce qu'il voulait s'identifier aux hommes de terrain, il n'a pas su prendre de l'altitude. Il s'est refusé à s'adresser directement aux étrangers pour leur dire, par exemple, qu'en décidant de faire respecter ses lois, la France contribuait à corriger l'injurieuse image à laquelle les xénophobes les associent. Cette idée qui me paraît essentielle, il ne l'a pas comprise. Il l'a jugée trop « intellectuelle ». D'ailleurs, à Grenoble, il a voulu menacer et dissuader, non convaincre. C'est l'ancien ministre de l'Intérieur qui a remplacé le président. Le chef de la police n'a pas su s'adresser à tous les enfants de la République. L'homme d'Etat ne s'est pas fait entendre des citoyens.

J.D.

 

Membre Juif.org





Dernière mise à jour, il y a 49 minutes