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Blog : Carnets d'actualitéLa patrie selon Angela
Angela Merkel vient de prononcer avec une ferme solennité des propos dont nous ne reconnaissons que trop l'inspiration et les connotations. Elle a dit que tout désormais devait être clair : on ne peut pas être citoyen de la République allemande si l'on n'en connaît pas la langue, si l'on n'en respecte pas les lois et « particulièrement », a-t-elle précisé, si l'on ne partage pas la conception que se font les Allemands des rapports entre hommes et femmes. C'est la première fois qu'un leader politique allemand s'exprime sur ce sujet et de cette façon. En effet, depuis que les Allemands ont abandonné le droit du sang qui était censé leur permettre de protéger leur « pureté ethnique », un certain nombre de débats se sont déroulés à l'issue desquels le philosophe allemand Jürgen Habermas a proposé qu'il n'y ait de patriotisme que constitutionnel. Autrement dit, pour être allemand, il suffisait, à ses yeux, de respecter la Constitution de la République. Habermas, à cette époque, c'est-à-dire avant la réunification des deux Allemagnes, exprimait une pensée fortement déterminée par le poids du passé. De nombreux Allemands jugeaient en effet ineffaçable l'empreinte sur leur histoire de la période nazie. Il s'est même trouvé ensuite un ministre de l'Intérieur de la République fédérale allemande pour exprimer une idée à peu près semblable en ces termes : « Nous autres Allemands, nous ne pouvons nous permettre d'accueillir un trop grand nombre d'immigrés turcs et de prendre le risque de susciter des rejets qui réveilleraient nos vieux démons ». Autrement dit, par peur du racisme, il vaut mieux exercer une xénophobie préventive d'isolement. Je n'ai jamais été, pour ma part, tenté de réagir avec une hostilité hâtive à l'égard de telles prudences. Le racisme est une maladie qu'il faut combattre mais dont on doit arriver à prévenir l'émergence. L'idée que l'équilibre d'une société puisse être bousculé par l'arrivée soudaine d'une communauté massive, étrangère à son histoire et qui n'a pas la possibilité de s'intégrer lentement constitue une thèse à la fois pertinente et sérieuse. Il s'agit d'une réaction de « biologie sociale » et non de barbarie calculée. Ce n'est pas parce que l'extrême-droite récupère diaboliquement de telles observations qu'elles peuvent être ignorées. On sait que Lévi-Strauss a observé un jour que Mitterrand avait eu tort de regretter les propos qu'il avait prononcés sur l'existence d'un certain seuil de tolérance. « Ce seuil existe, disait Lévi-Strauss, il s'agit de le prendre non pas pour une valeur mais pour une réalité ». Et lorsque le différent est trop visible ou trop agressif, il provoque des « autodéfenses structurales ». Dans ce domaine, l'important n'est pas qu'Angela Merkel, invite les candidats à la nationalité à pratiquer la langue du pays d'accueil et à respecter ses lois, mais qu'elle affirme sans aucun complexe la nécessité de protéger une germanité d'ailleurs européenne contre les assauts supposés des traditions étrangères. Jusque là, en Allemagne comme en France, on chantait les louanges de la « civilisation nouvelle » qui pouvait naître du brassage, de la mixité, des mélanges. Au lieu de dénoncer « un sang impur », comme dans notre hymne national, il fallait applaudir l'arrivée d'un « sang nouveau » dans la société. On exaltait, par exemple, le mythe d'une Andalousie du XII° siècle qui, en fait, n'a jamais existé car si l'Islam y était alors tolérant, il restait dominateur et n'acceptait que d'être « protecteur ». Mais voici qu'Angela Merkel - née dans cette Allemagne de l'Est où l'on jugeait que la barbarie soviétique était plus atroce que celle des nazis - juge opportun de rappeler que l'Allemagne doit rester allemande. Aucun brassage de population ne saurait la faire renoncer à une conception identitaire marquée par le progrès conçu en Europe et particulièrement en Allemagne. Qu'est-il donc arrivé entre temps ? D'abord, la conscience que l'idéal de l'intégration était une utopie et qu'il fallait la remplacer par le respect de la diversité. Ensuite, le fait que les réactions de rejet contre l'étranger commençait à nourrir l'extrême droite dans tous les pays européens. Enfin, l'idée que depuis la crise financière et l'incapacité à contrôler les flux migratoires, il y avait deux idéologies dans le monde : l'anticapitalisme et l'islamisme. Tous ces facteurs, dont la réalité est sous-estimée ou surestimée selon les circonstances, conduisent à redéfinir l'identité nationale. Si l'on ne peut être ni citoyen du monde, ni citoyen de l'Europe, peut-être faudrait-il commencer par être citoyen d'un pays clairement dessiné. Si l'on est impressionné par les déclarations d'Angela Merkel, c'est parce que certains n'ont pas encore, tout de même oublié, le nationalisme allemand. Celui-ci n'avait pas eu besoin d'une agression étrangère pour s'affirmer. L'ennemi était à l'intérieur, c'était les juifs. Les Turcs, pour ne parler que d'eux, risqueraient-ils de remplacer aujourd'hui les juifs ? Evidemment non. Je considère Angela Merkel comme la représentante d'une Allemagne qui se sait et qui se veut forte, et qui veut dominer l'Europe avec des valeurs européennes. D'autant qu'elle a montré qu'elle était l'un des chefs de gouvernement les plus conscients de l'expansion d'un monde post-occidental avec l'irruption des « nations émergeantes », la Chine, l'Inde et le Brésil. Elle réclame pour son pays, comme pour ces trois puissances, une place au Conseil de sécurité, avec ou sans la France. Cela dit, je ne crois pas que le fait de remplacer l'idéal intégrationniste par le respect de la diversité soit nécessairement une menace. Evidemment, s'il y a choc des civilisations à l'extérieur, il y aura une lutte entre nationaux de souche et nationaux de fraîche date aux noms de traditions différentes. Jusqu'à maintenant, les Polonais, les Italiens, les Juifs et aujourd'hui les Tziganes appelés « Roms » en ont été les victimes. Ce rejet a toujours été formulé avec des accents de xénophobie et de racisme. La gauche n'a dénoncé que le caractère de ces accents en s'interdisant moralement d'étudier les causes de leur émergence. Or on ne saurait lutter contre un phénomène de rejet quel qu'il soit sans s'interroger sur la singularité de ses origines. Une telle étude, même si elle est jugée « explicative », n'est en rien « justificative ». Elle doit simplement contribuer à exercer une action sur les causes et les circonstances. Maintenant pourquoi me risquer à comprendre Angela Merkel alors que j'ai désapprouvé Nicolas Sarkozy de manière si véhémente ? Simplement parce qu'elle a dénoncé les délits, non les délinquants, et parce qu'elle n'a stigmatisé aucune catégorie de citoyens. J.D.
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