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Blog : Carnets d'actualitéLa nation, mais oui !
1 -Peut-être se souvient-on du mot du grand prédicateur jésuite de Louis XIV, Louis Bourdaloue, au lendemain de la représentation du « Tartuffe » de Molière : « Hélas, en arrachant le masque [l'hypocrisie], l'auteur a égratigné le visage [la foi] ». Prudent euphémisme, car le prédicateur, s'il détestait « le Tartuffe », connaissait le faible de Louis XIV pour Molière. Cela pour dire que je redoute qu'en démystifiant fort opportunément les légendes qui ont dominé en France l'enseignement de son histoire, on laisse entendre que les auteurs de ces légendes auraient planifié une passion nationaliste qui conduirait la nation à préconiser l'esclavage, l'esprit de conquête, le racisme et la xénophobie ! « La plupart des images que les Français ont dans la tête, écrit notre ami François Reynaert, sont fausses. Elles sont issues de la grande réécriture du XIXe siècle à l'époque du nationalisme triomphant. » Et l'on prétendrait, selon cerrtains, sans crainte d'instrumentaliser cette histoire, nous ramener à cette époque ! Là, on fait plus qu' « égratigner » la vérité, et je le regrette d'autant plus que j'ai savouré, comme j'en suis sûr tous nos lecteurs, le rappel par François Reynaert de toutes les fables qui ont été racontées sur Vercingétorix, Clovis, Jeanne d'Arc, François 1er, Louis XIV, Bonaparte, etc. D'abord, je ne vois pas comment le nationalisme du XIXe siècle, si l'on peut ainsi le qualifier, pourrait être confisqué par ce que l'on appelle encore chez nous la droite dans sa version sarkozyste. Nationalistes et faussaires, Victor Hugo, Stendhal, Lamartine, Michelet, Lavisse - oui, Ernest Lavisse, qui a fondé la sainte histoire de l'école républicaine ? Lorsque Jaurès disait : « Un peu d'internationalisme nous éloigne de la patrie, beaucoup nous y ramène », il incluait probablement dans ce retour certaines figures de légende, mais cessait-il pour autant d'être socialiste' Selon une étrange logique et sous le prétexte que l'on s'est montré crédule pour tout ce qui concernait Jeanne d'Arc et Napoléon, il deviendrait suspect de souligner les mérites de la nation française, de se féliciter, par exemple, de ce que les deux tiers des juifs résidant en France aient été protégés par le peuple et non par l'Etat, et de faire des réserves sur la pratique mécanique et masochiste de n'importe quelle repentance ? La peur du nationalisme ne saurait me faire renoncer à la Nation. De même, s'il est juste de rappeler le discours de Jules Ferry sur le colonialisme, il n'est pas honnête d'oublier la solennelle réponse que Clémenceau lui a faite au cours de leur fameux débat. Dans le livre de François Reynaert, c'est le rétablissement des faits dans leur réalité qui compte, qui séduit, qui convainc. Et si les historiens qui vont se réunir à Blois daignent se poser ce genre de questions, je leur proposerai modestement l'exemple de l'essai de Julien Benda dont le titre est tout un programme : « Esquisse d'une histoire des Français dans leur volonté d'être une nation ». Sus aux légendes, gloire à cette volonté.
2 - Puisqu'il s'agit de la nation, dont je considère qu'elle ne doit pas disparaître, et pour saluer le nouveau Prix Nobel Mario Vargas Llosa, voici comment le romancier péruvien l'évoquait en juin 1993 : « Si l'on considère le sang qu'elle a fait couler, la manière dont elle a contribué à nourrir les préjugés, le racisme, la xénophobie et le manque de compréhension entre les peuples et les cultures ; si l'on considère l'alibi qu'elle a offert à l'autoritarisme, au totalitarisme, au colonialisme, aux génocides religieux et ethniques, la nation me semble l'exemple privilégié d'une imagination maligne. » J'ai répondu à ce texte dans un chapitre entier de l'un de mes livres,*, en séparant la nation de ses dérives nationalistes , mais si je cite Vargas Llosa, c'est d'abord pour montrer que je suis bien conscient de cette menace et qu'il m'a fallu du temps avant de me rallier à la nécessité incontournable d'une nation à la fois européenne et universelle. Mais c'est une autre histoire. Vargas Llosa est un des romanciers les plus attachants de ce siècle. Ce que j'ai regretté de lui ? Qu'il ait pris un moment pour maître à penser Jean-François Revel. Ce que j'aime ? Tout : son talent, sa liberté, sa souveraine élégance, le bonheur qu'il a de jouer avec les mots, sa passion pour Flaubert, et même son premier engouement pour Castro. J'ai été un moment familier de ces écrivains latino-américains lorsqu'ils écrivaient leurs premières odes au Castrisme .Qu'il s'agisse de Pablo Neruda et de Miguel Asturias, d'Octavio Paz et de Carlos Fuentes, de Garcia Marquez et de son cadet Vargas Llosa. Leur passion pour le Leader Maximo prenait la dimension d'une fête de la gratitude. Presque tous se sont détournés, bien sûr, le premier ayant été mon ami Alejo Carpentier, l'auteur du « Siècle des Lumières », et le seul qui sera resté fidèle à Castro envers et contre tout est Gabriel Garcia Marquez. Et puis voilà que soudain, il y a quelques mois, sortant d'une grave maladie, Fidel Castro lui-même décrit son parcours comme un échec et le socialisme comme une mauvaise solution. C'est énorme. Historiquement, tragiquement énorme.
3 -. Nous posions la semaine dernière la question de savoir s'il existait des valeurs universelles .Les membres norvégiens du jury du prix Nobel de la Paix viennent de rappeler aux Chinois que ces valeurs existent et qu'il convient de les respecter. C'est une décision qui fera date et qui donne un certain coup d'arrêt au pessimisme fondamental sur l'humanité de notre siècle. Tout est exemplaire dans cette défense du dissident emprisonné Liu Xiaobo. D'abord, la rigueur remarquable, ferme jusque dans leur modération, des combats de cet intellectuel. En France son attitude aurait été dénoncée par les radicaux. Ensuite, les termes du communiqué annonçant l'attribution de ce Prix Nobel, qui soulignent la nouvelle et puissante émergence de la Chine dans le monde, et rappellent que c'est cette puissance même qui impose des obligations morales. C'est un beau texte qui figurera dans les classiques de la défense des valeurs universelles.
4- Un seul mot sur Claude Lefort. C'est Edgar Morin qui le premier a attiré mon attention sur son importance. Je n'ai jamais eu l'occasion de le rencontrer pour lui dire mon respect et ma dette. Tout ce que j'ai lentement appris sur la démocratie, c'est à lui que je le dois, et il me semble qu'il a été à l'origine de tout ce que je lis aujourd'hui sur ce thème. J.D * « Voyage au bout de la Nation » (Ed. du Seuil 1995)
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