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Blog : Carnets d'actualité

Obama, Sarkozy ... et Frêche

 1. C'est entendu : avant le 6 Novembre nous sommes dans l'incertitude sur l'issue de l'épreuve de force qui se déroule chez nous. Mais en attendant, rappelons que dans moins de dix jours, l'on saura si Barack Obama a pu faire face au déchaînement des forces considérables mobilisées contre lui par la coalition républicaine. Rarement cette coalition n'a ratissé aussi large  et avec une telle violence sur les plans à la fois conservateur, populiste et même religieux. C'est une Amérique que l'on  avait bien connue dans un passé récent et dont on a cru à tortqu'elle avait perdu de sa force avec l'arrivée à la Maison Blanche de « l'intellectuel musulman ». C'est ainsi, en effet, qu'un humoriste d'une chaîne de télévision très écoutée a décidé de désigner Barack Obama. Lorsque le romancier israélien Amos Oz a affirmé que le prodige n'avaitpas été d'élire un Noir mais un intellectuel, il s'agissait d'un hommage. Mais c'est devenu, depuis une injure. L'intellectuel, pour les Républicainsde Sarah Palin et du « Tea Party »,  est celui dont l'esprit a été corrompu par la fréquentation des grandes écoles, comme Harvard ou Princeton. A quoi l'on ajoute que « l'intello » en question est resté plus ou moins musulman en dépit des conversions de certains de ses parents. L'islamophobie, qui n'a déferlé  aux Etats-Unis que depuis le 11 septembre 2001, nourrit désormais un nouveau racisme. Tout va dépendre de la façon dont les partisans d'Obama dans maints Etats majoritaires vont  se regrouper autour de leur candidat. Il me semble pouvoir déjà lire les commentaires qui accompagneraient une défaite d'Obama au Sénat : « la passion pour cet homme nous aura aveuglé !». Pour ma part, je n'en démordrai pas, je continuerai de considérer que sa présence à la Maison Blanche comme un événement passionnément  historique.

2. De même que Barack Obama va subir le 10 Novembre prochain la dramatique épreuve des primaires, Nicolas Sarkozy redoute celle du 6 Novembre prochain. Denis Olivennes expose dans ce numéro la façon dont Sarkozy pourrait s'en sortir en concluant un compromis avec les syndicats pour le plus grand intérêt de tous les Français. C'est une proposition qui se distingue propos que l'on entend partout sur l'obstination pernicieuse du président, les raisons du soutien accordé par les Français aux grévistes et les insuffisances des propositions de la gauche. J'apprécie, d'autre part, le langage d'une philosophe, Cynthia Fleury, qui préconise « un nouveau serment du jeu de paume et une réinvention de la République ». Elle le fait dans un langage d'une forte simplicité. Son diagnostic est proche de celui qui ressort du dossier (bien plus sophistiqué !) publié par le nouveau magazine trimestriel « Usbek & Rica » (du nom des deux héros des « Lettres persanes » de Montesquieu) et qui est rafraîchissant d'originalité. J'ai retrouvé, dans les analyses de Cynthia Fleury et de certains rédacteurs de cette nouvelle revue, une certaine convergence avec les idées que j'ai exprimées la semaine dernière sur la disparition à la fois des certitudes mais aussi des porteurs de message dotés de charisme. Ils  soutiennent en particulier la thèse selon laquelle la force du rejet de Nicolas Sarkozy se nourrit de la révolte contre l'injustice et la désinvolture. Cynthia Fleury  va jusqu'à dire que l'ouverture aurait pu être une solution si elle n'avait pas été un simulacre. Citant Jaurès s'adressant à la jeunesse, elle rappelle que c'est « lorsque l'espace du rêve se rétrécit qu'il faut rechercher l'inespéré ».

3 -Je m'alarme à l'idée que l'on puisse s'habituer à la lecture d'un véritable feuilleton sur le communautarisme et que les questions sur la manière de vivre avec l'Islam soit banalisées. Ces problèmes sont évoqués dans tous les pays d'Europe où les résidents ou les citoyens musulmans sont nombreux. Il ne se passe plus de jours, en France où l'on ne signale les difficultés que l'on rencontre à faire des cours sur l'évolutionnisme selon Darwin ou sur la Shoah. Les débats que suscitent la distribution dans les cantines scolaires d'une nourriture hallal, ou la multiplication de lieux de prière. On voit bien les dangers que pourrait susciter une instrumentalisation de ces difficultés, mais je trouve saine la manière nouvelle plus ouverte et sans réticences  dont les différents protagonistes exposent les problèmes pour mieux les résoudre. Et on ne les résoudra pas, en effet, si on les nie. Personnellement, je pense depuis longtemps qu'il serait utile et même essentiel qu'un grand nombre des membres de l'élite musulmane interviennent dans le débat pour affirmer leur conception de la nation et de la République. Il y a des intellectuels musulmans qui ont mieux posé le problème que beaucoup de  Français, chrétiens, juifs ou sans religion. Ils rappellent comme l'a fait le grand historien Mohammed Arkoun disparu récemment. Il disait en substance que le peuple  qui a conquis le droit de christianiser pouvait mal supporter la pression d'être islamisé. Le même Mohammed Arkoun disait aussi : «  Nous sommes dans un pays qui a conquis pour les citoyens le droit de ne pas croire et la liberté de changer de croyance. C'est à nous, musulmans, de nous adapter ».

     4. J'admire avec quelque surprise la concomitance des convulsions sociales de la France avec sa vitalité culturelle. Nous ne sommes ni à Londres, Berlin ou New York, certes, mais la beauté des manifestations de cet automne, en particulier en peinture, à de quoi en imposer. L'hommage rendu à Claude Monet est à la fois somptueux, enrichissant et stimulant. L'exposition du musée Maillol sur la Renaissance procure tout l'émerveillement de l'histoire des styles et des traditions. Claudio Abbado dirigeant Mahler, que rêver de mieux ? J'arrête ici cette liste et, d'ailleurs, le plus souvent, il m'a fallu me contenter de la télévision, jamais aussi précieuse  que dans ces circonstances. En dépit de la  «  pipolisation » et des mondanités qui accompagnent trop souvent l'art, le goût et le besoin permanent que l'on a de la beauté, ne cessera d'être présent en France et à Paris. Si l'on quitte le domaine de l'art  pour celui de la politique, un historien comme Michel Winock, avec ses trois derniers  livres, est l'un des rares à me procurer une vraie sécurité intellectuelle. Pour ce qui est de la beauté, j'invite à se réfugier, comme je l'ai fait, dans les ?uvres de l'écrivain de l'Académie française François Cheng et du Libanais d'expression française Salah Stétié. La langue française est leur patrie et elle doit leur en être reconnaissante. « Culture et Violence en Méditerranée », le dernier livre de Salah Stétié, contient des pages d'anthologie, la perfection dans l'ambition, l'ampleur valérienne, une réflexion sur la Méditerranée éclairée par la grâce du style...

    5. De Georges Frêche, foudroyé  à sa table de travail, dans son pays, sa région, sa ville, son milieu, on entendra dire un peu partout  qu'il avait son franc-parler, qu'il n'avait pas sa langue dans la poche, qu'il disait tout haut ce que beaucoup  pense tout bas, qu'il ne redoutait pas de choquer, qu'il s'opposait à toute pensée unique et préférait ses caprices à toutes les contraintes, bref, qu'il était un homme libre. Après tout, ce serait justice et ce personnage si haut en couleurs, qui relève à la fois de Rabelais et de Citizen Kane, le mérite. Il y a des personnalités trop fortes pour que n'éclate pas leur besoin d'épanouissement et de liberté. Cela dit, il est intéressant de s'attarder sur toutes les caractéristiques que j'ai énumérées plus haut comme faisant de Georges Frêche  un homme libre. Elles consistent toutes à rompre avec tous les codes, tous les pactes, toutes les conventions, tous les contrats que les hommes ont décidé de ritualiser pour vivre ensemble. Car il n'est pas du tout normal et génétique que les hommes ne soient pas spontanément des loups pour l'homme, qu'ils s'aiment naturellement entre eux, qu'ils se veuillent du bien, et que ce que l''on appelle la « loi de la jungle » ne soit pas une loi naturelle. Lorsque l'on nous exhorte à nous aimer les uns les autres, c'est précisément parce que nous ne le faisons pas. Et si l'on prêche la paix aux hommes de bonne volonté, c'est pour que nous en fassions partie.

Autrement dit, cette fameuse liberté que l'on admire est un acte de rupture avec toutes les recettes qui peuvent d'ailleurs changer et que l'on a trouvé pour vivre ensemble, en conformité ou non avec les injonctions que l'on prête à Dieu. Nous admirons des transgressions qui d'ailleurs n'émergent que lorsque les lois sont plus ou moins caduques, devenues archaïques et qu'il convient d'en inventer d'autres. Les sociétés sont  faites de coutumes qui deviennent des traditions. Nietzche pensait qu'elles étaient planifiées pour protéger les faibles et que l'homme libre, l'homme fort, le surhomme se devait de le transgresser.

Cela dit, rien ne nous assure que l'on vivrait mieux si chacun de nous disait tout haut ce qu'on est censé penser tout bas, car nous pensons souvent tout bas des choses simplement horribles. Alceste avait tort et c'est pourquoi il s'est réfugié dans la misanthropie et s'est enfui dans le désert. S'il affirmait que «  l'ami du genre humain n'est point du tout mon fait », c'est parce que la société humaine ne peut exister que grâce au mensonge et à l'hypocrisie. Mais qui peut être certain d'avoir raison contre les autres parce qu'il ne pense pas comme eux et qu'il le dit. C'est ce que les jésuites savaient répondre aux jansénistes de Port-Royal.

J.D.

 

Membre Juif.org





Dernière mise à jour, il y a 39 minutes