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Blog : Carnets d'actualitéNOTRE AVENIRJe ne puis que me féliciter, de la décision des responsables du « Nouvel Observateur » et de « Libération » de rechercher ensemble, avec Laurent Joffrin, les possibilités d'un rapprochement entre les deux publications. Après les turbulences causées par le départ de Denis Olivennes - dont je dirai plus loin tout ce qu'il nous a apporté -, c'est une bonne nouvelle. Sur les conditions et la forme de ce rapprochement, il est trop tôt pour pouvoir donner des indications précises, les discussions entre les deux équipes ne faisant que commencer. Mais je peux déjà dire que tout me paraît souhaitable dans une telle collaboration parce que nous avons en commun un passé de riches complémentarités et de ce que j'appellerai un refus engagé du dogmatisme. Une telle perspective, ainsi que la vogue nouvelle de la « radicalité », nous impose de revenir une fois encore à notre identité. Nous n'avons pas, nous, l'outrecuidance de prétendre représenter le peuple et ceux qui, en son sein, souffrent le plus. Nous ne croyons pas qu'il suffit de dénoncer les gens « friqués » pour nous identifier aux humiliés et aux offensés. Mais cela ne nous empêche pas de nous insurger contre les responsables et contre les méthodes de la crise suscitée par une forme de l'économie de marché connue sous le nom de « financiarisation du capital ». Nous avons ici répété clairement que cette crise transformait les fondamentaux de la pensée socialiste, et nous l'avons fait avant même que les voix de toutes les gauches de la gauche ne s'enivrent de leurs propres cris. Je suis loin d'être contre le fait de crier son indignation. Je crois même que c'est indispensable à certains moments. Mais à coté du cri et avant lui, il faut, selon moi, être habité par une passion, celle de comprendre et de faire comprendre. S'agit-il ici d'une polémique ? En aucun cas. Mais les gauches de la gauche sont nombreuses, leurs visages multiples, et nous allons les voir proliférer au fur et à mesure que va se développer la campagne électorale. Or il n'y a pas de démocratie parlementaire sans tentation démagogique, pas d'ambition participative sans tentation populiste, pas de populisme sans la pratique renouvelée du cri. Pourquoi cela me paraît-il plus pernicieux aujourd'hui que jadis ? Tout simplement parce que nous avons, en premier lieu, perdu le droit à l'illusion et à l'utopie. Ensuite, parce que le monde est devenu mille fois plus complexe et que les énigmes de ses barbaries comme les ivresses de ses progrès sont devenues souvent indéchiffrables. On sait depuis longtemps que le progrès conduit au meilleur et au pire, mais ce qui est nouveau et écrasant, c'est son amplification et sa brutale accélération. On impose parfois à une génération d'ingérer et de digérer en quelques décennies ce que des siècles ont accumulé comme transformations, réformes et révolutions. J'ai eu, à quelques années de distance, deux témoignages sur ce constat : l'un de Levinas l'autre de Lévi-Strauss. Voici la substance des propos qu'ils m'ont tenus. La surpopulation, l'abolition des frontières, l'obligation pour ceux qui n'ont rien de s'exiler pour se procurer quelque chose dans les pays qui ont tout, le retard effroyable dans le développement des uns et les progrès parfois dévastateurs dans l'industrialisation des autres, la solitude que procure la liberté et la servitude qu'impose le despotisme, le bouleversement, enfin, des structures familiales et des rites de la sexualité : tout cela concourt à rendre l'évolution du monde plus difficile à déchiffrer. Or on ne voit nulle part, dans les ébauches de programmes qui nous sont proposés, que leurs auteurs aient pris conscience de ce constat. Le spectacle du monde tel qu'il est devenu doit nous contraindre à une certaine humilité, et c'est pourquoi il m'arrive de trouver le péremptoire insupportable. En fait lorsque le cri et l'indignation sont obsessionnels, ils deviennent frivoles. J'aime que Montaigne pratique le doute mais qu'il soit aussi le premier à dénoncer l'esclavage, j'aime que Gide haïsse les certitudes mais soit le premier à dénoncer le colonialisme au Congo et le despotisme en Union Soviétique, j'aime que Camus contienne sa révolte dans un frémissement pascalien et que Jaurès meure au nom de la paix au lieu d'écrire de magnifiques poèmes pour appeler à une « juste guerre ». Mais je veux aussi souligner la découverte, grâce à nos parcours, des insuffisances du cri. Pendant la guerre d'Algérie, sans avoir été des porteurs de valises, nous nous sommes déchaînés contre la torture sans que cela nous empêche de condamner aussi les atrocités commises par le FLN. Nous préconisions la négociation tout en cherchant à comprendre les combattants des deux camps, mais c'est pourtant nous que les militaires français d'Algérie ont considérés comme dangereux. Quand il s'est agi de lutter contre l'hégémonie stalinienne dans la gauche française sans renier pour autant notre fidélité au socialisme, c'est pourtant nous que les communistes ont décidé de stigmatiser tous les jours. Enfin, lorsque, après la Guerre de Six Jours, en 1967, nous avons critiqué les dirigeants d'Israël pour leur politique dans les territoires occupés, c'est à nous, plus qu'à leurs adversaires déclarés, que les ultras du sionisme ont réservé leurs attaques les plus virulentes. Autrement dit, l'effort de compréhension, qui est un besoin de l'esprit, peut être perçu comme une arme aussi efficace que les imprécations. On dénonce aujourd'hui l'islamophobie, mais si l'on ne comprend pas d'abord ce que peux provoquer une émigration massive, pauvre, ghettoisé et soumise aux pressions de l'islamisme, bref, si l'on se contente d'un cri et d'une indignation, on reste voué à l'incompréhension et à l'impuissance, alors que les partisans courageux et menacés d'un islam français, qu'il faudrait soutenir, se sentent abandonnés non seulement par l'Etat mais par la gauche et par la gauche de la gauche. D'autre part lorsque l'on dénonce à tout propos un regain d'antisémitisme sans en caractériser les manifestations, alors, le cri semble non seulement dérisoire mais irresponsable. Théo Klein à tout dit là -dessus. Les manifestations de judéo-phobie où d'antisionisme ne relèvent pas de l'antisémitisme exterminateur et si l'on veut mieux les combattre, ce ne doit pas être avec les angoisses inspirées par le souvenir de la Shoah. Le simple cri empêche de comprendre cela. C'est avec de telles convictions que nous avons contribué à créer un climat idéologique qui a conduit les forces de gauche appelées à la gestion de notre pays à ne pas abandonner la nation aux nationalistes, à comprendre le besoin de sécurité du peuple, et à tout faire pour empêcher que le communautarisme ne compromette le respect de la diversité. J.D. P.S - Je ne veux pas laisser Denis Olivennes nous quitter sans dire que ce que j'ai le plus apprécié chez lui, lorsqu'il est venu vers nous, c'est le bonheur qu'il a manifesté de retrouver l'univers de sa jeunesse et de ses études, dont il gardait la nostalgie .A sa force impressionnante de travail, a sa maîtrise des dossiers économiques, s'ajoutait une droiture parfois brutale mais qui m'en imposait. Puisse-t-il conserver son inaltérable liberté d'esprit dans les milieux qui vont être les siens. Je regrette qu'il n'ait pas poursuivi chez nous ce qu'il considérait comme un véritable retour aux sources.
1 commentaire
Des mots et des poses ... Comment me trouvez-vous, chère, en homme de gauche impartial ? ...
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