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Blog : Michelle GoldsteinDu neuf sur HitlerHitler L'Express du 04/10/2007 Du neuf sur Hitler par François Busnel, Marc Riglet Le nazisme suscite une inflation éditoriale. Pourtant, loin des pseudo-révélations, de jeunes historiens signent plusieurs livres importants. Et démontrent que tout n'a pas été écrit sur l'origine de la solution finale, le rôle de la SS ou ce que savaient vraiment les Alliés. En paraphrasant la formule appliquée à Napoléon, on pourrait dire qu'il y a plus de livres consacrés au nazisme qu'il ne s'est écoulé de jours depuis sa chute. Un essai, une étude, une enquête, un document ou même un roman sur Hitler, sur sa paranoïa, sur son atonie sexuelle, sur ses chiens ou sur ses derniers jours dans son bunker, et voilà la promesse de gros tirages. Pourtant, force est de constater que, depuis le succès des Bienveillantes (prix Goncourt 2006, vendu en France à plus de 700 000 exemplaires, en cours de traduction dans une trentaine de pays), les amateurs d'histoire du IIIe Reich excèdent de loin les maigres phalanges des nostalgiques du Führer. Dans le sillage de l'émotion suscitée par le roman de Jonathan Littell, des polémiques qu'il a entraînées, du débat qu'il a ouvert sur les libertés qu'une oeuvre de fiction peut prendre avec la vérité historique, on aura vu avancer, en rangs serrés, des publications qui semblaient venir juste à point pour nourrir le dernier sujet inscrit à l'ordre du jour des dîners en ville. Cela rappelle le tsunami de livres qui a suivi la publication du Da Vinci Code, qui, tous, prétendaient «décoder» le «phénomène». L'exploitation de ce genre d'aubaines se présente parfois sans fard. Ainsi, un éditeur (Calmann-Lévy) publie le livre d'un auteur allemand totalement inconnu, Ralf Ogorreck (Les Einsatzgruppen. Les groupes d'intervention et la genèse de la solution finale), en ceignant l'ouvrage d'un bandeau rouge sur lequel on peut lire: «Après Les Bienveillantes, la réalité historique»! Las, ce livre fait partie, comme tant d'autres, des études qui n'apportent rien de neuf à la compréhension du régime nazi ou de la machine de guerre hitlérienne. Mais avons-nous encore quelque chose à apprendre, aujourd'hui, sur le nazisme' Oui. A condition toutefois de ne pas céder à la tentation d'une vision «complotrice» de l'Histoire, policière de ses méthodes, mystique et irrationnelle de sa nature. Pour le dire autrement, si le recueil des données, la plongée dans les archives, la quête obstinée de la pépite documentaire nourrissent la passion et constituent le ressort de toute recherche historique, la disposition maniaque à faire comme si l'Histoire était faite de «secrets» et l'historien envoyé sur terre pour les dévoiler est un véritable fléau. Aux sources de la solution finale A l'opposé de cette vision sensationnaliste, trois genres littéraires permettent d'apprendre quelque chose de nouveau sur le IIIe Reich, ou de le comprendre autrement: le roman (voir l'interview de Norman Mailer, page 120) , le témoignage (voir l'aveu de Günter Grass, page 122, ou la sublime odyssée de Daniel Mendelsohn, Les Disparus, l'un des livres phares de cette rentrée littéraire, dans L'Express du 6 septembre) et le livre d'histoire. Ce dernier est en pleine révolution. En effet, une nouvelle génération d'historiens s'impose, qui ont pour point commun de n'être pas émotionnellement connectés à l'époque qu'ils étudient. Ils ont pu, ainsi, avec une vue d'ensemble totalement différente de celle de leurs prédécesseurs, se plonger dans les archives allemandes et alliées, récemment ouvertes. Résultat: le temps est venu des grandes synthèses. On doit la plus impressionnante à l'historien américain Christopher Browning. Né en mai 1944, ce diplômé de l'université du Wisconsin enseigne depuis 1999 à l'université de Caroline du Nord, à Chapel Hill. En puisant abondamment dans les archives du Reich et de l'Armée rouge, il avait restitué les tueries effectuées en Ukraine et en Biélorussie par le bataillon de police 101, qui agissait sur les arrières de la Wehrmacht engagée dans l'opération «Barbarossa», de l'été 1941 à janvier-février 1942. Cette étude (Des hommes ordinaires, réédité en poche chez Texto) n'apportait pas seulement une contribution précieuse et neuve à la compréhension de la première phase de l'extermination des juifs d'Europe, elle montrait la part essentielle prise par des soldats du rang aux pires exactions de la guerre à l'Est. Browning a ainsi ruiné l'idée que seuls des monstres pouvaient concourir à une entreprise monstrueuse. Il a, surtout, ébranlé l'idée rassurante, cultivée sans modération dans l'Allemagne d'après guerre, que l'on devait distinguer entre des nazis pendables et des Allemands ignorants, s'attirant la réponse cinglante et polémique de Daniel Goldhagen, qui écrivit un best-seller (Les Bourreaux volontaires de Hitler, Seuil, 1997) pour lui reprocher vertement de négliger l'importance de la culture allemande dans la genèse de l'Holocauste. Browning, associé à l'historien d'origine allemande Jürgen Matthäus, 48 ans, chercheur au Musée du Mémorial de l'Holocauste, à Washington, vient de publier un livre somme qui fera date: Les Origines de la solution finale. L'évolution de la politique antijuive des nazis. Septembre 1939-mars 1942 (Les Belles Lettres, 900 p., 35 euros) offre une approche totalement inédite de la Shoah. Browning et Matthäus ne s'égarent pas dans la recherche vétilleuse d'on ne sait quel «moment» précis où la décision d'en finir avec la «question juive» aurait été prise. Bien sûr, on peut retenir, comme un point de repère, la tristement célèbre conférence de Wannsee (20 janvier 1942), qui consigna le choix des camps et des chambres à gaz pour «rationaliser» et accélérer l'entreprise d'extermination voulue par Hitler. Mais les deux historiens montrent que, dans cette affaire, il s'agit moins de repérer des tournants ou de dater des moments que de saisir le mouvement d'un processus continu de montée aux extrêmes. En effet, de 1939 à 1941, des projets ont été conçus qui envisageaient de «seulement» procéder à l'expulsion des juifs hors du Reich et de les concentrer dans les territoires conquis ou encore de les transporter à Madagascar. Mais il s'agissait moins de politiques alternatives que de solutions d'attente. De surcroît, la «prophétie» de Hitler, promettant dans un discours public l' «annihilation des juifs», est formulée en janvier 1939, rappellent-ils. Cette somme probe et impressionnante égale et amplifie le grand oeuvre de Raul Hilberg, disponible en édition de poche dans une version que la mort récente de l'historien (août 2007) a rendue définitive (La Destruction des juifs d'Europe, Folio). Non, la SS ne fut pas une arme d'élite Autre découverte capitale, le véritable rôle des SS. Le cinéma, la littérature ou les comics américains représentent depuis soixante ans le SS comme l'icône du soldat allemand, rivalisant certes de cruauté avec le «jap» mais au fanatisme relativement aseptisé, finalement plus bête que méchant. Ainsi le SS des Aventuriers de l'Arche perdue poursuit-il son noir dessein de conquérir le monde tout en faisant doucement rigoler lorsqu'il échoue à récupérer l'Arche d'alliance. Etrange désinvolture... Au cinéma, encore, est-il besoin de rappeler le malaise que provoqua le film Portier de nuit (de Liliana Cavani, 1973, avec Dirk Bogarde et Charlotte Rampling), abordant le thème scabreux des liens qui uniraient la victime et son bourreau' Plus largement, une massive production de littérature de gare aura souvent mis en scène la SS sous l'enseigne avantageuse de l'arme d'élite qu'elle prétendait être. Gilles Perrault lui-même fit l'aveu d'avoir cédé à cette tentation dans son premier livre, Les Parachutistes, qui présentait les exploits, dans cette arme, des bérets verts, rouges, Waffen SS et autres «marines». Il est vrai qu'il sortait de son service militaire effectué en Algérie, dans les paras précisément, où l'on cultivait sans vergogne les indulgences de l'extrême droite à l'endroit du soldat allemand et où l'on puisait pour les chants de marche de la Légion dans le répertoire de la Wehrmacht... A mille lieues de tout ce fatras, peut-on espérer de la recherche historique qu'elle nous offre du neuf sur le sujet de la Waffen SS' Eh bien, ce neuf existe et il est de belle facture. On le doit à La Waffen SS. Soldats politiques en guerre (Perrin, 1 230 p., 29,80 euros), de l'historien français Jean-Luc Leleu, 35 ans. Leleu rappelle d'emblée l'écart entre l'abondance du traitement du thème et la pauvreté de sa connaissance historique. Il note, par exemple, le succès rencontré par la littérature romanesque consacrée à la Waffen SS: «Neuf ouvrages en français de Jean Mabire sur ce thème ont obtenu des scores de vente entre 15 500 et 70 000 exemplaires (37 000 en moyenne).» S'agissant de la SS, on se perd facilement dans la nébuleuse de ses différents avatars. La SS, donc, se concevait comme un ordre et elle prétendit détenir tous les attributs d'un Etat. Au fond, la SS se voulait à la fois le germe, l'instrument et la préfiguration d'un monde nazi qui serait parvenu à ses fins. A côté de la SS générale, on trouvait une administration, une police, des services de sécurité, des instituts pseudo-scientifiques de toutes sortes et une force militaire: la Waffen. C'est de cette force, qui passera de 23 000 hommes en 1938 à 600 000 combattants en 1944, que Jean-Luc Leleu, sans s'égarer dans la mythologie qui l'accompagne, fait l'histoire. Et cette histoire, c'est celle de la transformation progressive d'une force de police, que la Waffen SS est originellement, en une force militaire, auxiliaire d'abord modeste de la Wehrmacht, pour atteindre, enfin, les dimensions d'une véritable armée. Dans cette évolution, Himmler et Hitler se heurtèrent aux résistances des chefs de la Wehrmacht. Qu'on ne se méprenne pas cependant: cette hostilité entre la Wehrmacht et la Waffen SS n'opposait en rien une armée allemande «propre» à des soldats nazis «imprésentables». Même si les SS apportèrent une contribution énergique à la première phase du génocide juif, de l'été 1941 aux premiers mois de l'année 1942, ils trouvèrent dans les unités de la Wehrmacht des assassins du même acabit. En fait, entre l'armée et la SS, les conflits étaient des contradictions d'intérêts et sûrement pas des conflits de valeurs morales. A court terme, les concurrences portaient sur les moyens en hommes et en matériels; à long terme, l'enjeu n'était rien de moins que la destruction de la caste des militaires professionnels et, pour la barbarie, nul n'était en reste. Ainsi Jean-Luc Leleu règle-t-il son compte à l'une des représentations les plus solidement ancrées de la mythologie hitlérienne: «Professionnellement, démontre-t-il, la Waffen SS n'a pas représenté une élite militaire.» Que savaient vraiment les Alliés' La question s'est toujours posée. Elle trouve aujourd'hui de nouvelles réponses. En temps de guerre, on s'emploie à tenir l'adversaire dans l'ignorance de ses intentions. D'où le secret, qui préside à toute offensive, et la guerre du renseignement, qui permet d'établir les stratégies. La tragédie des juifs n'a pas été ignorée Cette guerre, les Alliés en furent les vainqueurs assez vite. Dès 1941, les Anglais disposèrent en effet d'un exemplaire de la machine Enigma, utilisée par les Allemands pour leurs transmissions. Une équipe, conduite par le mathématicien Alan Turing, futur inventeur de l'ordinateur, en perça promptement le code. Voilà ce que raconte Christian Destremau dans un ouvrage précis et dénué du pathos qui entoure ordinairement les histoires d'espionnage (Ce que savaient les Alliés, Perrin, 420 p., 22,50 euros). Et ils savaient beaucoup de choses, les Alliés: opération Barbarossa, attaque de Pearl Harbor, attentat contre Hitler... Si les Alliés savaient quelle dimension inouïe prenaient les massacres des juifs d'Europe, pourquoi n'ont-ils rien fait pour les empêcher' A la question préalable: «Savaient-ils'», on peut désormais répondre: «Oui.» Mais ils «savaient» sans pouvoir prendre l'exacte mesure de l'ampleur et, surtout, de la spécificité de la solution finale. Que pouvaient-ils faire d'autre, d'ailleurs, que déclarer vouloir conduire la guerre jusqu'à la capitulation sans conditions' Il est toutefois établi que les Alliés n'ont pas réservé à l'extermination des juifs d'Europe l'attention particulière que son caractère monstrueux appelait. Cela a tenu, on le découvre aujourd'hui, au choix politique délibéré de ne pas mettre l'accent sur les persécutions antisémites. Ainsi les Alliés pensaient-ils ne pas devoir fournir d'arguments à la propagande nazie, qui les présentait comme les instruments du «complot juif» mondial. Philip Roth a écrit en 2004, sur ce sujet, un roman génial, Le Complot contre l'Amérique (Folio). Mais la fiction est dépassée par la réalité: ce qui peut apparaître plus surprenant encore, c'est que cette attitude fut adoptée par nombre de juifs, et notamment par le puissant patron du New York Times, Arthur Sulzberger. Laurel Leff raconte comment le New York Times, le journal le mieux informé de la conduite de la guerre et le plus respecté pour la qualité de ses informations minora les informations sur la Shoah. Non que celles-ci n'aient pas été données (et l'on est même frappé par leur degré de précision), mais Sulzberger estimait ne pas devoir accorder un traitement particulier aux malheurs qui accablaient les juifs pour ne pas apporter de l'eau au moulin de la thèse nazie de la «race» juive. L'intérêt de ce livre, Relégué en page 7. Quand le «New York Times» fermait les yeux sur la Shoah (Calmann-Lévy, 464 p., 25 euros), va bien au-delà de l'histoire d'un journal. Il démontre que si l'on considère l'ensemble de la presse américaine, New York Times inclus, rien ne fut moins dissimulé que la tragédie des juifs d'Europe. Aussi est-il vain d'entretenir l'idée qu'elle aurait été ignorée ou, pire encore, cachée. Au fond, ce qui est à redouter, c'est bien que le trop fameux «devoir de mémoire» prenne un jour le pas sur le travail d'histoire. Avec le premier, on s'abîme dans une contrition qui s'accommode de l'ignorance; avec le second, on peut encore espérer comprendre. Ce que savaient les Alliés Christian Destremau éd. PERRIN 420 pages 22,5 ? 147,59 FF La Waffen SS. Soldats politiques en guerre Jean-Luc Leleu éd. PERRIN 1230 pages 29,8 ? 195,48 FF Les Origines de la solution finale. L'évolution de la politique antijuive des nazis. Septembre 1939-mars 1942 Christopher Browning, Jürgen Matthäus éd. Les Belles Lettres 900 pages 35 ? 229,58 FF Relégué en page 7. Quand le «New York Times» fermait les yeux sur la Shoah Laurel Leff éd. CALMANN-LEVY 464 pages 25 ? 163,99 FF | Membre Juif.org
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