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Blog : Carnets d'actualité

Comment aider la révolte arab

 

1 -Pour en finir avec la piteuse comédie qui se jouait laborieusement au quai d'Orsay en provoquant les sarcasmes de l'étranger, il ne restait qu'un rôle possible à Nicolas Sarkozy : celui d'un homme plus sensible aux romantiques orages du monde que blessé par les flèches de l'impopularité. Conscient d'être moins crédible, il a voulu remplir ce rôle avec concision et solennité. Il lui fallait aussi, et surtout, désigner au Quai d'Orsay un homme respecté et indépendant. Respecté, Alain Juppé l'est sans aucun doute, mais encore fallait-il qu'il pût convaincre de son indépendance c'est-à-dire de sa capacité de résister aux interventions et aux pressions de tous ceux qui se sont octroyé jusqu'ici le droit de parler au nom de la France avec la caution du président. C'était le cas de Claude Géant, devenu désormais ministre de l'Intérieur.

Pour avoir critiqué publiquement la politique du gouvernement, [non seulement dans une déclaration cosignée avec Hubert Védrine mais dans un livre de dialogue avec Michel Rocard organisé par Bernard Guetta, Alain Juppé] a déjà donné la preuve d'une telle indépendance. Et on peut penser qu'il n'appliquera la politique étrangère de Nicolas Sarkozy que dans la mesure où il l'aura conçue avec lui et où il sera seul maître de son exécution. Le problème était en effet que nos diplomates ne savaient plus envers qui exercer leur loyauté ! [Il leur arrivait souvent des consignes et même des injonctions contradictoires de leur ministre et des divers conseillers de l'Elysée.]

Cette crise d'autorité est devenue insupportable à partir du moment où l'on s'est mis à vivre des évènements spectaculairement historique comme l'émergence des révolutions chez certains peuples arabes. Reniant silencieusement la confusion peu honorable de Michèle Alliot Marie, et avec un sérieux retard sur l'exemplaire comportement de Barak Obama, Nicolas Sarkozy découvre à juste titre que nous entrons dans une ère nouvelle avec les révolutions arabes. La revendication démocratique de ces peuples pourrait, en tournant le dos à la tentation islamo-terroriste, nous inciter à se soucier davantage d'aider à leur émancipation que de contribuer à la pérennité de gouvernements autoritaires. Alors, selon Sarkozy le trop confus projet d'Union européenne pourrait avoir ses chances, comme si c'était l'absence de démocratie qui avait séparé jusque-ici les peuples des deux rives.Si c'était vrai , les Turcs et les Grecs n'auraient pas de problèmes à Chypre.

Nicolas Sarkozy s'est d'ailleurs gardé de rappeler, que pendant sa campagne électorale, négligeant le danger islamiste, il avait proclamé que tous les peuples du monde pouvaient compter sur la France pour défendre partout les droits de l'homme. Les Tchétchènes, le Dalaï Lama et les victimes du Darfour, eux, s'en souviennent peut-être encore. Mais il n'importe. C'est à Alain Juppé que revient maintenant le soin de définir ce que pourra être une politique française dans un nouveau monde arabe, à la condition de ne pas oublier que le nouveau n'est pas plus homogène que l'ancien.

2 - Politique arabe' Soit. Mais y a t-il jamais eu un monde arabe ? Sans doute le président Nasser préconisait-il l'unité d'un monde allant de l'Atlantique à l'Euphrate. Mais pour mieux persuader le Yémen de s'unir à lui, il lui a fait la guerre. Quant à Kadhafi, il n'a pas proposé moins de onze fois à certains pays de faire de chacun d'eux  un « Etat frère ». En fait, l'unité est un v'u, une ambition, un rêve, une utopie, mais elle n'a jamais été une réalité.  En dépit de la communauté de religion et de langue, il y a eu constamment conflit entre la vocation d'une nation arabe( La Ouma) et l'affirmation des nationalismes arabes en compétition. Comme l'affirmait en substance Ibn Khaldoun dans des propos souvent cités, les peuples arabes sont condamnés par la religion à désirer leur unité et sont voués par leur tribalisme à cultiver la division. Quand à  Bourguiba, il allait jusqu'à dire que l'aspiration à l'unité était la malédiction des peuples arabes puisqu'elle conduisait chaque apprenti leader à s'en croire le dépositaire.

Revenons à l'histoire récente de la France. Ce que l'on a appelé « la politique arabe » a été souvent celle d'un ministère, au Quai d'Orsay, opposé  d'abord à la Grande Bretagne et ensuite à Israël. Pendant la guerre d'Algérie, y compris pendant la présidence du général de Gaulle et au moins jusqu'à l'indépendance, la France a été pro-israélienne. N'oublions pas que De Gaulle contrairement à Mendès France à approuver l'expédition de Suez. C'est à partir de 1967, de la guerre des Six jours et de l'embargo voulu par le Général de Gaulle sur les ventes d'armes à Israël, que l'on a cru pouvoir parler d'une « politique arabe » en ce sens qu'elle n'était plus inconditionnellement pro-israélienne. Et il faut bien reconnaître que, dans ce que l'on appelle « la rue arabe », le prestige du Général de Gaulle a été immense et parfois même sacralisé. De Gaulle se trouvait engagé dans une compétition -qu'il souhaitait -avec la Grande-Bretagne et avec les Etats-Unis. De ce point de vue, on peut dire qu'il y a eu une période faste d'une certaine politique arabe au sens où l'entendait Lawrence d'Arabie, Louis Massignon et Jacques Berque.

3 - En quoi consistait d'ailleurs l'émancipation  à l'époque de la décolonisation ? .On parlait du droit des nations à la souveraineté, de la libération des peuples colonisés et, dans la mesure où les nations émancipées devenaient des Etats, de Gaulle pouvait appliquer  son principe metternichien selon lequel la France traite avec des gouvernements et non avec des régimes. Il importait peu au Général, comme d'ailleurs à presque tout le monde, que les peuples fussent mal gouvernés si les Etats prouvaient leur capacité à durer dans la stabilité. Je ne pense pas que De Gaulle aurait refusé de recevoir l'un quelconque des chefs d'Etat que Mitterrand, Giscard, Chirac et même Sarkozy ont reçus. Sans doute y aurait-il- mis plus de style, de panache et même de distance que ses successeurs, en particulier que Nicolas Sarkozy. Mais ce qui comptait pour lui, c'était l'intérêt de la France. Si les Etats étaient en révolution, il fallait rapidement se mettre du côté du vainqueur. Ce cynisme était naturel à De Gaulle mais aussi à l'époque toute entière. C'est bien plus tard que les « french doctors » ont préconisé  non seulement le devoir d'assistance envers les dissidents mais les droits d'ingérence dans les Etats autoritaires. A la rigueur, il y avait des européens qui préconisaient le devoir d'assistance mais seul les Etats-Unis envisageaient le droit d'ingérence. Tout le problème sera, on le sait, de doser l'assistance pour qu'elle ne se transforme pas en ingérence. C'est l'avis des Irakiens et des Afghans.

Si la surprise a été si grande devant les révolutions tunisienne, égyptienne, puis maintenant libyenne, c'est que l'on a longtemps cru que ces peuples ne pouvaient être capables que d'émeutes, de désordres ou d'agitations éphémères pour exprimer leur mécontentement. Ou alors il fallait que  des hommes exceptionnels surgissent, comme Nasser, comme Bourguiba. Il y avait pourtant eu de vraies révolutions dans des nations arabes indépendantes : en Irak, en Egypte, en Algérie.  En fait, la fameuse arrogance occidentale conduisait à estimer que la démocratie exige des siècles de pratique et nous avions pour ces peuples les mêmes sentiments que Montesquieu, lorsqu'il voulait que l'on ne précipitât pas l'usage du suffrage universel, et Voltaire lorsqu'il redoutait que l'on ne privât le peuple de la tutelle de Dieu.

4 - Une politique sérieuse et généreuse consiste à considérer que les différents Etats arabes, même lorsque certains se montrent capables de se révolter ensemble contre l'arbitraire, posent chacun un problème particulier. Les rapports qu'ils entretiennent avec l'islam et les conflits qu'ils peuvent avoir avec Israël ne sont nullement interchangeables. Sans doute peut-on conclure des ententes, surtout économiques et sociales, pour contribuer au développement et à la recherche, avec tous ces pays. Mais l'erreur consisterait à vouloir résoudre les problèmes à leur place .Ce n'est pas nous, on le voit depuis longtemps qui pourrons réconcilier l'Algérie et le Maroc à propos de ce qui les sépare sur le Sahara. Là, il faudrait que les deux peuples, algérien et marocain, imposent la fin du conflit à leurs gouvernements. En revanche, il est vrai que l'on aura besoin des efforts conjugués de la France, de l'Europe et des Etats-Unis pour contribuer vigoureusement à une paix juste au Proche-Orient.

La politique arabe de la France a longtemps consisté à ne voir au Machrek que des gouvernements à corrompre et au Maghreb  que des pays à visiter et des peuples dont la jeunesse se propose de venir chez nous. Il faut en finir avec ce qui était devenue un mode de pensée paralysant. J'aurai l'occasion d'y revenir. En attendant, puisque j'ai parlé d'immigration, Nicolas Sarkozy vient de faire la preuve qu'il compromettait ou dénaturait les causes les plus justes. Dire que l'Europe risque de devoir faire face à des flux migratoires quasi incontrôlables depuis les révolutions en Tunisie, en Egypte et en Libye, ce n'était pas faux. Mais à partir du moment où c'est lui qui le dit - après avoir annoncé qu'il allait relancer le débat sur la compatibilité entre l'islam et la démocratie - un an avant l'élection présidentielle, il ne peut que susciter des oppositions, de bonne ou de mauvaise foi.

J.D.

 

 

Membre Juif.org





Dernière mise à jour, il y a 19 minutes