BACHAR EL-ASSAD ET SES ARMES CHIMIQUES
Ronen Bergman
Yediot Aharonot
Traduit et présenté par Courrier International - hebdo n° 880 - 13 sept. 2007
Incapable d’affronter l’armée israélienne dans une guerre classique, Damas s’est lancé il y a une dizaine d’années dans la constitution d’une force de frappe fondée sur des missiles à charges chimiques.
Des informations récentes révélant un accroissement important du potentiel militaire de la Syrie témoignent du désir de Damas de renforcer des pans entiers de son système de sécurité, négligé depuis des années.
En 1991, la guerre du Golfe avait marqué un tournant clé dans l’attitude des Syriens face à Israël. Une division de l’armée syrienne s’était jointe à la coalition emmenée par les Etats-Unis. A la lecture des rapports établis par ses services, le président de l’époque, Hafez El-Assad, avait été impressionné par les capacités technologiques des Américains.
“Si les Américains en ont autant, les Israéliens en ont bien plus encore”, avait-il assuré à son entourage. Hafez El-Assad avait donc pris pleinement conscience de l’infériorité de son armée face à Tsahal et avait alors décidé de participer à la conférence de Madrid et d’entrer en négociation avec l’Etat hébreu. Mais cela n’a pas empêché la Syrie de poursuivre avec vigueur le développement de ses forces aériennes et l’acquisition de missiles sol-sol couvrant l’intégralité du territoire israélien.
Parallèlement, les Syriens ont également acquis ce que l’on appelle “l’arme nucléaire du pauvre”, autrement dit un arsenal chimique. Il s’agit à leurs yeux de faire contrepoids à la puissance nucléaire que le monde entier attribue aux Israéliens. Deux usines fabriquant des armes chimiques ont été repérées à Alep, dans le nord du pays, et des missiles Scud porteurs d’ogives chimiques sont déployés dans le sud du pays.
Les installations militaires chimiques de la Syrie sont relativement modestes, donc difficiles à localiser. Hormis ces usines spécialisées, Damas peut également compter sur le potentiel d’une bonne douzaine de laboratoires pharmaceutiques nationaux, qui peuvent être rapidement aménagés pour fabriquer des armes chimiques.
La guerre du Kippour [1973] a montré aux Syriens que leurs forces aériennes restaient incapables de pénétrer très avant dans le territoire israélien. La supériorité tant technologique qu’humaine de l’aviation d’Israël avait déjoué toutes leurs tentatives de bombardement à l’intérieur de l’Etat hébreu. Depuis 1995, la Syrie fabrique en série des missiles Scud-C pouvant atteindre l’ensemble du territoire israélien. Fin 2000, elle a ajouté à son arsenal 300 à 400 Scud-B et Scud-C, et 30 lance-missiles. Un Scud de type B peut porter une ogive de 1 000 kg sur une portée de 300 kilomètres, tandis que le Scud-C a une portée de 500 km pour une charge de 770 kg.
A la fin du mois de septembre 2000, Damas a effectué avec succès plusieurs tests avec des missiles Scud-D, qui ont alors atteint une portée de 580 km. Début juillet 2001, les Scud syriens ont atteint une portée de 700 km.
Pour les autorités israéliennes, le gouvernement de Damas est tout à fait conscient que Jérusalem réagira sévèrement à tout usage d’armes chimiques à son encontre. Comme avec Saddam Hussein en son temps, Israël estime que Bachar El-Assad n’ordonnera le lancement de missiles sur l’Etat hébreu que s’il juge son régime menacé.