Blog : Rencontre Judaïque FM

Je crois que tous les qualificatifs ont déjà été utilisés pour exprimer l'indignation, la colère, la pitié, que nous sommes nombreux à avoir ressenti en regardant ces images d'un homme menotté, le visage défait, mal rasé, encadré par des policiers et qui sont passées en boucle pendant 48 heures sur toutes les chaînes de télévision.
De telles images ne pouvaient que conforter  la culpabilité de  Dominique Strauss - Kahn, dans l'esprit des téléspectateurs, avant même qu'il ne soit jugé. Nous avons assisté à un véritable lynchage médiatique dont la responsabilité première revenait à la police américaine, mais auquel les média français ont participé, en infraction avec la loi qui  en France protége le citoyen poursuivi, au nom de la présomption d'innocence. On nous a bien sur expliqué,  de long en large, et le plus souvent sur les images d'un  DSK hagard, le fonctionnement  de la justice aux Etats Unis et celui de la police. Le traitement qu'il a subi n'est pas différent de celui qu'aurait subi un citoyen américain lambda sur lequel pèserait d'aussi graves accusations, et de s'extasier devant cette application de la loi qui traite de la même manière le  Directeur Général du FMI ou n'importe quel autre justiciable. Peu de confrères se sont interrogés pour savoir si la police aurait alerté  tous les photographes et journalistes de New York s'il ne s'était agi que d'un simple quidam, si elle leur aurait autant facilité la tache, en leur indiquant l'heure de sortie du commissariat, en mettant, à la disposition des photographes des bancs sur lesquels ils pouvaient monter pour faire les meilleures prises. De qui se moque t'on ? Il a été piétiné, livré aux chiens, alors même que sa culpabilité n'est pas reconnue. Certains, se sont, hypocritement, étonnés que personne n'ait de pensées pour la  victime présumée, mais les intéressait t'elle vraiment ? Non, ce qui les intéressait c'était la célébrité jetée de son piédestal, la victime, elle, n'aurait pas fait monter l'audimat.
DSK est il innocent ou coupable, a t'il été victime d'un complot, 57% des français le croient, a t'il cédé à une pulsion irrésistible qui le fait relever de la psychiatrie ? Je ne le sais pas. Il va déjà falloir attendre demain  la réunion du tribunal pour savoir si le jury populaire qui s'est réuni à huis clos, aura ou non considéré que les preuves à charge accusantes sont suffisamment importantes pour nécessiter  un procès. Nous connaîtrons alors, officiellement, et non à travers des « on dit » les preuves à charge qui pèsent sur lui et ce que ses avocats diront pour sa défense.Le monde politique français est secoué, tous  compatissent à gauche mais aussi à droite où la retenue est de rigueur, le Président de la République a d'ailleurs interdit tout commentaire à ses ministres, mais on ne peut s'interdire de penser à la secrète jubilation  que beaucoup ressentent, en constatant que leur adversaire le plus dangereux est mis hors jeu.
Le monde journalistique est lui aussi secoué, mais  par un débat. Les journalistes n'ont t'ils pas eu tort, au nom du respect de la vie privée, de la séparation vie privée -vie publique de règle en France, de ne pas avoir fait savoir à leurs lecteurs, de ne pas les avoir averti que DSK aimait les femmes, qu'il était un séducteur impénitent, parfois un peu trop pressant ?  Cela aurait il du l'écarter de la direction du FMI où tout le monde ne tarit pas d'éloges sur son action ?  Certains  proposent dans la foulée qu'on puisse juger, comme aux Etats Unis la valeur des hommes ou des femmes politiques à travers leur vie privée ; et pour pouvoir juger en connaissance de cause, il faut pouvoir aller fouiller jusque dans les poubelles si nécessaire! Les américains reprochent  à la presse française sa frilosité, sa timidité quand il s'agit de parler de la sexualité de son personnel politique, mais tant qu'elle n'interfère pas dans leur action politique, ou qu'elle n'est pas criminelle, en quoi devrait elle nous intéresser, si ce n'est pour répondre à cette exigence totalitaire  de transparence qui gagne nos sociétés ? JFK avait de gros appétits sexuels,  n'aurait il pas fallu l'élire ? Il n'en fut pas moins un grand président, et l'on pourrait multiplier les exemples en France et dans le monde.Pourquoi d'ailleurs s'arrêter au monde politique, dans les entreprise, les pressions des dirigeants peuvent encore être plus importantes, elles mettent en balance l'emploi si ce n'est la carrière. 
Ce dont on accuse DSK - encore faut il que sa culpabilité soit prouvée, il va plaider non coupable -, était imprévisible. Il ne faut pas  se saisir de ce drame pour ouvrir la porte à la presse caniveau.
Gérard  Akoun           Judaïques FM, le 19 mai 2011   
Nota de Jean Corcos :
Je relève le grand mérite de mon confrère de Judaïques FM de ne pas avoir rappelé la judéité de Dominique Strauss-Kahn, un élément considéré par l'intéressé comme un de ses handicaps pour l'élection présidentielle ... Elle ne fait pas, a priori, de DSK un nouveau Dreyfus pas plus évidemment qu'elle ne renforcerait l'hypothèse de sa culpabilité - et quand bien même tous les sites antisémites se réjouissent de sa chute ! A noter que la dureté extrême de la justice américaine dans cette affaire vient balayer les théories "complotistes" qui en faisaient aussi le candidat "de Wall Street, de l'Amérique et du Sionisme international", dixit l'horrible Dieudonné - voir en libellé - dont j'ai publié une vidéo il y a quelques semaines. Je vous invite à ce sujet à lire l'excellent article publié par le site "Conspiracy Watch", sur  ce lien.
Enfin, ce billet a été lu hier matin sur notre antenne, soit donc avant la mise en liberté sous caution de DSK décidée dans la soirée par un juge new-yorkais ... et qui ne change rien, sur le fond, aux questions soulevées !