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Blog : Carnets d'actualité

Tunisie : l'avenir d'une espérance

 LE POINT DE VUE DE  JEAN DANIEL

 

Tunisie : l'avenir d'une espérance

 

L'ambition démocratique de la révolution tunisienne pourrait-elle être mise en question par l'assemblée constituante qui sera élue en septembre prochain ?

 1 - J'ai regretté qu'un voyage en Tunisie m'ait empêché d'assister à ce colloque de Strasbourg organisé par notre journal avec Terra Nova, dont on me dit tant de bien. Mes amis en ont tiré des conclusions avec lesquelles je suis en complet accord. La richesse des débats qui ont eu lieu pendant deux jours devraient donner à notre hebdomadaire un regain de présence, de fidélité et d'innovation.

J'étais donc en Tunisie, tout en gardant à l'esprit, bien sûr, l'importance du référendum qui le 1er juillet, au Maroc, va décider du sort réservé au roi. Mon séjour tunisien me permet en tout cas d'inviter le plus chaleureusement du monde les lecteurs qui n'auraient pas encore fixé la date de leurs vacances à se précipiter. Le tourisme y est aussi bénéfique et gratifiant qu'auparavant. La sécurité y est totale. L'ordre et le civisme ont régné lors d'une rentrée des classes, parfaite, sans le moindre incident. Bref, il serait malheureux que la population qui a donné au monde tant d'espérances paye le prix de sa fièvre de liberté en étant atteinte dans sa ressource principale.

Alors, tout irait bien sur le plan « révolutionnaire », comme on dit souvent là-bas ? Il serait absurde de l'affirmer. La vérité est que tout est à la fois passionnant et préoccupant. Sans doute le procès de Ben Ali par contumace a-t-il été inutilement expédié. Mais le principal problème de toutes les révolutions se pose en Tunisie comme au Maroc : doit-on faire table rase de l'ancien régime sans plus se soucier des compétences, ou conserver ce qu'il avait en lui de meilleur  La première phrase de la constitution était, certes : « La Tunisie est une République dont la langue est l'arabe et la religion l'islam ». Faut-il aujourd'hui la rendre plus laïque ou plus religieuse ? Une assemblée constituante sera élue en septembre. Une centaine de partis s'y préparent. Les influences modernistes et islamisantes sont en compétition.

 2 - Je n'ai précipité mon retour que pour assister à un autre colloque que « Le Nouvel Observateur » a également parrainé. Il s'est déroulé dans l'une des salles de Sciences-Po à Paris, à l'initiative de notre ami Robert Silvers, fondateur et directeur de « The New York Review of Books ». Il s'agissait de célébrer la mémoire de l'historien américain d'origine britannique Tony Judt qui a étudié avec une implacable lucidité les évolutions, au cours du XXéme siècle, de la gauche européenne et plus spécialement française. Les Américains de Paris étaient là. Pour ma part, je devais intervenir sur le fait de savoir ce qu'il convenait de penser des dernières propositions de Tony Judt à propos d'Israël.

L'historien que l'on célébrait avait été, dans sa jeunesse, passionnément pro-israélien tant qu'il s'était agi de construire- et de défendre- un Etat exemplaire, sous l'impulsion progressiste de sionistes de gauche dont presque tous les dirigeants avaient passé un séjour dans les kibboutz. Après la victoire de 1967, indispensable mais tragique, lorsque les Israéliens, avec « une confiance hypertrophiée », ont transformé la valeureuse force militaire des pionniers en une armée d'occupation et lorsque leurs dirigeants ont commencé à appliquer une politique continuelle et insolente d'implantation de colonies hors des frontières de 1967, alors Tony Judt a fini par se détourner de ce pays qui prétendait imposer un nationalisme religieux dont l'archaïsme, à cette époque, était déjà criant d'absurdité. Non content de douter qu'un compromis fut possible et vraiment souhaité, il était arrivé à la conclusion que c'était à l'idée même d'un Etat juif qu'il fallait renoncer .Il n'y avait plus, à ses yeux, qu'une seule solution pour qu'une paix s'installât entre Israéliens et Palestiniens : il fallait qu'ils vivent ensemble dans un seul Etat binational. Il a fait scandale. J'ai expliqué au colloque mon désaccord avec Judt, tout en concédant que, du fait de d'une évolution démographique qui va conduire inévitablement à ce que les citoyens arabes deviennent majoritaires en Israël, il sera impossible de maintenir le caractère démocratique de la nation tout en continuant à n'accorder qu'un statut de second rang à tous les non-juifs.

 Comment éviter l'apartheid ? C'est le problème d'Israël aujourd'hui, car, comme les Sud-Africains de naguère, les Israéliens bénéficient d'une vraie paix, d'une vraie sécurité, et d'une économie prospère. Il est vrai que les Sud-Africains  n'avaient, eux, pour les défendre, ni l'arme nucléaire ni surtout, surtout, le soutien de plus en plus inconditionnel des Etats-Unis.

 3 -L'un des numéros favoris, et d'ailleurs des plus attendrissants de Marine Le Pen, c'est lorsqu'elle évoque une enfance malheureuse dans une famille mise à l'index. Je veux bien croire, pour ma part, que cela ne devait être ni gai, ni simple. Elle fréquentait une école où les autres élèves pouvaient traiter son père de tous les noms. Et elle demande aujourd'hui: « Comment a-t-on pu le diaboliser à ce point ? » Alors, Marine Le Pen, je vous réponds ceci : votre père n'a pas été diabolisé, il a voulu incarner le diable avec un sens retentissant de la provocation. Il a exploité, grâce à une pente naturelle héritée des générations précédentes, les sentiments racistes qu'il prêtait au peuple français. Il a mis en question la surreprésentation des juifs dans la presse, le parti qu'ils tireraient du souvenir de la Shoah, le rôle qu'ils joueraient contre la patrie de Jeanne d'Arc. Marine Le Pen, dans votre habile intervention, vous avez réclamé que l'on tînt compte du contexte dans lequel certains propos ont été prononcés par son père. Fort bien ! C'est précisément ce contexte qui rendait criminelle, en tout cas diabolique, la façon dont il en usait avec la sensibilité de tous les Français profondément marqués par l'entreprise nazie d'extermination. Non, je vous le dis sans esprit polémique et même avec regret, votre père n'a pas été diabolisé par erreur, il avait endossé lui-même l'habit de Satan.

J.D.

Membre Juif.org





Dernière mise à jour, il y a 50 minutes