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Blog : Carnets d'actualité

Les enjeux d'une victoire

 

Le Point de Vue de Jean Daniel

 

L'intervention franco-britannique en Libye a failli faire renaître contre l'Occident un tiers-mondisme islamo-gauchiste sous l'impulsion de l'Iran, de la Syrie et du Yémen et sous le parrainage indirect de la Chine et de la Russie. C'est ce que redoutaient Barak Obama et Angela Merkel. Le risque a été écarté mais  les difficultés des révolutions  arabes n'ont pas éliminé une telle éventualité....

 

En tout cas je veux réaffirmer ici que rien n'est  à mes yeux  plus important que cette opération dans laquelle se sont conjuguées l'héroïsme des  forces rebelles et l'habileté stratégique de celles de l'OTAN. C'est une réussite rassérénante car plusieurs paris redoutables ont été gagnés. D'abord, celui d'éviter un « enlisement » déjà décrit par plusieurs généraux français et américains. Ensuite, celui de voir «  la rue arabe » manifester contre une intervention franco-britannique qui aurait pu rappeler la déplorable expédition de Suez aux côtés d'Israël en 1956.

Le dernier pari, enfin, était d'éviter qu'un échec relatif ou une solution de compromis avec le dictateur libyen ne puissent ajouter aux difficultés rencontrées par les Tunisiens et les Égyptiens dans leur révolution et ne freinent cette fièvre justicière qui fait tomber les tyrans un à un. Rien dans ces trois réussites n'est négligeable. Nicolas Sarkozy n'y est pas étranger et il faut donner acte à Martine Aubry du civisme dont elle a témoigné en le saluant. Faut-il, dans le même élan, rendre justice à BHL ? Pour ma part, je ne lui ai jamais reproché qu'une seule chose, c'est l'imprudente publicité qu'il a donné à son rôle dans ce juste combat, au risque de le compromettre. Quel plaisir sans mélange j'aurais eu à découvrir, mais après la réussite seulement, la part éminente qu'il y avait prise !

Il se trouve que j'ai vécu en Tunisie la soirée où tout s'est précipité chez les voisins libyens. Rien de ce qui se passe dans l'un de ces deux pays n'est indifférent à l'autre. Ils ont failli s'unir du temps de Bourguiba (1973-74). La victoire des Libyens est une fête commune. Les Tunisiens ne sont pas peu fiers de s'entendre dire qu'ils ont anticipé et peut-être provoqué l'événement. Ils rappellent, de plus, qu'ils n'ont pas eu besoin, eux, d'une armée étrangère pour chasser le despote. C'est le chef de leurs propres forces armées, le général Rachid Ammar qui, en refusant de tirer sur son peuple, a été le héros de la victoire. Tout comme en Egypte d'ailleurs. En Libye, au contraire, c'est un tyran à la fois clownesque et caligulesque qui a commencé par menacer d'exterminer les rebelles de Benghazi. Nous n'oublierons pas que, sans l'aviation occidentale, ce massacre aurait eu lieu. Enfin, bien sûr, les Tunisiens préfèrent envoyer leurs ouvriers travailler chez le voisin riche plutôt que d'être contraints d'accueillir des dizaines de milliers d'exilés sans ressources.

         Où sont pour le moment les différences entre Tunis et Tripoli ? La première qui a sauté aux yeux de mes amis les plus attentifs, c'est qu'en Tunisie les femmes s'affichent, tandis qu'en Libye elles se cachent. Rien ne se fait sans elles dans le premier pays et rien ne se fait avec elles dans le second. L'idéal démocratique est sans doute affirmé dans les résolutions initiales des deux révolutions, mais de manière restrictive pour les femmes en Libye.

 La seconde différence, c'est que si les islamistes (Frères musulmans ou Salafistes) sont fortement présents dans les deux pays, ils ne suscitent pas à Tripoli la réprobation qu'une bonne partie des Tunisiens leur réservent. La situation, en tout cas, est bien plus dangereuse en Libye qu'en Tunisie ou en Egypte. Chacun, en effet, y possède des armes et certains sont bien décidés à s'en servir pour régler des conflits ethniques, régionaux ou tribaux. Il faut cependant corriger cette affirmation en raison du constat fait par les délégations étrangères de la détermination et de la compétence des responsables du Conseil National de Transition(CNT).

Revenons maintenant aux débats qui ont précédé l'intervention française. La question a été de savoir si elle a été désintéressée ou si, sous le prétexte de sauver les insurgés de Benghazi, on n'a pas voulu séduire de futurs électeurs et servir des intérêts plus égoïstes, notamment pétroliers. Intervenir où que ce soit, n'est-ce pas faire preuve de cette arrogance occidentale qui a toujours cherché à imposer la démocratie par la guerre dans les pays colonisés ou, récemment, en Afghanistan et en Irak ? Les Algériens le pensent et ils ne sont  pas les seuls.

 Je n'ai jamais estimé pour ma part que les arguments des défenseurs de ces thèses fussent indifférents. Partisan du « devoir d'assistance », j'ai toujours refusé le prétendu « droit d'ingérence ». Violer la souveraineté d'un pays, même s'il se conduit mal, c'est faire courir un risque énorme à la communauté internationale. À quoi il faut s'empresser de répondre que les Libyens ont bel et bien demandé assistance à des puissances étrangères. Et ils n'ont obtenu hélas de certains pays arabes qu'une  assistance frileuse et distante. D'autre part, on ne soulignera jamais assez que, pour  faire renaître d'un passé lointain la démocratie  dans les pays arabes, il y a une génération nouvelle qui, sans renier l'islam, revendique une conception occidentale de la liberté. Dans ce cas, on peut dire que c'est au nom de valeurs occidentales que ces musulmans accueillent l'aide de l'Occident.

Pour le moment l'habituel slogan mobilisateur contre  l'impérialisme américain « ou l'entité sioniste(Israël) n'a pas rencontré d'audience populaire. Lundi dernier, les extrémistes Egyptiens qui attendaient un million de contestataires contre  « les crimes d'Israël» n'ont pu réunir ou rassembler qu'un millier de manifestants. Ce qui ne signifie nullement que le conflit avec Israël ne complique pas les rapports entre l'armée égyptienne et ses grands protecteurs américains.

 Il reste que chaque pays arabe, et notamment chaque pays maghrébin, à son histoire propre, ses traditions, ses singularités et que ce serait une terrible erreur de considérer que l'opération libyenne pourrait servir de référence, de précédent, d'exemple, et qu'il serait possible de gagner dans n'importe quel autre pays les paris que la chance nous a empêché de perdre en Libye.

J.D.

 

Membre Juif.org





Dernière mise à jour, il y a 19 minutes