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Blog : Carnets d'actualitéLa pitié et la compassion 1. Un ami me réveille pour me demander mon point de vue sur les grèves et, puisqu'il croit au pouvoir des médias, ce que je compte faire. Il se sent coupable (qui ne l'est ?) en entendant le récit du parcours du combattant de tous ceux qui, pour parvenir à leur lieu de travail, sont contraints de prendre successivement un bus, un train, le métro puis un autre bus. Il prévoit qu'après avoir approuvé l'autorité de l'Etat, la majeure partie de l'opinion va de plus en plus mêler son mécontentement à celui des grévistes. Je lui donne raison. Il faut absolument que les grèves s'arrêtent. Il faut se battre sur les deux fronts pour que la France évite une telle épreuve de force. Il y a un moment où l'on passe de la pitié à la compassion. La pitié, c'est l'attendrissement passif devant une situation sans issue dont seule la fatalité est responsable. La compassion est une façon d'accompagner les victimes pour les sortir d'une souffrance qui n'a rien d'une malédiction. 2. Il n'est pas de jour qui ne nous apprenne la nouvelle d'une catastrophe, d'une guerre, d'une injustice. Les moyens nouveaux de la communication tendent à les banaliser et à servir la cause ancienne de la fatalité. La banalisation a pour effet non seulement de mettre tous les événements sur un même plan mais aussi d'en occulter certains. Dans le dernier numéro du « Monde des Religions », Régis Debray interpelle ceux qui « font la sourde oreille aux SOS lancés par la communauté chrétienne d'Orient ». Or, dit-il, « ces chrétiens sont à l'islam ce que l'islam fut à la chrétienté : des catalyseurs de modernité et des ouvreurs de fenêtres. (?) Et l'antichristianisme musulman a beaucoup de points communs avec l'antisémitisme chrétien d'avant-guerre. (?) Les chrétiens sont déchirés, eux aussi, entre un désir d'authenticité et un besoin d'assimilation. (?) Un Arabe chrétien assimilé court les mêmes dangers qu'un juif assimilé. » Régis Debray en arrive à prévoir l'exode final des rares chrétiens qui vivent encore en terre arabe, ce qui ajoutera à l'unité religieuse et communautariste de l'islam. Il y a longtemps que cette régression était prévue. Il se trouve qu'elle se réalise au moment où les musulmans sont de plus en plus nombreux à s'établir dans l'Occident chrétien. 3. Parmi les événements qui échappent à la banalisation et à l'occultation, mon ami Bob Silvers me signale un article, paru dans sa célèbre revue, la « New York Review of Books ». Article politiquement important au moment où Bernard Kouchner a le mérite de s'immerger dans l'insoluble conflit israélo-palestinien et où il a eu l'audace indispensable de dénoncer la multiplication des colonies implantées en territoire palestinien. L'auteur est Avishai Margalit, un philosophe israélien qui a été plusieurs fois décoré par l'actuel Premier ministre Ehud Olmert pour ses travaux. Margalit consacre son article à un livre que nos lecteurs connaissent bien, « Ta'ayush » de David Schulman, ignoré en Europe mais qui a un retentissement particulier à New York. Il s'agit d'Israël, de ses frontières, du mur, et aussi, mais accessoirement, d'une équipe de juifs et de Palestiniens israéliens qui ont décidé de rebâtir tous les jours ce que l'armée israélienne aura détruit. Sisyphe, dans son mythe, ne veut pas être heureux, il refuse de rester immobile. Ce qui est important, c'est que David Schulman démonte pour la première fois le mécanisme par lequel les Israéliens ont décidé de protéger leurs colonies et qui conduit pratiquement à affamer et paralyser toute la population palestinienne. Devant cette situation, Avishai Margalit, citant David Schulman, déclare que l'on ne peut plus rester à sa table de travail ou sur sa chaise. 4. Ce qui arrive à notre époque ? Et si c'était tout simplement le retour du jugement moral ? Aucune des barbaries recensées dans l'histoire même de la Bible n'a disparu ou n'a diminué. Mais les sentiments avec lesquels on les considère ne sont plus les mêmes. On a commencé par dire que les vainqueurs étaient ceux qui avaient Dieu à leur côté. Et dans le « Vae Victis ! » (« Malheur aux vaincus ! ») il n'y avait pas seulement du sadisme mais l'expression de la justice immanente. Les vaincus méritaient de quelque manière leur malheur. C'est d'ailleurs cette ambiguïté qui a suscité un si grand nombre d'exégèses passionnées à propose de l'expression « Dieu des armées » attribuée à Jéhovah. Après le Dieu des armées, on ne pouvait plus s'étonner qu'il y eût un prophète guerrier. Après Moïse, il y eut Mahomet. Il est vrai que cela ne devait empêcher ni Montaigne ni Las Cases de dénoncer avec force les conquêtes coloniales entreprises au nom de l'évangélisation. Il reste qu'au cours de l'histoire, c'est la barbarie qui a dominé dans le règlement des affaires humaines. Après la grande guerre de 1914-1918, il y a eu la Charte de la Société des Nations ; après les règnes sanglants d'Hitler et de Staline, il y a eu la Charte des Nations Unies ; après l'admission dans les statuts de la plupart des nations d'un devoir d'assistance et même, dans certains cas, d'un devoir d'ingérence, c'est toute une morale qui est née pour que les hommes puissent vivre entre eux. Ils n'en ont pas changé pour autant de comportement. Mais ils savent où est le mal qu'ils font et où est le bien dont ils s'éloignent. Le plus extraordinaire, c'est que cette révolution aura eu lieu dans le siècle le plus barbare depuis que l'homme existe sur la terre, le XXe siècle. 5. Dans le débat sur la compassion, les procureurs, souvent nietzschéens, de la morale judéo-chrétienne redoutaient que l'intérêt pour autrui manifesté dans la sensiblerie et la faiblesse ne conduise à la complaisance et à la repentance. Je refuse les termes de cette fausse contradiction. Il suffit pour cela d'avancer un seul mot, celui de solidarité. Je dois dire que je suis de ce point de vue assez proche de la conception chrétienne. Il faut être fort pour aider autrui. Il faut puiser en soi la force pour pouvoir l'exercer au dehors. La compassion n'est pas la pitié passive, désarmée, défaitiste et finalement nihiliste. La pitié, qui est l'un des plus beaux mots du langage, évoque un renoncement à tout, sauf à la protection et à la tendresse. La compassion ajoute à la pitié une solidarité de combat. | Membre Juif.org
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