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Blog : Carnets d'actualité

Le soleil pâle d'Annapolis

1. Sur les chances d'aboutir à un quelconque accord de paix entre Palestiniens et Israéliens sous le prétexte que c'est le président George Bush lui-même qui les y invite, le scepticisme doit évidemment s'imposer. Le grand intérêt de cette conférence qui, sous l'égide des Etats-Unis, s'est ouverte à Annapolis le 27 novembre, ce serait, nous dit-on, qu'un pacte a été conclu entre Israéliens et Palestiniens pour l'ouverture de négociations devant conduire à la paix en 2008. En fait, chacun comprend qu'il s'agit de montrer que, soixante ans après le vote de l'ONU sur le partage de la Palestine - mais aussi, tout de même, six mois avant les élections primaires aux Etats-Unis ! - le président George Bush aura voulu radieusement annoncer l'espérance de la paix avant la fin de son dernier mandat.
Or, au bout de ces sept dernières années, quel est le fait le moins contestable ? C'est que George Bush aura été l'artisan du discrédit de son pays, de ses alliés et de l'Occident tout entier. Rarement, en aussi peu de temps, un homme d'Etat responsable de la plus puissante nation du monde aura laissé derrière lui autant de désastres. Pour ce qui nous occupe ici, il faut constater que le rapprochement (en fait, l'imbrication) des politiques étrangères américaine et israélienne n'avait jamais été poussé jusqu'au degré où il se trouve aujourd'hui (certes, il y a presque autant de juifs aux Etats-Unis qu'il y en a en Israël mais ils sont extrêmement partagés). Ce rapprochement avait eu lieu, parfois pour le meilleur avec James Carter et souvent avec Bill Clinton. Il s'est réalisée jusqu'ici avec Bush dans le sens du pire.

2. Par quel miracle les choses pourraient-elles changer ? Il est évident pour tous que la seule question sérieuse, pendant la conférence d'Annapolis, sera de mesurer la capacité des Etats-Unis à faire pression sur Israël pour qu'il fasse les gestes annoncés par Condoleeza Rice. On pourra en juger dès la lecture du communiqué final de la conférence d'Annapolis. Le gel des colonies de peuplement sera-t-il appliqué ? Un nombre significatif de prisonniers seront-ils enfin libérés ? Des moyens immédiats seront-ils donnés au président palestinien pour nourrir, vêtir et loger une partie des victimes du conflit en même temps que des armes pour combattre le terrorisme du Hamas ? Chacun sait que rien ne sera possible avant quelques initiatives spectaculaires.
Cela signifierait que George Bush, auquel on prêtait la tentation de finir son mandat en incendiant l'univers par le bombardement de l'Iran, serait aussi habité par le rêve d'une sortie pacifique, notamment au Proche Orient. Ce serait la possibilité pour lui de ne pas laisser derrière lui non seulement le souvenir des bourbiers afghan et irakien mais aussi de l'encouragement criminel qu'il avait donné aux Israéliens d'envahir le Liban. Avec Israël, les Etats-Unis ont une longue et singulière histoire.
Les soixante années d'existence du petit Etat juif sont jalonnées de bruit et de fureur, de ruines et de deuils, de hauts faits d'armes et de bellicisme déshonorant. Après avoir conquis la légalité internationale, construit en pleine guerre une vraie démocratie et donné une valeur épique à la vie quotidienne de chaque citoyen, l'Etat d'Israël n'a pas sur conquérir la seule chose qui lui aurait assuré une véritable légitimité internationale, à savoir la reconnaissance de ses voisins. Bien plus, né pour en finir avec l'antisémitisme occidental, l'Etat d'Israël aura contribué à le faire prospérer dans le reste du monde.

3. Donc cette conférence d'Annapolis a lieu a lieu à une date symbolique, soixante ans exactement après qu'un vote de l'ONU décidant du partage de la Palestine ait permis la naissance de l'Etat d'Israël, dans des conditions qui devaient bouleverser, au-delà du seul Proche Orient, une grande partie du monde. Tout, dans cet événement, était surprenant, déconcertant, imprévu. Cela vaut la peine de se transporter en 1947, l'année où émerge d'abord un refuge, ensuite un foyer, enfin un Etat qui s'était absenté pendant 2000 ans.
Avant novembre 1947, qu'on le veuille ou non, sous le mandat britannique, il n'y avait qu'un seul peuple, lequel était palestinien. La domination était coloniale et elle était de temps à autre convoitée par les Etats arabes riverains qui se souciaient peu des populations palestiniennes. La présence juive ne se manifestait que dans de petites communautés animées les unes par une fidélité religieuse à la terre des prophètes, les autres par un désir de vivre selon les rites bibliques et les commandements mosaïques. On sait cependant aujourd'hui, grâce à de jeunes historiens israéliens, que David Ben Gourion et les siens étaient déjà très actifs et préparaient des actions contre la Grande-Bretagne, avec l'idée de créer ensuite une armée juive pour tenir tête aux alliés arabes des Palestiniens.
Nous sommes projetés ainsi dans les débats sur le droit d'Israël à fonder un Etat là où rien n'était censé lui appartenir. Les sionistes et les juifs s'étaient déjà eux-mêmes divisés sur cette question : celle de la nature coloniale de l'entreprise israélienne.

4. Un homme avait compris dès le début du XXe siècle que seule une reconnaissance internationale pourrait effacer l'argument du péché colonialiste. Cet homme, Arthur James Balfour, Premier ministre britannique conservateur, avait eu l'idée de publier, en novembre 1917, une lettre d'intention devenue célèbre sous le nom de « déclaration Balfour » qui indiquait que le Royaume-Uni favoriserait la création en Palestine un « foyer national » pour le peuple juif.
L'objectif était de rallier le soutien de la communauté juive américaine à l'entrée en guerre des Etats-Unis aux côtés des alliés pendant la première Guerre mondiale. Mais on a rappelé aussi que Lord Balfour avait de la sympathie pour un courant idéologique que l'on nommait ? déjà ! - « sionisme chrétien ». Mais qu'avait donc dans l'esprit Arthur James Balfour lorsqu'il a rédigé sa déclaration ? Les juifs pourraient disposer en Palestine d'un « foyer national » ? Expression terriblement ambiguë et lourdement suspecte. « Foyer » peut très bien traduire la notion de refuge mais le terme de « national » suggère la légitimité d'une vocation étatique.
A l'époque, pourtant, la Grande-Bretagne se trouvait aussi embarrassée et paralysée qu'elle allait l'être en Inde plus tard lorsqu'il s'agirait d'abandonner son empire. La France connaissait le même embarras et peut-être se fût-elle alignée sur la position des Britanniques (l'abstention) si les adjurations pathétiques d'un Léon Blum ne l'avaient emporté sur le réalisme sentencieux et hautain d'un Georges Bidault. La Chine paraissait vouloir voter comme les Occidentaux, c'est-à-dire comme les Etats-Unis. Mais voilà, à la Maison-Blanche et au « State department », il se passait bien des intrigues.
Du temps de Franklin D. Roosevelt, il n'était pas question de favoriser la naissance d'un Etat juif. Les liens avec les Etats arabes étaient trop prometteurs et les rivalités économiques avec l'empire britannique trop vicieuses. Le général qui devait donner son nom au plan d'aide qui allait sauver l'Europe et contribuer à son redressement, ce général à qui l'on devait donner le surnom « d'organisateur de la victoire » en se référant au Carnot de la Révolution de 89, le général Marshall, était totalement hostile à l'idée de laisser se créer un Etat juif parmi les nations arabes. Au point de menacer de démissionner de son poste le jour où l'ONU a fini par voter le fameux plan de partage.

5. Si Roosevelt n'était pas mort en 1945, il n'y aurait pas eu de vote à l'ONU sur le partage en novembre 1947. Mais même après cette date son successeur, Harry Truman, avait prévenu avec vigueur ses amis juifs que les Etats-Unis demeureraient hostiles à une proclamation par Israël de son indépendance, proclamation qui ne ferait que déclencher une guerre avec les Arabes. C'est Moshé Sharett qui, après une conversation dramatique avec George Marshall, rapporte ces propos à Ben Gourion en lui disant que, pour sa part, il ne les désapprouve pas. Ben Gourion répond qu'il a tout entendu sauf les trois derniers mots. Il pense que c'est le moment ou jamais et proclame l'indépendance de l'Etat d'Israël, dès l'expiration du mandat britannique, en mai 1948.
Aussitôt après, comme Marshall l'avait prévu, c'est la guerre mais un an plus tard, contrairement aux prévisions du même Marshall, c'est la victoire. On connaît la suite : Truman finit par reconnaître l'Etat d'Israël de facto - et non pas de jure comme allait aussitôt le faire habilement l'URSS - mais il prévient qu'il ne donnera ni argent ni armes. Ben Gourion obtiendra les unes et les autres grâce aux Tchécoslovaques à qui Staline donnera sa bénédiction.
Que peut-il se passer dans la tête d'un homme au moment où il prend la décision la plus audacieuse de sa vie, dont rien n'assure qu'elle ne conduira pas un grand projet à l'échec ? Comment celui qui venait de s'improviser chef de guerre peut-il décider de s'opposer aux Etats-Unis ? Tout le monde le prévient que c'est une folie. Le plan de partage a été voté, et c'est énorme. Pourquoi ne pas alors attendre avant de proclamer l'indépendance puisque ses principaux alliés le lui demandent et que ses intimes le lui conseillent ?
C'est l'une de ces ruses trop fameuses de l'histoire que de constater que le petit Etat devenu aujourd'hui le plus proche des Etats-Unis est né contre leur volonté. Un homme de l'envergure de David Ben Gourion eût-il été contraint de devenir un allié aussi inconditionnel des Etats-Unis que l'ont été ses successeurs ? On ne pourra jamais répondre à cette question.
Membre Juif.org





Dernière mise à jour, il y a 50 minutes