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Blog : Michelle GoldsteinImre Kertesz par Christian MakarianImre Kertesz par Christian Makarian Prix Nobel de littérature 2002, Imre Kertesz est un survivant d'exception. Il a connu la Budapest d'avant guerre, Buchenwald, Auschwitz, le Rideau de fer, les chars soviétiques en 1956, le dégel... Auteur d'un des plus beaux livres écrits sur la Shoah, Etre sans destin (Actes Sud), il publie en janvier 2008 Dossier K. (Actes Sud), une confession en forme de dialogue avec un ami. On y retrouve toute la mémoire de ce juif hongrois, une douleur profonde, mais aussi une prodigieuse prise de distance. Rencontre avec un pessimiste qui a su recouvrer la force de vivre. Une leçon. Vous écrivez que l'Holocauste a fait de vous un juif. Ne l'étiez-vous pas auparavant' Je n'ai pas reçu d'éducation juive et je n'étais pas religieux. J'ai vécu dans une ambiance où la pratique n'avait guère de place et, comme tout le monde, j'ai grandi dans un environnement plutôt chrétien. L'école où j'allais en tant qu'enfant juif m'a enseigné des principes chrétiens, qu'il s'agisse de morale ou d'éthique. J'avais conscience d'être juif, mais, dans la Hongrie de l'époque, on ne pouvait pas toujours affirmer ses origines juives, d'autant plus que la loi du numerus clausus, appliquée dans le système scolaire en vertu des lois antijuives adoptées à partir de 1938, stipulait qu'il ne devait pas y avoir plus de 6 juifs sur 100 élèves qui accèdent aux études supérieures. Globalement, la question de ma judéité m'était étrangère. Vous avez néanmoins fait votre bar-mitsva... A l'école, une fois par semaine, nous avions un cours de religion avec un rabbin, pour les catholiques comme pour les juifs. C'est à lui que la tâche est revenue. En échange, il a demandé à mon père de lui faire cadeau d'une oie. Il n'y en avait pas, sauf au marché noir. On en a finalement trouvé une, ce qui était plutôt coûteux, en ce temps-là. Qu'évoque pour vous la Hongrie d'avant guerre' Même sous la monarchie austro-hongroise, le fait d'être juif était une question délicate. Gustav Mahler, par exemple, qui venait d'être nommé directeur de l'Opéra de Vienne, avait dû se convertir, puisqu'un juif ne pouvait pas occuper ce poste. Mais, alors, c'était une question non pas de race, mais de religion. La différence est énorme, dans la mesure où, d'un côté, il s'agit d'un problème spirituel, d'une affaire de foi, tandis que, sous l'angle racial, celui qui naît juif n'a aucun moyen d'échapper à l'anéantissement. Si j'ose dire, cela fait une différence de «qualité». Vous employez le terme «Holocauste», quoiqu'il suscite chez vous bien des réserves. Pourquoi l'avoir adopté? J'utilise ce mot comme tout le monde le fait. A ma connaissance, «holocauste» est un adjectif - qui signifie «brûlé» en grec - plutôt qu'un substantif mais je l'utilise pour simplifier mon propos. On emploie ainsi par conformisme un terme qui permet d'oublier l' «anéantissement des juifs d'Europe», ce qui serait pourtant la meilleure expression. Que pensez-vous du mot «Shoah», que nous utilisons davantage en France' Je ne connais pas l'étymologie du mot, mais c'est le titre du grand film de Claude Lanzmann. C'est le meilleur film, le plus remarquable, qu'il y ait eu sur le sujet. Mais Holocauste est aussi un film... Oui, de Steven Spielberg. Mais ce n'est pas une évocation de l'Holocauste que j'apprécie. Comment expliquez-vous que, pendant deux décennies, on n'ait pas trouvé de mot spécifique pour désigner l'enfer des camp' Il existait la Lager Literatur (la «littérature concentrationnaire»). Les bourreaux, eux, parlaient de Nacht und Nebel Programm (programme Nuit et brouillard). Vous écrivez que l'ordre du monde n'a pas changé, même après Auschwitz. Vraiment' Oui, je le crois. La vie quotidienne de millions de gens n'a pas été changée par le «fait Auschwitz». Ils vivent comme dans les années 1930. Parce que la nature humaine est ce qu'elle est et que l'existence de la majorité des Européens n'a pas été blessée, seules les familles des victimes ayant été concernées. Il y a toujours de l'indifférence envers l'altérité, il y a du conformisme partout, et, de mon point de vue, rien de fondamental n'a été modifié. Pendant un temps, on a parlé d'Auschwitz, puis les habitudes ont repris. Est-ce que vous imaginez un instant que tout puisse s'arrêter pour que le monde entier se mette à réfléchir à Auschwitz' Dans l'histoire européenne, c'est un événement majeur; pourtant, cela occupe peu de place. Mais je comprends pourquoi. Si l'on mesurait vraiment le poids que cela représente, on ne pourrait plus continuer à vivre. Vous dites que l'époque des grands moralistes est révolue. Quel pessimisme! Que signifie «pessimisme»? Je connais une blague. Quelle est la différence entre un optimiste et un pessimiste' Le pessimiste est mieux informé. Il y a pourtant eu de nouveaux espoirs après la guerre. L'ONU, la construction européenne, les droits de l'homme... Certes, on ne peut pas dire que cela ait été insignifiant. Cela existe, et il est très important d'y réfléchir. Mais c'est la vision d'un optimiste que de penser que la culture de paix est une conséquence d'Auschwitz. Il y a aussi eu la naissance d'Israël. Quel est votre sentiment, par rapport à cet idéal' C'est difficile à dire en quelques mots. J'ai écrit sur ce sujet. Je ne suis pas sioniste. Je suis un juif qui ne connaît pas la culture juive, qui ne parle pas hébreu et qui vit en Europe. Je suis solidaire avec les juifs, avec Israël; je sais que mon destin est lié à eux. Mais je suis un Européen. Je crois que beaucoup de juifs, en Europe, sont non pas sionistes, mais avant tout européens. Ils vivent leur propre histoire dans une langue européenne. Je pense qu'ils disparaîtront lentement, en se mélangeant, en s'assimilant au pays où ils vivent. Ils s'effaceront en tant que diaspora. En réalité, la Diaspora n'existe plus depuis que Jérusalem est devenue la capitale d'Israël. Autrefois, on disait: «L'an prochain à Jérusalem!» Maintenant, les juifs sont établis à Jérusalem. Chacun peut s'y rendre en quatre heures d'avion. Cela modifie profondément la nature de la Diaspora que l'on a connue. Quand on n'est pas un ressortissant de l'Etat d'Israël, il est difficile de se voir désormais un avenir dans la Diaspora. Dans Dossier K., vous évoquez le concept de Weltvertrauen, que l'on peut traduire par «confiance accordée au monde» et vous rappelez combien il est difficile de vivre sans cette confiance. Le concept de Weltvertrauen, créé par Jean Améry, m'a beaucoup aidé, notamment pour survivre aux camps. En écrivant des livres, j'ai pu verbaliser mon Weltvertrauen et mettre des mots sur les choses qui m'oppressent et paraissent insolubles. L'écriture procure un espoir profond, mais je ne sais pas en quoi j'espère. N'est-ce pas en soi la définition de la vie' Vous avez raison. Votre oeuvre laisse parfois l'impression que vous doutez sans cesse. C'est faux, n'est-ce pas' Je suis croyant, mais je n'ai pas la conviction que Dieu soit un vieux monsieur qui veille sur moi. Je ne pense pas qu'il y ait une résurrection pour moi, mais je me bats quand même pour la résurrection. Mon sentiment religieux me pousse à dire «merci pour la vie». Mais je ne sais pas à qui il faut s'adresser. Même si personne ne l'entend, il faut dire merci! La question n'est pas de savoir si Dieu existe ou non. Il faut vivre comme s'Il existait. Tous les articles sur Imre Kertész Bibliographie14/10/2002 Biographie Imre Kertész, sous le signe du destin14/10/2002 Critique 21/11/2002 Critique Etre sans destin, le livre du film02/03/2006 Dossier K.Imre Kertészéd. ACTES SUD | Membre Juif.org
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