Blog : Michelle Goldstein

1940-1945 : gendarmes aux rapports Télécharger la page function change_photo(numero) { chaine=""; if (numero==0) { chaine = "Photo DR CERCIL Les gendarmes surveillaient le camp de Pithiviers où étaient les Juifs avant d’être déportés. Des rapports évoquent le manque d’effectifs."; } ModifierObj("cadphoto",chaine); } Photo DR CERCIL Les gendarmes surveillaient le camp de Pithiviers où étaient les Juifs avant d'être déportés. Des rapports évoquent le manque d'effectifs. change_photo(0); Lire aussi ? Trente kilomètres d'archives au Blanc (Indre) ? Chronique d'une France occupée ? regroupe des centaines de rapports de la gendarmerie établis entre 1940 et 1945.


Après soixante ans de délai légal, ces rapports deviennent enfin publics et révèlent la vie des Français sous l'occupation. En voici quelques exemples'
Angers, 7 octobre 1942? « Les Juifs étrangers seront arrêtés à leur logement. Ils ne pourront prendre avec eux que les objets indispensables : deux couvertures, les objets de toilettes »? C'est un extrait d'un rapport de gendarmerie en vue d'une vague d'arrestation deux jours plus tard « à la suite d'instructions données par le Führer et le maréchal Goering ». « L'opération doit être menée sans pitié », précise le commandant de la gendarmerie de Maine-et-Loire.
Un rapport parmi des milliers qui ont été écrits par les gendarmes sous l'Occupation. Deux journalistes de L'Express en ont collecté des centaines (le délai légal de soixante ans est aujourd'hui écoulé) pour un ouvrage, « Chronique d'une France occupée » (1) qui donne une idée précise de la vie quotidienne à cette époque plus que douloureuse.
Si ce rapport-là est particulièrement tragique, d'autres, très révélateurs de la pénurie de tout, font état de soucis bien plus terre à terre. Ainsi le marché noir prend-il une certaine dimension. Un gradé d'Indre-et-Loire s'en émeut le 21 avril 1941 alors qu'il évoque « le manque d'essence, de chevaux, d'outillage agricole, d'engrais (qui) entrave l'action des agriculteurs. Malgré cela, des fortunes de plusieurs millions ont été acquises? par certains mercantis sans scrupule, en exploitant la misère de la classe laborieuse ou par leur commerce avec les Allemands. Il conviendrait de leur faire rendre gorge »?

Pénurie et prostitution

Dans la Vienne, les gendarmes découvrent à Rouillé en 1941 que « l'employé des chemins de fer faisait le commerçant » et expédiait des ?ufs à Paris. A Couhé, un autre transportait « 28 lapins et dix douzaines d'?ufs destinés à des restaurateurs de Paris »? Quant à la prostitution, « elle ne se produit pas au grand jour. Elle est due parfois à la misère. Elle existe dans tous les milieux de la société »? alors que le département accueille presque 6.000 réfugiés de l'est et 5.000 étrangers, Polonais, Belges, Espagnols'
Les gendarmes sont sans le savoir alors de précieux témoins. Certains exécuteront les ordres avec zèle, d'autres en traînant les pieds voire en ayant une double activité, dans le mieux comme dans le pire, tous étant finalement à l'image du reste de la population avec ses salauds, ses héros et son immense majorité silencieuse qui pensait avant tout à manger chaque jour.
Région par région, département par département, beaucoup de lecteurs se retrouveront dans cette chronique, quelles que soient leurs générations, au travers des chapitres qui couvrent les rafles des Juifs, la vie quotidienne, la résistance et le STO.

(1) Jean-Marie Pontaut et Éric Pelletier, chez Michel Lafon. 730 pages. 24,90 ?.

Laurent BERTAGNOLIO