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Blog : Michelle Goldstein

Québec, repère nazi...

Québec, repère nazi... - © Michelle Goldstein
Québec, repère nazi...

Stéphane Baillargeon
Édition du samedi 09 et du dimanche 10 février 2008

Mots clés : nazisme, Dr Aribert Heim, Justice, Québec (province)

Photo: Agence France-Presse

Un colonel de l'armée de l'air israélienne jure avoir retrouvé la trace du monstrueux docteur SS Aribert Heim au début des années 80, puis l'avoir enlevé. La chasse au nazi serait passée par Montréal, Sainte-Anne-de-la-Pérade, Québec, l'île d'Orléans, Saint-Joachim-de-Montmorency et le Lac-Saint-Jean... Mein Gott!

showBigBox(); On error resume next useFlash = NOT IsNull(CreateObject("ShockwaveFlash.ShockwaveFlash")) isIe = true Le Dr Aribert Heim figure toujours en deuxième place sur la liste des criminels de guerre les plus recherchés par le Centre Simon Wiesenthal. Il arrive juste après un autre Autrichien, Alois Brunner, architecte de l'extermination des Juifs de son pays, de Grèce et de France. Aribert Heim, lui, recevait les malheureux déportés en tant que médecin SS aux camps de Sachsenhausen, Buchenwald et Mauthausen.

C'est là, en octobre et en novembre 1941, que le bourreau en sarrau a pratiqué d'épouvantables expériences «médicales»: il injectait divers produits (par exemple du phénol) directement dans le coeur de ses cobayes humains, puis, montre en main, vérifiait l'efficacité létale de la substance. Les prisonniers le surnommaient «Doktor Tod», c'est-à-dire «docteur Mort», tandis que son tristement célèbre collègue du camp Auschwitz-Birkenau, le Dr Josef Mengele, responsable des «sélections», était surnommé l'«ange de la mort». La science biomédicale a bien servi l'idéologie raciste: au sein du parti nazi, les médecins formaient le corps professionnel proportionnellement le plus représenté.

Arrêté par les Alliés en 1945, puis relâché en 1947, Aribert Heim ouvre un cabinet à Baden-Baden, en Allemagne. La paresseuse justice de l'ancien Reich commence à s'intéresser à son cas au début des années 60, dans la foulée de l'enlèvement et du procès d'Adolf Eichmann à Jérusalem. Averti de l'imminence de son arrestation, le Dr Heim prend la fuite en 1962. Le colosse de près de deux mètres aurait ensuite été vu en Espagne, en Uruguay, en Argentine ou au Brésil. Un compte bancaire à son nom, contenant un million d'euros, a été découvert il y a quelques années à Berlin. Selon la légende, le Dr Heim aurait volé des sommes colossales aux victimes du régime hitlérien. Depuis juillet 2007, l'Autriche offre 50 000 euros pour sa capture. Le land de Bade-Wurtemberg en promet 130 000 autres.

Seulement voilà: selon le colonel israélien Danny Baz, le Dr Tod est mort depuis longtemps, plus précisément depuis 1982. Un commando de chasseurs de nazis aurait alors retrouvé sa trace aux États-Unis avant de l'enlever au Québec et de le livrer à un «tribunal» de rescapés sur l'île de Santa Catalina, en Californie.

Cette histoire extraordinaire est racontée dans Ni oubli, ni pardon - Au coeur de la traque nazi (Grasset), une nouveauté dans les librairies québécoises. Danny Baz y retrace la mission centrale du commando La Chouette, formé de descendants de survivants de la Shoah. Lui-même fut recruté en secret à Brooklyn à l'été 1980 par le milliardaire israélo-américain Ted Arison (1924-1999), armateur de la Norwegian Cruise Line, financier occulte du groupe du talion, dont le mot d'ordre était: «Souviens-toi, ne pardonne pas, poursuis-les pas à pas.» La Chouette aurait exécuté une dizaine de criminels de guerre.

Cet exploit rappelle celui de la cellule du Mossad (les services secrets israéliens) chargée d'éliminer les responsables de l'attentat du groupe palestinien Septembre Noir au village olympique de 1972. La mission vengeresse se retrouve au centre du film Munich (2005) de Steven Spielberg. L'Obersturmbannführer Adolf Eichmann a été enlevé en Argentine par une autre équipe du Mossad en 1960.

Les justiciers veillent

Le démantèlement de la cellule Heim demeure le plus haut fait d'armes revendiqué par le porte-parole officieux de La Chouette. Des contacts au sein des services secrets américains et israéliens permettent au commando de retrouver la trace du «rat» (dixit Baz) au nord de New York, dans les chic montagnes des Catskills. Blessé lors d'un guet-apens, Aribert Heim s'enfuit et franchit la frontière canadienne.

Les vengeurs le suivent et s'installent à Montréal. Ils quadrillent Saint-Donat à la recherche «des maisons de maître appartenant aux familles d'anciens dignitaires SS proches de Heinrich Himmler». L'équipe espionne «de très bons amis d'Aribert Heim» à Sainte-Anne-de-la-Pérade, passe par Québec et loue un domaine à la pointe nord de l'île d'Orléans. L'objectif est de mieux cerner la nouvelle cache du rat blessé, la maison des immigrants autrichiens Elsa et Berti, à Saint-Joachim-de-Montmorency, de l'autre côté du fleuve, sur la rive nord.

Le livre donne l'impression que le Québec regorge alors de repaires d'anciens nazis et que des «appuis extérieurs» y aident sans cesse les criminels de guerre. Après plusieurs péripéties, dont l'incendie d'une grange à Saint-Joachim, La Chouette en retrouve deux de plus dans une maison de campagne près d'Alma: un ancien SS meurt en coulant avec sa motoneige au fond d'un lac, un autre est fait prisonnier.

Le Dr Heim, toujours en cavale, toujours protégé en haut lieu, se fait discrètement admettre dans un hôpital de Québec comme «membre de la mafia new-yorkaise». Ce qui reste de sa garde rapprochée trouve refuge dans une maison appartenant à un médecin, fils d'un autre émigrant nazi. Décidément...

Les pisteurs obstinés retrouvent le rat, l'épient, l'enlèvent et l'expédient vers sa mort californienne. La toute dernière page du récit raconte qu'«Elsa et Berti ne sont jamais revenus dans la petite ville de Saint-Joachim, au Canada». Leur maison «a été vendue par une agence immobilière locale», l'argent de la vente «versé sur un compte en banque en Autriche».

Une «pure fantaisie»

Danny Baz a décidé de rompre le silence «pour ses enfants». Il tenait aussi à rétablir les faits sur «la légende d'un Aribert Heim encore en vie et insaisissable, [...] alimentée par les puissants réseaux qui ont protégé sa fuite», comme il l'écrit. Le Dr Mort aurait près de 94 ans aujourd'hui.

Dès la parution de Ni oubli, ni pardon en Europe, le Centre Simon Wiesenthal a émis, de Jérusalem, un communiqué décrivant ce livre comme une «pure fantaisie». «Il existe de nombreuses preuves démontrant clairement que le Dr Heim était en vie bien après son exécution présumée par le commando La Chouette», dit ce court texte cinglant, qui réitère la promesse de verser 130 000 euros pour la capture du tortionnaire. Le Centre a lancé l'opération Dernière Chance en 2002 pour tenter de retrouver les tout derniers criminels de la Deuxième Guerre mondiale (tous sont au moins octogénaires). Le fondateur du Centre, Simon Wiesenthal, était un rescapé du camp autrichien de Mauthausen. Son successeur à la tête de l'organisme, Efraim Zuroff, répète depuis des semaines que «La Chouette est une pure invention».

À Baden-Baden, la première famille d'Aribert Heim jure qu'il est mort d'un cancer en Argentine en 1993. Le docteur a aussi eu une fille avec une maîtresse allemande en Amérique du Sud. Frau Heim vit au Chili, a 64 ans et a encore refusé de parler à deux reporters du Gardian de Londres, qui ont publié un long article sur le vilain sujet le 8 janvier dernier. L'enquête rappelle aussi qu'au moins 180 criminels nazis ont trouvé refuge en Argentine après la guerre, souvent aidés par une filière vaticane. Le Dr Mengele, protégé par cette alliance de la croix romaine et de la croix gammée, a été emporté par une crise cardiaque au Brésil en 1979.

«Ça se serait su»

À l'autre bout du continent, la nouvelle selon laquelle une chasse aux nazis aurait agité Saint-Joachim il y a un quart de siècle fait rire de bon coeur Alphonsine Dubeau. Elle habite cette petite ville paisible depuis sa naissance, il y a 70 ans. Elle a longtemps travaillé à la caisse populaire et connaît «tout le monde». Elle bosse maintenant comme secrétaire à l'église décrite, dans Ni oubli, ni pardon, comme «une des plus belles réalisations de l'art ancien du Québec».

Plusieurs dimanches d'affilée, Danny Baz y suit Elsa à la messe. Il finit par gagner sa confiance en se faisant passer pour un fils de nazi. «Il me semble que si on avait eu puis perdu des paroissiens d'origine autrichienne ou allemande, ça se serait su», commente la secrétaire quand on lui résume le livre.

Saint-Joachim compte un peu plus de 1000 habitants, ce qui n'aide pas à passer inaperçu lors du service dominical. Alphonsine Dubeau n'a jamais entendu parler d'une grange qui aurait brûlé en 1982, comme le raconte le livre, et encore moins d'un tunnel de plusieurs dizaines de mètres reliant celle-ci à une résidence.

Le doute étonné envahit tout autant Pierre Gaudin, directeur du centre d'initiation au patrimoine La Grande Ferme, à Saint-Joachim. «Un Anglais s'est installé dans le village il y a longtemps et on en parle encore, dit-il. Des Autrichiens ne seraient certainement pas passés inaperçus.»

L'ouvrage accumule les incongruités. Le commando utilise un hélicoptère pour filer les SS et passer de l'île au continent, sans jamais éveiller les soupçons. Le «fort accent québécois» n'est évoqué qu'à une seule reprise et ne semble pas compliquer le travail des membres de La Chouette, pour la plupart américains et israéliens.

Ni oubli, ni pardon décrit l'île d'Orléans comme un «ersatz de paradis sur terre» mais désigne mal beaucoup d'autres lieux. L'aéroport de Saint-Hubert devient Saint-Jubert, la province se transforme en district de Québec. Il est question de l'Université Lavalle et de l'Université Loual. La mémoire de l'auteur a fait défaut et l'éditeur a mal corrigé les épreuves.

Le récit, écrit très simplement, n'a aucune prétention littéraire. Dans le prologue, Danny Baz dit avoir déjà publié sous un pseudonyme un roman sur l'histoire de la traque de ce nazi célèbre, «mais sans révéler le nom de notre gibier ni mon rôle», précise-t-il. En entrevue au magazine Le Point en octobre dernier, le militaire maintenant âgé de 55 ans expliquait que, dans son nouveau récit, «il y a 40 % d'exactitudes, ce qui ne veut pas dire que le reste est faux», ce reste étant modifié «pour brouiller les pistes».

La toute dernière phrase du brûlot promet des révélations incendiaires sur une autre expédition de La Chouette. Cette fois-ci, le commando ira repêcher des trésors nazis «enfouis par les lacs suisses et autrichiens», des zones traditionnellement plus fertiles en SS en cavale que Saint-Joachim et Sainte-Anne-de-la-Pérade...
Membre Juif.org





Dernière mise à jour, il y a 32 minutes