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Blog : Carnets d'actualitéLe droit-fil Bienvenue, donc, à Denis Olivennes. Nos lecteurs savent en effet depuis la semaine dernière que c'est au profit de ce grand commis de 47 ans, normalien, agrégé et énarque, que Claude Perdriel, avec une courageuse sagesse, se dessaisit de ses fonctions de directeur de la publication. J'avais suggéré le nom de Denis Olivennes il y a plusieurs mois pour assurer cette relève. Restait à obtenir de lui qu'il abandonne le poste important qu'il occupait à la FNAC. Ce qui, entre autres raisons, me conduit à me réjouir de son arrivée, c'est tout d'abord la joie qu'il a de nous rejoindre. Il me dit qu'il se sent depuis longtemps de notre famille. Tout ce que je savais et que je vérifie aujourd'hui de cet homme me confirme qu'il est bien des nôtres. C'est donc avec un familier que nous tournons une grande page de notre histoire. C'est une longue, une très longue histoire, puisque Claude Perdriel et moi'même sommes probablement parmi les très rares, en France et ailleurs, à occuper encore des postes de direction dans une entreprise que nous avons fondée il y a quarante-quatre ans. Il fallait bien que cette longévité eût une fin. En fait, pour ce qui est des fonctions que j'assurais, elles avaient déjà changé depuis plus de dix ans. Je n'avais plus ? cela allait de soi, à mon âge ? la responsabilité de la rédaction. Mais je conservais l'éditorial, qui définit la ligne du journal aux côtés d'autres chroniques dont celle de Jacques Julliard ; je gardais la conception, avec François Armanet et Gilles Anquetil, des quatre pages consacrées aux débats et je restais entièrement disponible, de manière permanente, pour des orientations et des arbitrages parfois délicats. Réponse, donc, à mes correspondants : rien ne sera changé pour moi tant que cela restera le v'u de nos lecteurs, de nos amis, et que la confiance de notre équipe me permettra de marcher sur les traces de mes illustres aînés, comme François Mauriac et Raymond Aron, qui ont écrit leur article hebdomadaire jusqu'au terme de leur vie. En revanche, c'est le dessaisissement par Claude Perdriel d'une grande partie de ses responsabilités qui constitue le grand tournant. Sans doute demeure-t-il propriétaire de l'entreprise et président du conseil de surveillance. Sans doute conserve-t-il, pour accompagner un moment Denis Olivennes, un droit d'intervention dans certains domaines. Mais c'est un fait qu'en renonçant au titre de directeur de la publication il interrompt un parcours dont je tiens à dire ici combien j'en ai continûment admiré la souveraine maîtrise. Dans les explications qu'il a données au « Monde », Claude Perdriel s'est référé à notre histoire commune pour bien montrer que Denis Olivennes pouvait la soustraire aux menaces qui s'annoncent et l'adapter aux révolutions technologiques de l'avenir, mais que sa vocation devait être de s'y inscrire. De son côté, Denis Olivennes, dans les nombreuses déclarations qui lui ont été demandées, a confirmé qu'il partageait le v'u de Claude Perdriel qui était aussi le mien. Reste qu'il faut tenter une gageure : celle de définir ce qui caractérise cette histoire. Il me semble honnête de rappeler le choix que nous avons fait de prendre la suite de « France-Observateur », d'accepter le parrainage de Sartre - qui disait pourtant savoir que j'étais « camusien jusqu'au bout des ongles » - et de réunir des équipes où les historiens et les intellectuels étaient aussi nombreux que les journalistes professionnels et partageaient avec eux le désir parfois jugé outrecuidant de créer de toutes pièces un journalisme culturel. Mais notre dette morale et politique, c'est envers Mendès France que nous l'avons contractée. Notre journal était le sien et il s'en est longtemps souvenu en marquant son intérêt attentif par un coup de téléphone dépourvu de complaisance tous les samedis - à l'heure du déjeuner. C'était il y a près d'un demi-siècle, et plutôt que de reparcourir les étapes, les combats qui ont fini par faire de nous une institution (500 000 abonnés et acheteurs, donc trois fois plus de lecteurs), plutôt que faire le bilan de nos fidélités et de nos adaptations, je préfère m'en tenir aux enseignements de Mendès France. Ils sont très actuels mais ils ne sont pas toujours ceux que l'on recense d'ordinaire. Ce qu'il y a eu de plus important, en effet, dans le phénomène politique incarné à cette époque précise par cet homme d'Etat, c'était, selon la formule de Bergson, le souci de penser comme un homme d'action et d'agir comme un homme de pensée. Mendès France, homme de convictions et de principes, avait le goût de l'efficacité immédiate, refusait de « donner du temps au temps » et estimait indispensables l'énergie du chef et la foi en l'avenir, avec comme seule limite, qui était aussi un idéal, le respect presque dévot du citoyen. Il en appelait volontiers à la nation pour souligner les défaillances des représentants du peuple. Mais il se serait refusé à voir dans l'opinion publique la « reine du monde ». C'était le citoyen qui était le roi. Mendès France ne partageait en rien les doutes fondamentaux ? selon nous légitimes - que l'horrible XXe siècle conduisait à nourrir sur la notion de progrès. Son messianisme républicain avait une jeunesse incroyablement contagieuse. Il a été d'autre part l'initiateur de la décolonisation et le premier promoteur d'une politique arabe qui se soucie de l'émancipation des peuples et non de la richesse des Etats. Il a condamné l'expédition de Suez de 1956. C'est lui qui, le premier, dès 1967, a formulé sur le Proche Orient une pensée qui devait être constamment notre ligne : « Les Israéliens doivent comprendre que les Palestiniens ont le droit de réclamer pour leur peuple ce qu'ils ont obtenu pour eux : un Etat. » Cela dit, Mendès France était un économiste dont la pensée moderne, pour éloignée qu'elle fût du dogme marxiste de la « mise en commun des moyens de production », n'excluait ni l'esprit de la planification ni même le recours aux nationalisations. Il a été, en 1981, un fervent partisan de la nationalisation des banques. Si bien que l'on peut dire que ce qu'il y avait d'essentiellement social-démocrate chez lui, c'était la différence qu'il faisait entre le capitalisme, forcément financier selon lui, et l'économie de marché, cette dernière devant être conçue comme une méthode pour atteindre l'idéal de justice sociale. Mendès France acceptait les compromis : c'est lui qui nous a incités à nous rallier à François Mitterrand. Mais il était intraitable avec les compromissions : la gauche était pour lui une patrie et il voulait qu'on lui restât fidèle. L'un des problèmes que nous allons essayer de résoudre avec Denis Olivennes est de savoir dans quelle mesure la modernité doit imposer à la gauche une nouvelle pensée. | Membre Juif.org
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