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Blog : Carnets d'actualité

NON A PEKIN ! NON AU BOYCOTT !

1. Comme tout le monde, sur le régime politique de la Chine, j'avais des certitudes. Des prodiges économiques n'empêchaient pas cet immense pays d'être resté, du point de vue des droits de l'homme, une vaste prison. Mais sur l'opportunité du boycott, j'avais, comme Barack Obama, un doute dont les appels de la charmante Ségolène Royal n'arrivaient pas à me tirer. Alors, comme chaque fois, je fais appel à Simon Leys, l'auteur des « Habits neufs du président Mao » et de quelques autres chefs-d'oeuvre, parce que, sur la Chine, il m'a le premier déniaisé.
Je l'ai consulté. Voici ce qu'il m'a répondu de sa lointaine Australie. « Jeux olympiques : n'essayons pas d'être plus tibétains que le Dalaï Lama qui ne demande pas de boycotter (et d'ailleurs, ce ne sont que les innocents sportifs qui en souffriraient). En revanche, les liturgies politiques - par opposition aux compétitions sportives dont ils s'entourent (flamme olympique, cérémonies d'ouverture et de clôture)- que les gouvernements totalitaires souhaitent toujours manipuler au profit de leur propagande ? me semblent, elles, profondément répugnantes et il ne serait pas honorable d'y participer. Ces dernières années, la Chine s'est beaucoup transformée à beaucoup d'égards mais il est un point sur lequel elle n'a pas changé : les droits de l'homme. Là, le régime communiste reste fidèle à lui-même et les méthodes de répression dont il use au Tibet ne sont nullement une surprise (?) Mais pourquoi donc lui a-t-on accordé l'organisation des Jeux ? »
Donc, pour moi, c'est décidé : non au régime de Pékin ! Non au boycott des Jeux ! Au point où en sont les choses, on ne peut qu'espérer que les Chinois ne pourront pas ignorer cette mobilisation en faveur des droits de l'homme. Pas plus qu'il ne devrait leur être possible, désormais, de tenir pour nulle la capacité de nuisance de petits pays (si petits à côté du leur !) comme l'Allemagne, la France et quelques autres. Il n'est pas absurde de penser que si un certain nombre de nations importantes avaient procédé à une déclaration solennelle et commune, la question du Tibet mais aussi celle du Darfour auraient sans doute suscité une réaction plus attentive, sinon positive, de la part des autorités chinoises. Comme le dit plaisamment Hubert Védrine, elles auraient en tout cas découvert notre existence.
Or c'est exactement le contraire qui se passe. Aujourd'hui, George Bush, non content de s'être montré compréhensif sur la façon dont la Russie a réglé le problème de la Tchétchénie, n'hésite pas à annoncer qu'il se rendra à Pékin. Il est républicain. Le démocrate Jimmy Carter, lui, avait refusé de se rendre aux Jeux olympiques de 1980 à Moscou parce que les Soviétiques occupaient alors l'Afghanistan. George Bush pense que le monde est devenu multipolaire, que l'ennemi de l'OTAN n'est plus la Russie, que les Etats-Unis ont autant besoin des Chinois que les Chinois des Etats-Unis. Autrement dit, dans ce domaine, il n'est plus du tout idéologue, il est banalement réaliste et tout à fait kissingerien.

2. On voit bien, en tout cas, que cette attitude américaine bouleverse la façon que nous avons tous les jours d'opposer les « droits-de-l'hommistes » et les souverainistes. On peut parfaitement passer d'une attitude à l'autre selon qu'il s'agit du Proche Orient ou de l'Asie. Car il ne semble pas qu'il y ait aujourd'hui beaucoup de « neo-cons » ou d'« évangéliques » pour pousser le président américain à défendre les Tibétains et à aller rechercher en Chine les armes de destruction massive qui s'y trouvent ? afin de faire naître en Asie un « monde nouveau ». Si bien que, normalement, ce serait à l'Europe ? s'il y en avait une ? que devrait revenir le leadership d'un « droits-de-l'hommisme » tant critiqué. Et si telle était la spéculation de Nicolas Sarkozy, il serait difficile, alors,de lui être hostile.
Je pense et j'écris depuis longtemps que l'immense problème qui résume tous les enjeux du XXIe siècle est celui de la conciliation entre le respect de la diversité des cultures et le souci de l'universalité des valeurs. J'oubliais simplement que la loi du rapport de forces est loin d'avoir disparu et que Machiavel pourrait encore aujourd'hui écrire son « Prince ».
Les meilleurs esprits ne cessent de nous inviter à l'humilité en nous rappelant que les civilisations se valent et qu'elles ont des caractéristiques irréductibles et identitaires. Ils ont raison de penser que les juger au nom de nos critères, au point d'en prendre prétexte pour intervenir dans leurs affaires, c'est toute l'histoire de l'évangélisation, des croisades et du colonialisme. A la lumière du désastre irakien, ces penseurs s'alarment devant l'émergence possible d'une arrogance occidentale réunissant, dans une OTAN retrouvée, les peuples blancs pour affronter un choc des civilisations. Sans aucun doute, la vigilance s'impose mais pas au point de fermer les yeux sur la répression au Tibet qui est un rappel de l'arrogance chinoise, comme l'écrasement de la Tétchénie a été celui de l'arrogance russe.
D'autant que le constat de cette compétition des arrogances peut nous diriger vers un doute sur l'existence d'une universalité des valeurs. C'est un pas déjà franchi par certains historiens de la Chine. Y a-t-il des valeurs universelles ? Les droits de l'homme en font-ils partie ? Doit-on s'interroger sur ce que François Jullien appelle « l'altérité profonde de la Chine éternelle » et qui devrait susciter sans cesse de notre part ce qu'on appelle en islam la « soumission émerveillée » ? Est-ce nous qui sommes « arrogants » ? Faut-il dire non seulement « non » au boycott mais « pourquoi pas » au régime ? C'est là que la dérive des nouveaux chercheurs et des anti-droits-de-l'hommistes devient alarmante.
Grâce encore à Simon Leys, et à bien d'autres, on sait que la Révolution culturelle de Mao a fait des millions de victimes qui ne trouvaient pas naturel d'être ainsi persécutées. Ni naturel, ni conforme à leur civilisation.

3. Il ne sera pas dit que nous puissions rester silencieux devant la profanation du carré musulman du cimetière militaire de Notre Dame de Lorette, à Ablain-Saint-Nazaire. Au moins, si l'on ose dire, les inscriptions relèvent-elles d'une inspiration nazie qui suscite une indignation commune contre la forme la plus barbare du racisme. Je voudrais dire à tous mes amis et lecteurs musulmans mon écoeurement devant ces forfaits. Notre indignation est ici à vif comme elle l'est quelles que soient les victimes atteintes dans leur religion ou dans leur ethnie. Et puisqu'il s'agit de l'islam,j'avoue que rien n'est plus révoltant que la situation de ces nouveaux immigrés sans-papiers dont on ne se préoccupe pas de savoir pourquoi ils sont là, pourquoi ils sont démunis, pourquoi ils sont rapatriés.

4. Enfin, l'OTAN. La France en a fait partie dès son origine, en 1949, mais De Gaulle, en 1966, l'a retirée de la structure militaire de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord. Les bases américaines de Fontainebleau et de Châteauroux ont alors été évacuées. Aujourd'hui la France réintègre cette structure militaire. S'agit-il de l'une de ces « ruptures » que l'on crédite parfois imprudemment Nicolas Sarkozy d'opérer avec le passé ? Son atlantisme suffit-il à expliquer ce choix ? Pour De Gaulle, l'OTAN était une organisation dominée par les Etats-Unis. Déjà, en 1954, le projet de Communauté Européenne de Défense (CED) avait été refusé par le parlement français car les mendésistes et les gaullistes redoutaient la perte de la souveraineté de l'armée française au profit des Etats-Unis. C'est donc bien une préoccupation récurrente.
Mais le désir de réintégrer l'OTAN est au moins aussi récurrent. Il est resté présent à droite comme dans une partie de la gauche française. Il y a toujours eu des hommes politiques pour penser que, à certaines conditions, la France pourrait jouer un rôle dans la structure militaire. Jacques Chirac avait même envisagé la possibilité de faire nommer un amiral européen, de préférence français, à la tête de la glorieuse 7ème flotte en Méditerranée. Les ricanements à la Maison Blanche et au Pentagone avaient été sonores. Mais il révélait la cohérence des préoccupations de Jacques Chirac. Un jour que je l'interrogeais sur le risque qu'il y avait, en paraissant faire si étroitement cause commune avec les Etats-Unis dans les affaires syro-libanaises, de compromettre la bonne image de la France dans les pays arabes à l'heure du désastre irakien, le président de l'époque m'avait répondu : « Cher Jean Daniel, l'opposition aux Etats-Unis n'est pas à mes yeux un dogme politique. Chaque fois que nos intérêts sont communs, il faut souligner qu'une alliance entre nous est possible et que notre conception de la souveraineté n'y fait pas obstacle. »
C'était l'époque où Michel Barnier, devenu ministre des Affaires étrangères, inaugurait une politique du rapprochement économique et culturel très imaginative avec les Israéliens. Tout cela précédait l'arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy. Jean-David Levitte, alors ambassadeur influent à Washington, avait été bel et bien chargé de préparer auprès des Américains la politique qu'il planifie aujourd'hui auprès de Nicolas Sarkozy. Autrement dit, le tournant avait commencé avant l'entrée en fonction du président actuel.
Je désapprouvais cette orientation à l'époque. Je la désapprouve encore davantage aujourd'hui. La raison était, hier, qu'il était déconcertant de se rapprocher d'un gouvernement responsable du désastre irakien au moment où il était le plus désavoué par son propre peuple. Mais la raison supplémentaire, aujourd'hui, c'est que nous n'avons rien obtenu qui puisse garantir notre capacité de décision à l'intérieur du « commandement intégré » de l'OTAN.
Membre Juif.org





Dernière mise à jour, il y a 12 minutes