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Blog : Carnets d'actualité

Miracle et malédiction

1 - S'il est permis, en dépit des épreuves que subit une fois encore le Liban martyr, de prendre de l'altitude et de la distance, on ne peut contester la légitimité de la célébration du 60e anniversaire de la création de l'Etat d'Israël. Quoi qu'il arrive, on se souviendra de l'émergence et de l'enracinement de « l'Etat des Juifs » comme de l'un des événements historiques les plus romanesques et ? en bien et en mal - les plus lourds de conséquences du XXe siècle. Il s'agit à la fois de la création d'une nation, de la naissance d'une société démocratique et de la réalisation d'un rêve millénaire. Avoir entre les mains le destin d'un projet dont on ne sait pas encore s'il aboutira à un ensemble national, c'est ce qui avait aussi excité le plus George Washington. D'autant que le mythe de la Terre promise est commun aux juifs et aux Américains, et qu'il existe désormais un sionisme chrétien dont la vitalité ne cesse de s'accroître.
Il s'agit aussi de la survie de populations qui, après avoir échappé à une entreprise sans précédent d'extermination, ont triomphé du refus que leur opposaient tous leurs voisins. Ils étaient parmi eux, toujours et quoi qu'ils fissent, des étrangers. Il s'agit, enfin, on l'oublie souvent, de la résurrection miraculeuse d'une langue, l'hébreu, jusque là réfugiée dans la liturgie. C'est un romancier de langue hébraïque, Chmouel Agnon, que le prix Nobel a couronné en 1966. Les plus grands linguistes sont capables de nous dire combien il meurt de langues chaque jour dans notre monde mais aucun d'entre eux n'avait jamais prévu la résurrection de l'une d'entre elles.

2 - Il se trouve que cette célébration coïncide avec un phénomène non moins étrange que tout le reste : jamais on n'avait vu, après une existence historique si courte, les élites d'une nation en venir à une telle autocritique, afficher un tel rejet de leurs dirigeants, manifester un tel besoin d'exprimer leur malaise de vivre entourés d'ennemis, estimer à ce point inacceptable de s'installer dans une situation où l'on ne peut répondre aux agressions ponctuelles que par des ripostes collectives. Tout cela est présent dans des romans, des essais et surtout des films. Il est très possible que le festival de Cannes couronne cette année un film israélien, « Valse avec Bashir », d'Ari Folman, d'une très douloureuse audace. Cela aussi est à mettre à l'actif de la société israélienne.
Si bien que ce sont, en somme, des Israéliens qui nous rappellent que l'actuelle célébration de la création de l'Etat juif est vécue par toutes les sociétés arabo-musulmanes comme le souvenir d'un jour de deuil - le mot arabe pour désigner cette célébration signifie « catastrophe ». D'un côté, on peut dire qu'Israël a contribué au triomphe de l'homme sur la malédiction génocidaire. Mais de l'autre, il est accusé de perpétuer l'entreprise de domination et d'aliénation que les empires coloniaux britannique et français avaient ? depuis Bonaparte ! - menée avec une suprême arrogance. Enfin, aujourd'hui, ce sont les intérêts de l'Occident proaméricain qu'Israël, pour sa propre sécurité, a choisi de servir de manière quasi inconditionnelle. Ce double aspect - émancipation d'un côté, colonisation de l'autre - n'a cessé de vicier tous les débats et de justifier depuis soixante ans toutes les initiatives belliqueuses.

3 - On sait que l'origine de l'Etat israélien vient d'une fameuse déclaration qu'un ministre britannique, Lord Balfour, a faite en 1917 en faveur de l'établissement d'un « foyer national juif ». On rappelle moins que c'est l'Union soviétique, bien plus que les Etats-Unis, qui a pesé pour que soit voté à l'ONU le partage de la Palestine en deux Etats. Mais le point d'histoire que l'on oublie le plus souvent de souligner, c'est que l'événement qui a provoqué une cristallisation du nationalisme arabe et anti-israélien s'est produit en 1956, lorsqu'une expédition, destinée en principe à punir Nasser d'avoir osé nationaliser le canal de Suez, a réuni les armées de la Grande-Bretagne, de la France et d'Israël. Le trio colonialiste s'était ainsi reconstitué. C'est à Suez, en 1956, bien plus qu'en 1967 avec la guerre des Six Jours, que la haine d'Israël a commencé à devenir vraiment identitaire dans la mentalité arabe. D'autant que, cette fois, grâce aux menaces des Soviétiques et des Américains qui ont contraint les forces israéliennes et franco-anglaises à se retirer, c'est Nasser qui a gagné. Et pendant dix ans, le nationalisme arabe a triomphé. Le premier président de la République algérienne indépendante, Ahmed Ben Bella, déclarait alors : « Le colonialisme a été vaincu en Egypte, vaincu en Algérie, il faut le vaincre en Palestine. »
C'est seulement avec la guerre-éclair des Six jours, les exploits des aviateurs israéliens - grâce aux Mirage livrés par les Français ? et la désastreuse et humiliante déroute arabe de 1967 que le conflit est devenu plus précisément israélo-palestinien. Le leader Yasser Arafat a pu rêver alors de jouer dans le monde arabe, mais aussi dans le tiers monde révolutionnaire, un rôle « guévariste » qui a nourri les illusions des différents mouvements palestiniens. Voilà pour les sources.

4 - Mais pour comprendre la situation actuelle il faut enjamber des pans d'histoire. Les deux phénomènes géopolitiques d'importance survenus depuis le 11 septembre 2001 et depuis la guerre d'Irak sont d'une part l'islamisation des nationalismes arabes et d'autre part la véritable américanisation du sionisme. La guerre d'Irak a été un désastre dont on mettra très longtemps à se remettre au Proche Orient. Elle a contribué à planétariser l'hostilité à l'égard des Etats-Unis, d'Israël, des juifs eux-mêmes et de l'Occident, tandis qu'elle radicalisait celles des sociétés musulmanes qui étaient déjà devenues fondamentalistes. Sans la guerre d'Irak, l'Iran n'aurait pas été en situation de contribuer à la consolidation, au Liban, du mouvement nationaliste islamiste du Hezbollah, qui estime avoir remporté la première victoire arabe sur Israël en 2006, lorsque Tsahal a évacué le sud du Liban.
En tout cas, on ne peut pas dire que cet anniversaire se déroule, pour les Israéliens comme pour les Palestiniens, dans un climat d'espérance. Contrairement à que vient de déclarer Condoleeza Rice, on est loin de penser aujourd'hui que le conflit israélo-palestinien puisse s'apaiser avant la fin de l'année et du mandat de George Bush. Lorsque le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, et le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, se rencontrent, se donnent l'accolade et parfois s'embrassent, il ne s'agit que d'une mise en scène rassurante, anesthésiante et trompeuse.

5 - Jusqu'à maintenant, sur la question qui a toujours bloqué, depuis 1967, les négociations entre Israéliens et Palestiniens, à savoir le retrait des colonies de peuplement, aucun des dirigeants israéliens n'a donné la preuve qu'il avait vraiment l'intention de stopper le progrès des constructions à l'intérieur de ces colonies. Il se trouve, de plus, que l'élévation d'un mur pour séparer Israël des « territoires » a provoqué une baisse des attentats qui rend la vie supportable et qui n'encourage aucun dirigeant à envisager de sérieuses concessions. C'est ainsi que l'on a pu entendre à Jérusalem, la semaine dernière, dans la bouche d'un responsable militaire, ce que l'on avait entendu jadis dans celle du général Massu après la victoire de la bataille d'Alger : « Après tout, nous avons ici beaucoup moins de morts causées par les terroristes que l'on n'en a ailleurs du fait des accidents de la route ! »
D'un autre côté, les menaces les plus sérieuses n'inclinent pas les négociateurs israéliens à s'engager dans un vrai processus de paix. Avec qui le feraient-ils ? Avec le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, dont ils ont sapé l'autorité ? Avec le Hamas qui ne propose qu'une trêve pour mieux dominer la Cisjordanie ? Avec le Hezbollah lié à la Syrie et à l'Iran ? Les dirigeants israéliens savent qu'il ne peuvent compter que sur eux-mêmes, sur les Américains, sur la division de leurs ennemis et sur une accentuation des provocations iraniennes. Dans ces conditions, il n'est pas indifférent d'observer qu'un éminent arabisant, professeur au Collège de France, M. Henry Laurens, envisage comme une hypothèse possible pour l'avenir d'Israël non plus, comme on l'a fait jusque là, le modèle du royaume franc de Jérusalem, qui a disparu au bout de quatre-vingt-huit ans (1099-1187), mais celui du nationalisme irlandais dont les conflits sanglants remontent au XIIIe siècle.
Membre Juif.org





Dernière mise à jour, il y a 22 minutes