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Blog : Carnets d'actualitéLibéral, disent-ils A quoi sert l'âge ? Au moins à la possibilité de convoquer des souvenirs lorsqu'ils s'imposent. Lorsque Bertrand Delanoë et Ségolène Royal se disputent l'honneur de procéder au changement doctrinal tant attendu au Parti socialiste, une image me vient, celle de François Mitterrand m'assurant, dans un avion, qu'il n'a en rien changé et aucunement l'intention de le faire. A quelle occasion ? Celle du mémorable tournant de 1983, quand Pierre Mauroy et Jacques Delors, refusant de quitter le fameux « serpent monétaire » et tournant le dos à la tentation du « socialisme dans un seul pays », ont décidé d'accepter les contraintes européennes de l'« économie de marché ». J'avais cru apercevoir un mouvement en marche. J'estimais que c'était un événement considérable. Je l'ai écrit non seulement dans ces colonnes mais dans un article du « Débat » où j'invitais les intellectuels à repenser la gauche (1). Ceux qui avaient été élus sur un programme de rupture avec le capitalisme étaient en train de rompre avec le socialisme et cela valait la peine de ne pas laisser aux seuls acteurs le soin de conceptualiser ce changement. Aussitôt, François Mitterrand et les siens se sont alarmés de ce qu'ils considéraient comme une accusation de trahison. Par peur de paraître décrocher de la tradition étatiste enracinée dans le mythe socialiste, ils refusaient qu'une « simple adaptation » pût être considérée comme un changement. Dans le Concorde qui nous menait au Brésil, lorsque je lui ai fait remarquer que, notamment avec Olaf Palme, les réformistes suédois n'avaient pas trahi les aspirations du mouvement ouvrier, Mitterrand l'a très mal pris. Je me souviens que Régis Debray et Jack Lang, qui se trouvaient avec nous, ont été impressionnés par sa détermination. Le principe de la « rupture avec le capitalisme » devait être maintenu contre vents et marées. L'irritation froide du président a été encore plus vive lorsque je lui ai demandé s'il n'eût pas mieux valu, comme le préconisaient Mendès France et Rocard, procéder à des nationalisations à 51% plutôt qu'à 100%. Quelques théoriciens zélés se mirent alors en tête de trouver une sémantique de compromis. On déterra la notion d'« économie mixte », qui avait servi jadis aux libéraux que leurs adversaires appelaient « dirigistes » ou « interventionnistes » à la fin du XIXe siècle. Mais personne ne paraissait s'en souvenir. La rupture avec le capitalisme se ferait avec des moyens différents selon les circonstances. Mais elle se ferait ! Or elle ne s'est pas faite. Et après la faillite du collectivisme totalitaire, en dehors de quelques groupuscules nostalgiques et marxisants, on s'est beaucoup moins soucié d'« adapter » le socialisme originel que d'endiguer les dérives sauvages et anarchiques du capitalisme. Sans doute certains objectifs de combat sont-ils demeurés avec force. Par exemple, la lutte contre le monopole du capital et contre l'appel à l'Etat lorsque l'on « individualise les profits et socialise les pertes ». Mais pour ce qui est de l'économie de marché, chacun prétend aujourd'hui en être le plus audacieux partisan. Soyons justes , la rupture est aussi bien consommée dans les propos intermittents de Ségolène Royal que dans le livre iconoclaste de Bertrand Delanoë. En fait, l'audace du Maire de Paris consiste à dédiaboliser le terme de « libéral » et à franchir le pas qui séparait les potentialités dynamiques du libéralisme économique des exigences éthiques de l'humaniste socialiste. Le monde s'étant beaucoup rétréci, Paris étant devenu un faubourg de New York et l'anglais une seconde langue nationale en France, il est évident que la confusion des vocabulaires ne contribue pas à l'éclaircissement des idées. On a beau citer d'un côté Adam Smith, Sismondi et Tocqueville, et de l'autre, Proudhon et Lacordaire (« La liberté opprime et la loi protège »), la meilleure définition du libéralisme demeure celle des origines, à savoir l'antithèse de l'étatisme et la défense des « droits naturels » de l'individu. Parmi ces droits naturels figure par exemple la notion essentielle de compétition (la concurrence) à laquelle ne s'opposent plus d'ailleurs nos modernes réformateurs. C'est une longue histoire. Bien des étapes vont succéder les unes aux autres avant que Raymond Aron, en 1969, ne finisse par écrire, dans un texte devenu classique, que le libéralisme n'avait plus grand chose de commun avec le « laissez faire, laissez passer » : « L'économiste libéral d'aujourd'hui ne dénie à l'Etat ni la responsabilité de maintenir les équilibres globaux ni le droit de financer par l'impôt des services offerts gratuitement au public [?] L'économie de marché exige la protection des lois qui fixent les règles de la concurrence, préviennent les fraudes, sanctionnent les abus, protègent les vaincus et restreignent l'arrogance des vainqueurs. » C'est un texte que pourraient très bien méditer à la fois Ségolène Royal et Bertrand Delanoë car il souligne la convergence des recherches de la droite réformatrice et celles d'une nouvelle social-démocratie. Peut-être est-on en train de dépasser le débat qui a toujours opposé les partisans de la liberté (en principe hostiles à l'Etat) aux partisans de l'égalité, inconcevable sans l'Etat. Lionel Jospin, dans son avant-dernier livre, avait été l'un des quelques hommes d'appareil de la gauche à en avoir conscience. Et de nos jours, il me semble que Pierre Rosanvallon et Daniel Cohen contribuent à une pensée véritablement réformatrice. C'est avec eux et avec bien d'autres que Bertrand Delanoë pourrait, en approfondissant leurs textes, nous indiquer le chemin à suivre pour garantir les libertés sans limiter l'intervention de l'Etat dès lors qu'il s'agit de lutter contre la financiarisation du capital, de réhabiliter les producteurs au détriment des spéculateurs et de contribuer à endiguer toutes les conséquences de ce qui est aussi bien la panacée que la malédiction du siècle : la mondialisation. Tant que l'on parle' Un autre débat du siècle tourne désormais et constamment autour du droit d'assistance, du devoir d'intervention, des dérives du « droit-de-l'hommisme » et du cynisme des alliances. Il y a deux semaines, j'aurais écrit : on ne s'est jamais autant affronté dans le monde. Aujourd'hui, je peux écrire : les ennemis n'ont jamais autant cherché à négocier les uns avec les autres. On s'est déjà habitué au fait que la Corée du Nord et la Libye aient été rayés depuis un an de la fameuse liste américaine des Etats dits « terroristes ». C'est une liste sacro-sainte à laquelle beaucoup se réfèrent pour interdire d'engager des pourparlers avec des pays pestiférés. En tête de ces derniers, il y avait l'Iran. Mais non seulement la Russie et la Chine négocient aujourd'hui avec Téhéran mais on les adjure de le faire pour nous. Le Hamas, qui règne à Gaza sur la moitié du territoire palestinien, a reçu l'ancien président Jimmy Carter, au grand dam d'une certaine opinion publique, et nous apprenons que deux diplomates français se sont rendus à Gaza et en ont rapporté des informations tout à fait intéressantes. Qui était plus diabolisé que le Hezbollah ? Or voilà que les Turcs ont organisé des rencontres entre Israéliens et Libanais pour négocier un cessez-le-feu ou une trêve. Quant à la Syrie, ce sont les Israéliens eux-mêmes qui nous informent du progrès de leurs négociations discrètes avec elle. Sans doute aimerait-on être au courant des stratégies qui conduisent tous ces pays à se rapprocher les uns des autres et à renoncer, en tout cas, à l'idée de s'entre-détruire. Comment comprendre que les Syriens se soient laissés supplanter par le Hezbollah au Liban ? Mais à la fin des fins, il faut bien arriver à la conclusion que l'idéologie du « grand Proche Orient démocratique » a abouti - en Irak !- à un désastre sans précédent et que, soudain, il semble que la peur du chaos et de l'anéantissement domine pour un moment l'ambition de la domination. On comprend mieux, ainsi, que le candidat républicain John McCain, héros du Viêtnam, redoute désormais le soutien trop voyant de George Bush. De là à admettre, cependant, comme certains semblent le faire, qu'un Etat comme l'Iran préconise et prépare la destruction d'un autre Etat, à savoir Israël, il y a un pas à mes yeux infranchissable. Après tout, lorsqu'on désirait la mort d'Hitler ou de Staline, personne n'aurait osé évoquer la nécessité de faire disparaître l'Allemagne ou l'URSS. Je pense donc qu'une entente quelconque de qui que ce soit avec les Iraniens sera impossible tant que sera maintenue cette stupéfiante menace. Mais c'est un fait que l'on a peur et que l'on parle. Et tant que l'on parle, on ne meurt pas. (1) « Le Débat », n°27, novembre 1983, page 168 | Membre Juif.org
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