Blog : Mikhael Nabeth

Transformer le magazine de philosophie Time and Mind en café du Commerce est un véritable tour de magie fait au nom de la science pour tenter de crédibiliser le fait religieux.

Si beaucoup oublient que la Torah doit sa modernité au fait qu'elle est éternelle, ils seront obligés de reconnaître, à voir la réaction caricaturale que les dessins de Mahomet ont engendré, que le monde Juif orthodoxe est bien plus ouvert et tolérant que certains aimeraient parfois pouvoir le dire. Pour preuve, malgré qu'un chercheur en psychologie cognitive de l'Université de Jérusalem ait répandu une idée relayée par la presse internationale, via le magazine de philosophie « Time and Mind », à savoir que le don de la Torah était une hallucination, les réactions restent toujours des plus diplomatiques au vu de ces déclarations pour le moins innovantes.

« En ce qui concerne Moshé au Mont Sinaï, il s'agissait soit d'un évènement cosmique surnaturel auquel je ne crois pas, soit d'une légende à laquelle je ne crois pas non plus, soit enfin -et c'est très probable- d'un évènement rassemblant Moïse et le peuple d'Israël sous l'effet de stupéfiants », a osé affirmer le professeur à la radio publique israélienne.

Pour désentremêler passion et raison, regardons uniquement la teneur de ses propos et oublions leur caractère provocateur.

D'abord, le chercheur abandonne sa posture scientifique pour passer dans le camp de l'affirmation. Au passage, il gagne de se jouer du sens commun qui a tendance à faire un facile amalgame entre la thèse et les hypothèses, et soutient cette pseudo-théorie sur une notion qui lui sert de raccourci cognitif : l'idée de la forte probabilité. Purement tiré de son imaginaire, le scientifique est passé de trois hypothèses à la rigueur légitimes à une conclusion totalement usurpée, tel un magicien qui aurait fait naître un lapin dans son chapeau.

Ensuite, en misant sur les finesses qui distinguent le contenu du contenant, il bénéficie d'un élément inhérent à son discours pour assoir son raisonnement fallacieux. En effet, le scientifique s'appuie largement sur son statut social de chercheur en psychologie cognitive pour mieux outrepasser les lois qui régissent sa propre science. Lorsqu'un chercheur en psychologie cognitive de l'Université de Jérusalem tient une théorie, on est généralement loin de s'imaginer qu'elle puisse être construite sur un biais cognitif, un comble au vu de son domaine de recherche.

Le scientifique continue et s'engouffre dans les méandres de l'Amazonie : « J'ai moi-même été invité en 1991 à une cérémonie religieuse dans le nord de l'Amazonie, au Brésil, durant laquelle j'ai consommé une potion faite d'une plante, l'ayahuasca, et j'ai eu des visions à connotations spirituelle et religieuse ». Eugène Ionesco, dans son ?uvre magistrale Rhinocéros donne un parfait exemple du raisonnement par syllogisme et dénonce comment il peut mener à l'absurde lors d'une discussion ironique entre deux de ses protagonistes, Le Logicien et Le Vieux Monsieur.

« - Le Logicien : Le chat a quatre pattes. Isidore et Fricot ont quatre pattes. Donc Isidore et Fricot sont des chats.

- Le Vieux Monsieur : Mon chien aussi a quattre pattes.

- Le Logicien : Donc votre chien est un chat ».

Finalement, la théorie scientifique de Roni Shonen repose sur Isidore et Fricot. Et c'est bien ce qui lui fait le plus défaut, au-delà de son caractère provocateur.

Ce raisonnement par l'absurde séduit car il paraît vrai. « Des potions étaient consommées lors des cérémonies religieuses antiques. Le judaisme est une religion antique. Donc dans le judaisme antique, on consommait des potions ».

Répandre des opinions en s'appuyant sur des raisonnements ascientifiques fondés sur la crédibilité anticipée que dégage notre fonction sociale, ne retrouve-t-on pas là tous les éléments de la grande manipulation dont les religions ont toujours été accusées ?