Blog : Michelle Goldstein

Si vous recevez la chaine "HISTOIRE":Ce soir: de 20h50 à 21 h40 Un documentaireLA RAFLE DU VEL' D'HIV SUR "HISTOIRE"16 et 17 juillet 1942 RAFLE DU VEL D'HIVpar Annette Wieviorka,historienne, directrice de recherches au CNRS

"30.000 personnes devaientêtre arrêtées ce jour-là"
NOUVELOBS.COM 16.07.2007 18:16
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Quel rôle exact a joué la police française lors de la rafle du Vel d'Hiv'? A-t-elle "simplement" exécuté les instructions des nazis ou a-t-elle participé à la prise de décision ?- La préparation de la rafle a fait l'objet de négociations entre le gouvernement français de Vichy et les nazis. Des échanges qui portaient sur le nombre de personnes à arrêter, leur âge, mais aussi sur la mise à disposition ou non de la police française aux Allemands, qui a finalement été réalisée.
Pour dire cela simplement, la rafle est d'inspiration allemande, demandée par les services d'Eichmann, et la réalisation pratique a été exécutée par la police française.
Ensuite, il faut distinguer l'échelon décisionnaire de celui des exécutants. De nombreux témoignages indiquent que les policiers n'étaient pas enthousiastes. Certains mentionnent des pleurs de policiers, d'autres un temps laissé aux Juifs pour préparer leurs affaires, et donc peut-être pour leur permettre d'échapper à la rafle.
Selon le projet nazi initial, 30.000 personnes devaient être arrêtées ce jour-là. En réalité, environ 12.800 ont été raflées. Plus de la moitié se sont ainsi soustraites, ce qui laisse penser qu'elles ont soit été prévenues, par des fuites émanant de la préfecture de police, soit aidées par des voisins ou des concierges qui les ont cachées.

Peut-on, selon vous, parler d'un antisémitisme latent en France aujourd'hui ?

- Cette question est compliquée. Pour faire court, disons qu'aujourd'hui, à la différence de la France des années 1940, il n'existe pas d'antisémitisme d'Etat. Au contraire, la législation place hors-la-loi toute manifestation de discrimination.
En-dehors de cela, il existe un antisémitisme lié principalement à la situation au Proche-Orient. On assiste à la reprise d'un certain nombre de poncifs antisémites, sous couvert d'anti-sionisme. Au niveau international, l'exemple le plus criant sur le sujet est l'attitude de l'Iran.

Peut-on dresser un parallèle entre la reconnaissance de la responsabilité de l'Etat français lors du discours de Jacques Chirac en 1995 et l'actuel débat sur la repentance lié à la colonisation ?

- Concernant le fameux discours de Chirac au Vel d'Hiv', on ne peut plus l'évoquer sans lui associer celui prononcé le 18 janvier 2007, lors de la cérémonie d'hommage aux Justes [les Justes sont des personnes non juives qui ont sauvé des Juifs, ndlr] . Le second discours complète, amende le premier. En 1995, la phrase "La France, patrie des Lumières et des Droits de l'Homme, terre d'accueil et d'asile, la France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable" avait été très critiquée, beaucoup rappelant qu'il s'agissait du gouvernement de Vichy, et soulignant l'existence de la France libre, de la résistance. Dans son deuxième discours, Chirac complète le premier en disant : "Il y a les ténèbres, mais il y a aussi la lumière".
Le débat autour de la repentance n'est pas du même ordre. L'Algérie d'aujourd'hui est un Etat souverain et indépendant. On peut en outre relever beaucoup d'excès dans les déclarations de Bouteflika concernant la colonisation. Et observer également qu'aucun travail d'histoire ou de mémoire n'a été entrepris par l'Etat algérien. Je pense qu'il est bien entendu indispensable de continuer, en France, ce travail historique, mais qu'il sera très ardu de construire des liens solides avec l'Algérie si le travail de repentance est unilatéral.

Propos recueillis par Solène Cordier
(le lundi 16 juillet 2007)