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Blog : Sandrine Ben DavidAnatoli VassilievLE THEATRE D'ANATOLI VASSILIEV « Je suis un dissident par nature artistique, contre ma propre volonté » Anatoli Vassiliev est l'un des maîtres incontestés du théâtre moderne. Il a formé les plus grands artistes de son pays dans son théâtre école de Moscou et ses méthodes ont inspiré les principales institutions d'art dramatique contemporain en Europe et dans le monde. Le 28 mars 2006, le gouvernement de Russie, par l'intermédiaire du comité culturel de Moscou et sous l'excuse scandaleuse d'une « réorganisation » administrative, le relevait de ses fonctions de directeur artistique de l'école d'art dramatique qu'il avait créée en 1987, pour la remettre entre les mains d'un avocat, homme de main du comité, démuni de toute formation théâtrale et de toute expérience dans le domaine de la direction artistique. Les autorités soviétiques ont ainsi signé l'arrêt de mort spirituel de Vassiliev et de son laboratoire expérimental de recherche, celui-la même qui a fait la gloire internationale du maître mais aussi du théâtre et de la culture russe moderne toute entière. Depuis lors, le metteur en scène a fait très peu de commentaires publics sur le drame incompréhensible dont il est la victime. Il y a quelques jours, à Jerusalem, dans une interview tout à fait exclusive, Anatoli Vassiliev a accepté de confier aux lecteurs du Jerusalem Post Edition Française quelques pensées sur le théâtre, les civilisations, les hommes, et un peu de sa profonde souffrance devant le déclin d'une ère. - Vous avez dit un jour que « pour parfaire les qualités d'un metteur en scène de théâtre, il faut créer en lui la possibilité d'être absent ». vous reconnaîtrez qu'il y a dans cette idée un paradoxe fondamental, puisque le metteur en scène se doit d'être porteur d'une vision, en même temps que de la qualité primordiale de l'écoute' - C'est une question très sérieuse, en effet. L'une des plus sérieuses dans le domaine du théâtre aujourd'hui en Europe. Je dirige en ce moment un département professionnel d'études de la mise en scène à Lyon, le premier de la sorte en France. La théorie voulait jusqu'à ce jour qu'un metteur en scène possède avant tout du talent, et la pratique qu'il soit omniprésent dans son ?uvre créatrice. Ces deux pôles sont la base de l'idéologie théâtrale en Europe, qui part du principe que le metteur en scène est l'administrateur de sa propre création artistique. L'acteur n'est de ce point de vue qu'un outil de la mise en ?uvre de cette création. L'école russe, dont je suis le représentant, est à l'opposé radical de cette idéologie. Elle est fondée sur la conception fondamentale de la non-présence du metteur en scène, qui transmet le pouvoir d'être existant à son acteur, en même temps que la création toute entière. Il est nécessaire d'ajouter que le travail du metteur en scène s'y divise en deux étapes distinctes. Avant le travail sur scène, et sur la scène. Et c'est avant le travail sur scène qu'il lui est vital d'être non présent. - En quoi le changement économique de l'Europe, après la chute du mur de Berlin, a-t-il influencé, selon vous, le théâtre oriental en général et le théâtre russe en particulier ? - Permettez-moi l'utilisation d'une métaphore. Un éleveur de chiens de pure race ouvre les portes de son chenil et autorise ses bêtes à errer en dehors de sa protection. Ces animaux vont être livrés à eux-mêmes. Certains parmi eux vont se bâtardiser et perdre les qualités issues de la race. Les autres vont devenir des animaux sauvages. Ouvrir ses frontières est une bonne chose. Perdre les qualités intrinsèques d'un peuple en est une mauvaise. Après la chute du mur de Berlin, le théâtre russe s'est diversifié, certes, dans sa forme et dans son contenu. Mais il a perdu les qualités du théâtre soviétique originel. Il a perdu son appartenance à la race. Il est devenu commercial. Le public lui aussi, bien entendu, a changé. La politique nationale l'a éduqué à une mentalité « petit bourgeois » de consommateur où le théâtre est un produit comme un autre. - Il est clair que vous ne voulez ni ne pouvez séparer, dans votre travail, la formation et la recherche de la création artistique. Comment vivez-vous aujourd'hui la tragédie dont vous êtes victime depuis le printemps dernier ? - Je ne travaille plus à Moscou. Je ne dirige plus mon école. Je ne suis plus son régisseur artistique. Je ne suis plus metteur en scène en Russie. Le gouvernement soviétique n'a cessé de me poursuivre depuis 2001, date de pendaison de la crémaillère des nouveaux bureaux bâtiments de mon école, que les représentants des théâtres du monde entier étaient venus fêter avec moi. Neuf mois après cette inauguration, les autorités russes ont émis un premier arrêt, réclamant la réquisition de ces bâtiments sous prétexte que leurs fenêtres étaient opaques. Elles ont tenté de donner mon théâtre à Piotr Fomenko qui a immédiatement refusé, clamant avec moi l'absurdité de cet arrêt. En face des différentes pétitions européennes qui ont fusé suite à cette première tentative, les autorités soviétiques se sont momentanément désistées. Cette même année, en 2001, le gouvernement devait ordonner la création, à l'intérieur des anciens bâtiments, d'un institut académique d'études supérieures d'art dramatique, que j'étais censé diriger. Un arrêt publié par le gouvernement en 2002 annulait définitivement ce projet. Je ne saurais pas expliquer pourquoi. Par la suite, ce même gouvernement m'a publiquement accusé de n'être pas efficient dans mon travail au théâtre. Puis, finalement, l'année dernière, le 4 juillet 2005 a été la date d'émission du premier amendement de « réorganisation » de mon théâtre, que j'étais censé démanteler moi-même. J'ai naturellement désobéi à l'ordre qui exigeait que je détruise mon école et c'est à la suite de ce refus que j'ai été remercié. Ce licenciement n'a pas été une surprise pour moi. Et je n'ai jamais cru en la promesse, écrite sur le dernier protocole, que mon théâtre et mon titre professionnels me seraient rendus après la prétendue période de « réorganisation ». Je suis le seul authentique représentant de mon académie en Russie. J'ai été élu président de la guilde professionnelle soviétique des metteurs en scène. Je ne suis pas un dissident politique et je n'ai jamais voulu être un dissident spirituel. Mais, hélas, je suis un dissident par nature artistique, contre ma propre volonté. Le 18 octobre 2006 a été la date de complétion des travaux de « réorganisation » des bâtiments et du partage administratif des lieux. L'arrêt publié à cette date réclamait mon assentiment sur la création d'un double poste de direction administrative et artistique du théâtre, à parts égales. Mais il y a vingt ans que j'ai refusé la mainmise de l'état sur mon travail en créant mon théâtre laboratoire. Comment pourrais-je accepter aujourd'hui ? J'ai quitté la Russie parce que je rejette le compromis. Je suis amputé de mon théâtre mais je continue de travailler. J'enseigne à Lyon, je vais monter « Thérèse Philosophe », un roman du XVIIIeme siècle, en France, avec la même troupe d'acteurs avec laquelle j'avais travaillé sur « Médée Matériau ». Je suis obligé de m'isoler de ce drame. Je n'aurais pas pu lui survivre si j'étais demeuré à Moscou. C'est une véritable tragédie' Né le 4 mai 1942, Anatoli Vassiliev a fait des études de sciences à l'université d'état de Rostov. Il est entré en 1968 à la faculté de mise en scène du conservatoire d'état d'art dramatique « Lounatcharski » de Moscou et s'est formé aux méthodes de Stanislavski. Dans les années soixante-dix, il a partagé les difficultés des jeunes metteurs en scène sans lieux de travail fixes dans un réseau de théâtre sclérosé. La « perestroïka » lui a donné un lieu et la possibilité d'écrire des pièces qui racontent l'histoire de sa génération étouffée. C'est le 24 février 1987 qu'il a ouvert les portes de son théâtre école dans la capitale russe. Dans ce théâtre, il a monte Pirandello, Thomas Mann, Molière, Pouchkine, Platon, Dumas et Heiner Muller, puis, à l'étranger, dans les plus grands théâtres d'Europe, Tchekhov, Dostoïevski, Lermontov, et Ostrovski. Il a collaboré avec le « Work-Center » de Grotowski et « l'Académie expérimentale des théâtres » dirigée par Michèle Kokosowski. Il est aussi metteur en scène d'opéra, réalisateur de cinéma et de télévision et auteur de nombreux ouvrages. Il est lauréat du prix « Stanislavski » de la fédération de Russie (1988), Chevalier des Arts et des Lettres de la République Française (1989), lauréat du prix européen des « Nouvelles Réalités Théâtrales » (1990) puis lauréat du Prix Pirandello (1992) en Italie, Maître Emérite des Arts de la Russie (1993), lauréat du Prix « Europe » de théâtre (1994) et lauréat du prix du Fond Stanislavski pour la ontribution au développement de la pédagogie théâtrale (1995). En 2004, Anatoli a été invité par l'ENSATT (Ecole Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre) de Lyon, au titre de directeur artistique, pour la création du département de recherche et de formation à la mise en scène Il y travaille assidûment depuis. Jerusalem Post édition française, | Membre Juif.org
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