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Culture Israël

Boltanski: artiste «contemporain»... ou artiste tout court ?

Il se trouve que j'ai eu envie de dire du bien d'un artiste. Car bien qu'un illustre critique m'assimile à la barbarie anti-intellectuelle ambiante, m'accusant même de soutenir un discours de haine de l'art, il m'arrive d'éprouver un amour débordant pour un artiste, fût-il «contemporain», quand ce qu'il produit arrive à me faire réfléchir, et même, à me toucher...

Christian Boltanski est aujourd'hui l'un des artistes majeurs de la scène contemporaine internationale du Grand Palais dans le cadre de «Monumenta» Il représentera d'ailleurs la France à la Biennale d'art contemporain de Venise en 2011. Invité , carte blanche donnée chaque année depuis 2007 à un artiste qui investit la grande verrière, il expose en parallèle Après au musée MAC/VAL de Vitry-sur-Seine.

Boltanski est un artiste un peu à part: il fait en effet partie de cette infime minorité qui touche le grand public et intéresse les médias au-delà des revues et magazines spécialisés. Ses ?uvres suscitent le malaise, la mélancolie, parfois le rire. Mais rarement le dégoût, l'incompréhension ou l'indifférence, qui sont pourtant les réactions qui accompagnent chez la majorité de nos concitoyens l'idée même d'art contemporain. Rien que cette particularité mérite d'être notée. S'il est si populaire aujourd'hui, c'est peut-être tout simplement parce que sa conception du rôle de l'artiste est restée fidèle à quelques idées universelles: parler de la vie, raconter une histoire, provoquer une émotion...

«Les bons artistes n'ont plus de vie»

Boltanski a souvent répété cette phrase pour parler de son ?uvre: «Les bons artistes n'ont plus de vie, leur seule vie consiste à raconter ce qui semble à chacun sa propre histoire». L'homme a un talent indéniable: celui de parler de lui en vous parlant de vous. Toute l'?uvre de Boltanski est une tentative de façonner une mythologie personnelle de l'artiste, souvent sciemment faussée, mais toujours crédible. A partir des années 70, il a entrepris le projet de tout conserver des premières années de sa vie. Inaugurée par son livre Recherche et présentation de tout ce qui reste de mon enfance, 1944-1950 (1969), cette démarche a donné lieu à plusieurs travaux. Ainsi il a exposé ses propres souvenirs (ou supposés tels, car souvent il les a récupérés chez des amis ou des anonymes) en vitrine (Vitrines de Références), dans 646 boîtes à biscuit (Les archives de C.B. 1965 - 1988) ou dans un album photos en 1972 (L'album de famille de la famille D.)

Dans cette fusion entre l'homme biographique et l'?uvre, cette manière de prélever une part de soi et de l'exposer, il pourrait ne subsister qu'un narcissisme agaçant et vain, un exhibitionnisme un peu obscène. Or son ?uvre est bien plutôt un dialogue noué avec les autres, qui ne lorgne jamais vers le monologue. Quand il se raconte c'est pour évoquer des choses simples qui font sens en chacun de nous: des souvenirs d'enfant (tout le monde a eu une enfance), des vêtements, des photographies de famille... De cette volonté de rester audible pour un public large et pas toujours familier de la création contemporaine, est née une ?uvre qui a su trouver un écho universel. Pas besoin d'être juif ni d'avoir eu une famille touchée par la Shoah pour être ému par la série des «Réserves», installations qui utilisent de vieux vêtements d'enfants pour faire naître le sentiment de leur absence, probablement de leur disparition. Il suffit de visiter par exemple la «Réserve de 1990» (Centre Pompidou) pour être saisi d'effroi. Un jour, il y a eu ces gens. Ils ont vécu. A présent c'est fini... Il ne reste que leurs vêtements.

Il en va de même de sa bibliothèque de battements de c'urs humains («Les Archives du coeur»), qui s'agrandit au fil des ans et sera installée sur une petite île japonaise. Ces c'urs (il en a déjà collecté plus de 15 000) seront bientôt des témoins de personnes disparues. Qu'il ne sache rien de la personne qui a vécu n'enlève rien à l'émotion qui s'emparera du visiteur qui entendra battre ce c'ur. Comme le vêtement usagé qu'il a beaucoup utilisé, l'archive sonore d'un c'ur qui bat est pour l'artiste un moyen d'exprimer la fragilité de la vie. La transformation du sujet vivant en objets (cadavre, effets personnels, archives sonores ou visuelles) l'a obsédé de longue date.

Revendiquer l'émotion

Questionnez les gardiens de musée d'art contemporain sur leur ressenti face à des ?uvres auxquelles ils sont exposés à longueur de journée. En général ils vous diront qu'ils restent hermétiques à toutes ces constructions humaines savantes qui les dépassent. Rien de tel avec «Après», exposée au MAC/VAL, parcours lugubre dans un dédale de blocs noirs, vision de l'artiste du voyage après la mort. «Si cela me touche'» m'a répondu la gardienne comme si la question était déplacée, «mais bien sûr, et je n'ai pas le choix de toute façon: la mort, ça nous touchera tous un jour ou l'autre». Et la discussion de dévier sur la catastrophe qui a frappé les Haïtiens. Le parallèle nous paraissait à tous deux évident.

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Dernière mise à jour, il y a 10 minutes