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Israël : Défense au Moyen-Orient

Les dernières croisades

C'est Oussama Ben Laden qui a commencé. En 1998, dans sa déclaration de
djihad contre les Etats-Unis. Et l'organisation que le chef d'al-Qaida fonde la
même année porte le nom de «Front islamique mondial de lutte contre les juifs
et les croisés». D'autres lui ont emboîté le pas.


REUTERS/Kevin Lamarque

«Cette croisade, cette guerre contre le terrorisme va
prendre du temps.» 

George W. Bush (16 septembre 2001)

Trois ans plus tard, l'Amérique enterre les victimes du 11-Septembre. Lors
d'une conférence de presse sur la pelouse de la Maison Blanche, George Bush lance
à son tour le mot.

Aux Etats-Unis, le terme est plutôt synonyme de «campagne vigoureuse pour une bonne cause». D'ailleurs, les Croisés
du Moyen-âge étaient francs, pas américains. Mais invoquer une «croisade» c'est
toucher «un nerf à vif au Moyen-Orient,
où les croisades sont considérées et présentées comme des précurseurs médiévaux
de l'impérialisme européen ? agressif, expansionniste et prédateur», écrit l'islamologue Bernard Lewis.

Difficile d'imaginer que Georges W. Bush n'ait alors pas été averti de la
très religieuse charge du mot. C'est donc en parfaite connaissance de cause,
c'est-à-dire avec des arrière-pensées évangéliques, qu'il continuera à l'employer.
Une manière de nourrir la théorie du «choc des civilisations» prédit par
l'Américain Samuel P. Huttington quatre ans avant les attaques contre le World
Trade Center et le Pentagone.

Le
discours que Barak Obama prononce au Caire en juin 2009 est, en revanche,
l'exact contraire d'un appel à la Croisade: une vision politique selon laquelle
le «choc des civilisations» qui opposerait chrétiens, juifs et musulmans n'est
pas inéluctable.

Bush n'est pas le seul à avoir parlé des croisades, il y a aussi eu:  

Mouammar Kadhafi

Vladimir Poutine

Claude Guéant

(ou naviguez en cliquant sur les numéros de pages)


REUTERS/Mike Segar

«Nous achèverons tout traître ou collaborateur de la
coalition des croisés.»

Mouammar Kadhafi (20 mars 2011)

Kadhafi n'en est pas à un paradoxe prêt. Après avoir accusé les
révolutionnaires libyens d'être aux ordres de Ben Laden, le Tripolitain use à
son tour de la phraséologie du chef d'al-Qaida. Kadhafi sait que le terme ne laisse
pas indifférents les arabes et qu'il reste très mobilisateur.

Tout comme Saddam Hussein l'avait compris en son temps. «Tout baassiste et laïc qu'il était, Saddam
Hussein n'avait pas hésité à invoquer aussi la lutte contre les Croisés face à
la coalition menée par les Etats-Unis», explique Jean-François Legrain, chercheur CNRS à la Maison de l'Orient
de Lyon.

Dans un registre différent, un médecin palestinien expliquait il y a
quelques années que ce serait avec Israël comme avec les Croisés: «On a mis cent ans à se débarrasser d'eux,
on mettra le temps qu'il faut, si ce n'est pas mon fils, ce sera mon petit-fils,
mais on se débarrassera des Juifs comme on l'a fait avec les Croisés»,
racontait-il le plus placidement du monde.

«Cet arrière-fond historique est effectivement
présent, chez les islamistes mais également chez les nationalistes
palestiniens, confirme
Jean-François Legrain. Mais ce que
beaucoup veulent dire c'est que le temps, c'est-à-dire la démographie, jouera
pour eux. Pour les salafistes, en revanche, la lutte est bien religieuse et
l'activisme des groupes chrétiens sionistes américains à la rescousse de la
politique de Netanyahou en constitue l'illustration.»

Ce terme de croisade résonne-t-il encore autant parmi cette jeune
«génération Twitter», arabe et urbanisée qui descend dans la rue depuis
janvier'

«D'abord, on fait un contresens en pensant que cette
génération parce qu'elle utilise Facebook et Twitter n'aurait plus rien à voir
avec l'islamisme. Les religieux et le Hamas utilisent aussi les réseaux
sociaux! Et puis la conscience historique de la croisade est commune à tous.»

Et ça Kadhafi le sait.

Lire aussi:

Vladimir Poutine

Claude Guéant

(ou naviguez en cliquant sur les numéros de pages)


REUTERS/Carlos Barria

«Cette résolution me fait penser à l'esprit des
croisades du Moyen-Age.» 

Vladimir Poutine (21 mars 2011)

A peine prononcé par le Premier ministre russe Poutine qu'il était qualifié
d'«inacceptable» par le Président de
la fédération de Russie, Dmitri Medvedev. Signe de rivalité grandissante entre
les deux hommes qui occupent l'essentiel de l'espace politique russe' Une autre
explication paraît peut-être plus pertinente.

Avec le mot croisade ?rappelons qu'en 1204 l'Eglise orthodoxe de
Constantinople a subi le sac des Croisés et que la Russie compte 20 millions de
musulmans' Poutine envoie un signal fort en faveur des pays arabes. En le
contestant, Medvedev maintient une proximité avec les Occidentaux. 

«C'est un pouvoir bicéphale, Janus à deux visages.
Depuis 2008, on note une certaine complémentarité entre Poutine et Medvedev.
Comme une répartition des rôles entre le premier, martial et dur, et le second,
plus conciliant. Ce qui leur permet dans ce cas précis un positionnement
diplomatique très large», analyse Thomas Gomart, directeur du Centre Russie et nouveaux Etats indépendants
à l'Ifri.

La Russie a des relations ambivalentes avec l'Arabie saoudite qui dénonce
la répression sur les Tchétchènes. Mais ses liens avec l'Egypte, l'Algérie, la
Lybie et la Syrie sont forts. Vente d'armes, voire coopération militaire,
discussions énergétiques, retour de la flotte russe en Méditerranée:  

«La Russie veut reprendre pied dans le monde
arabe. Elle réactive les canaux que Primakov, l'ancien Premier ministre et chef
des services secrets d'Eltsine, avaient mis en place dans cette région,
explique Thomas Gomart. Il est encore
utile de parler russe dans le monde arabe!»

Moscou a bien compris la versatilité de l'opinion publique occidentale. Et
sent l'effritement de la coalition internationale. «Invoquer une croisade puis contester le terme, c'est porter le fer
pour singulariser la Russie entre monde arabe et Occident. Et c'est très bien
joué!», conclut Thomas Gomart.

Lire aussi:

Claude Guéant

(ou naviguez en cliquant sur les numéros de pages)


REUTERS/Eric Gaillard

«Heureusement, le Président a pris la tête de la
croisade pour mobiliser le conseil de sécurité des Nations unies et puis la
Ligue arabe et l'Union africaine» 

Claude Guéant, ministre français de l'Intérieur (21 mars 2011)

Notre ministre de l'Intérieur aurait-il commis une gaffe, ou lapsus' «Il est difficile de parler de lapsus,
quelque chose que Claude Guéant aurait involontairement laissé échapper pour
révéler quelque chose de sa personne, suggère le psychanalyste Nicolas
Gougoulis. En revanche, compte tenu du
contexte, on peut penser à un glissement sémantique qui n'aurait pas pris en
conséquence les réverbérations du mot ?croisade'» poursuit-il en précisant
malicieusement qu'un psychanalyste «en
dehors de son cabinet n'est expert en rien».  

Le commentaire immédiat, l'interview «en direct» réduisent les possibilités
de réflexion de nos hommes politiques, d'où ce genre de «fonctionnements automatiques de la pensée, de glissements sémantiques
qui viennent d'un télescopage des besoins de communication de la politique
interne et des réalités de la politique globale».

C'est au lendemain du premier tour des cantonales et du bon score du Front
national que Claude Guéant, à la fin d'une longue interview presque entièrement
consacrée à la politique intérieure et à l'immigration, évoque l'intervention
en Libye.

«L'idéologie du camp conservateur recourt au discours
religieux (sauver la civilisation occidentale face à une menace islamique) et
le mot croisade révèle par sa force évocatrice, le besoin du pouvoir actuel de
s'accrocher coûte que coûte», suggère Nicolas Gougoulis.

Lorsque Claude Guéant prononce le mot «croisade», le langage de son corps
est plus affirmé, plus volontaire. «Ici,
le mot croisade vise de toute évidence le rassemblement autour d'un chef de
guerre, qui sait où est le danger vital, l'essentiel, et peut guider son
peuple», décrit Nicolas Gougoulis.

Dans la bouche du ministre français de l'Intérieur, le terme croisade
aurait donc probablement plus à voir avec ce qui se joue sur la scène
intérieure française que sur la scène internationale, malgré ce qu'en dit
Claude Guéant pour sa défense.

Frisson rétrospectif' L'évêque chaldéen d'Alep en Syrie me raconte que
lorsqu'il évoque cette période de l'histoire avec les musulmans arabes, ils
parlent de la «Guerre des Francs»: un terme «plus ethnique, moins religieux que celui de croisade dont la racine est le mot croix», précise Mgr Antoine Audo. Si notre ministre de l'Intérieur ?et des cultes' avait suivi les usages des chrétiens orientaux, cela aurait
donné ceci:

«Heureusement que le Président a pris la tête de la
Guerre des Francs pour mobiliser le Conseil de sécurité des Nations unies, puis
la Ligue arabe et l'Union africaine.»

On imagine le tohu-bohu'

Ariane Bonzon

Membre Juif.org





Dernière mise à jour, il y a 59 minutes