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Diplomatie : Israël & le Moyen-Orient

Les idéaux inconstants des démocraties

On s'étonne, ces jours-ci, et avec raison, bien sûr, que les autorités
françaises aient pu accompagner aussi longtemps, et sans trop sourciller, un
régime aussi dictatorial et corrompu que celui du Tunisien Ben Ali. Mais cet
étonnement est en soi une surprise. N'est-ce pas le sort commun, pour notre
pays, que d'entretenir des relations, bonnes ou mauvaises, proches ou plus
lâches, d'amitié, d'histoire ou de simple intérêt économique, avec des Etats
qui paraissent n'exister que pour enrichir leurs dirigeants, au besoin par la
force, et toujours par la peur'

Si la morale ou l'esprit de justice commandait aux relations
internationales et aux échanges économiques, si la géostratégie était de
l'ordre du sacré, nous serions à peu près seuls sur terre, en compagnie de nos
cousins européens, des deux grandes démocraties nord-américaines et, depuis
peu, de quelques pays sud-américains. Du Japon aussi. De la Corée du Sud. De
l'Australie et de la Nouvelle Zélande' Turquie, Israël' On en oublie,
forcément. Au-delà, la planète nous serait à peu près interdite, sous peine
d'avoir à renier nos valeurs. Le monde manque cruellement de structures de
contrôle, parlementaires ou judiciaires, de ces grands jurys qui empêcheraient
présidents ou généralissimes, monarques d'opérette et princes du désert, de
considérer les principales productions de leurs pays comme des biens
personnels.

Et soudain, des images du passé

Pendant que la télévision tunisienne exposait des bijoux récupérés sur
les avoirs de son ex-famille régnante, d'autres chaînes diffusaient des images
du retour impromptu de Jean-Claude Duvalier en Haïti. De ses déclarations, on comprenait que Bébé
Doc, chassé, en 1986, par la perte de la protection américaine et par une
insurrection populaire, et réfugié en France, manifestait le besoin de se
réconcilier avec son peuple et d'aider à la reconstruction de l'île. Mais on
apprenait qu'en réalité, il tentait, par ce retour, de donner des gages à une
banque suisse, qui bloque un compte de plus de 6 millions de dollars, depuis
son départ précipité du pays, à bord d'un avion de l'US Air Force. Ainsi,
pendant que les démocrates tunisiens tentent d'établir le montant des
détournements financiers des proches de Ben Ali, et que les banques
occidentales consentent à geler leurs avoirs indus, voilà que reviennent les
fantômes des pillages organisés, à trente et quarante ans de distance, par la famille
Duvalier ?dictateurs «de père en fils», comme dans l'épicerie' François, dit
Papa Doc, puis Jean-Claude, à la mort du premier, en 1970.

Les opposants haïtiens, et les premières ONG à se pencher sur la
corruption des dirigeants gouvernementaux avaient alors estimé que Jean-Claude
Duvalier était parvenu à exfiltrer de Port-au-Prince quelque 600 millions de
dollars, somme alors supérieure à la dette extérieure haïtienne, et surtout
constituée d'un détournement constant de l'aide internationale (on a même parlé
de 80% de celle-ci).

D'autres images remontant du passé. Somoza déterrant, le 17 juillet
1979, l'or enfermé dans des cercueils, et enfoui dans les tombes du cimetière
de Managua, avant de filer à Miami, cinq avions se suivant, chargés des
produits de la corruption, de sa famille, de ses proches et de ses généraux'
Somoza était enfin vaincu par la révolution sandiniste.

retrouver ce média sur www.ina.fr

Le Nicaragua était
libre, après quarante-trois ans de mise en coupe réglée, et là aussi, selon une
tradition de succession familiale. Mais la télévision montrait bien, à
l'aéroport de Miami, que l'ex-homme de la CIA n'était pas arrêté. Il était
juste un roi en exil, comme il s'en trouvait, et s'en trouve toujours dans les
stations balnéaires occidentales, pressé d'aller toucher les dividendes de ses
placements, aux Etats-Unis ou en Europe.

retrouver ce média sur www.ina.fr

Le général Augusto Pinochet' Après son arrestation, à Londres, en 1998,
les juges espagnols, dont le courageux Carlos Cerda, mettent en lumière un enrichissement de près
de 27 millions de dollars, placés par l'ancien dictateur ou sous des noms
d'emprunt. The Washington Post
révèle aussi qu'une banque anglaise, la Riggs, a aidé le caudillo à dissimiler
un compte fort bien pourvu. N'aurait-on pas pu lui demander de restituer cet
argent, ou le lui reprendre plus tôt' Le Chili, que l'armée avait muselé sous
son autorité de fer, était pourtant redevenu une démocratie parlementaire
depuis 1990. Mais le vieux général, demeuré chef des armées jusqu'en 1998, puis
sénateur à vie, bénéficiait, dans son pays, d'une parfaite immunité.

C'est ainsi, les grandes démocraties, la puissance occidentale, tout
comme l'ONU ou le FMI, ne savent pas, ne peuvent pas, souvent ne veulent pas,
empêcher les dirigeants des pays moins avancés ou moins libres de faire leurs
les mannes financières de leur collectivité nationale. Comme si, une fois répartis
entre la France, l'Angleterre, les Etats-Unis et quelques autres, les principes
hérités des Lumières, les pays suivants de l'ère moderne, les «émergents»
d'alors, avaient choisi, pour gouverner, de s'en tenir aux manières simplistes
des temps barbares qui avaient précédé la civilisation. Même le communisme,
éclairé par la marche en avant du stalinisme, n'a pas pu empêcher que les
régnants se conduisent comme des rois de France, imposant leurs gabelles à tous
les impôts perçus, à toutes les industries locales, à toutes les richesses du
sous-sol national.

Une tradition bien établie

Ces monarchies de comportement, héritées souvent du colonialisme, sont
encore à peu près partout officiantes, et la révolution tunisienne est sans
doute l'une des toutes premières bonnes nouvelles, depuis la dernière Guerre
mondiale. Le pétrole a remplacé les razzias des hommes d'armes du XVIIe
siècle, c'est à peu près tout. On prend sa dîme. On se sert, au nom d'une sorte
de préséance naturelle ou historique, et parce qu'on commande à la police. Les
puissances occidentales font avec, en se pinçant le nez, si elles veulent
commercer, ou maintenir leur influence diplomatique. La France, à travers le
groupe Total, en Birmanie. Les Américains, en Irak, et dans le Golfe, au
Mexique. En Afrique, dès les premières indépendances de 1960, les nouveaux
maîtres, au Sénégal, au Gabon, en Côte d'Ivoire ou au Tchad, ont montré
d'excellentes dispositions pour le vol à la tire, et comme cela arrangeait les
affaires de ses industries, comme cela s'inscrivait encore en positif dans son
économie, la France a fermé les yeux.

La tradition, les décennies passant, est désormais bien établie. Les
rôles distribués. On s'indigne à la chute du tyran prévaricateur. Notre presse.
L'opposition. Même les conseillers qui, comme Henri Guaino, tentent, ces
jours-ci, sur les ondes, de relativiser la faute gouvernementale, dans
l'affaire tunisienne. Mais comme la fin mouvementée des dictatures
des Duvalier, de Somoza ou de Pinochet, l'opportunité offerte par la Tunisie de
dénoncer plus tôt, tout au long de son exercice, un pouvoir autoritaire et
malhonnête, de le condamner en procès publics, ne restera probablement qu'un
rêve d'utopistes.

Même Castro...

Car il y aurait sans doute trop à faire, et les grandes démocraties
manquent de constance dans l'idéal. Trop de régimes, autour de nous, dérogent
aux règles de la probité financière. En Afrique, qui parierait sur la
modération salariale de l'ex-président Gbagbo' Quelle part des dollars de l'or
noir les royaumes et sultanats du Golfe redistribuent-ils' Haj Bolkiah, sultan
de Brunei, du côté de Bornéo, disposerait de 22 milliards de dollars, ce qui
ferait de lui, selon le magazine Forbes, la tête couronnée la plus riche au
monde. Un héritage' Non, le pétrole. Lequel a pratiquement pris partout le
statut d'une propriété de famille, étendue aux seuls cousins.

Qui peut parier sur la moralité des généraux birmans ou indonésiens' Des
gouvernements du Pakistan, et même de l'Inde' Du Liban, de la Syrie' Des
anciens dominos de l'ex-Union soviétique' En Mongolie, les ministres se
contentent-ils de leur salaire officiel' En Afghanistan, le président Hamid
Karzai déclare une rémunération de 580 francs suisses par mois. Qui peut le
croire'  

Même dans un tel cas, la tempérance personnelle des présidents est
battue en brèche par les rackets de leurs épouses ou de leurs frères, ou les
postes occupés par leurs enfants ?Kadhafi en a huit, l'aîné dirige l'opérateur
libyen des télécommunications' Et même à propos des idéologues, des libérateurs
populistes et de gauche, comme Chavez, les soupçons d'enrichissement restent
entêtants. Même le vieux Fidel Castro est soupçonné par les Américains de
posséder un avoir secret de près de 600 millions d'euros. Même Castro' Même
lui.

Philippe Boggio

Membre Juif.org





Dernière mise à jour, il y a 19 minutes