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Diplomatie : Israël & le Moyen-Orient

Nicolas Sarkozy saura-t-il trouver l'instant Mitterrand'

Il y a deux façons de
voir les événements du Caire. Si l'on vit en Europe ou aux Etats-Unis, ou bien
si l'on vit en Iran ou si l'on regarde la chaine de télévision qatari, Al-Jazeera.
Aux Etats-Unis, en Europe, et pour beaucoup de manifestants égyptiens, c'est la
liberté qui compte. On se réjouit donc de voir cette liberté en mouvement et de
constater qu'elle est bien cette valeur universelle à laquelle chaque peuple
aspire, et dont chaque peuple se saisit dès lors qu'il en a la possibilité.

Si on lit, en revanche,
la presse iranienne ou si l'on écoute Al-Jazeera, nous sommes à l'aube d'une
nouvelle révolution  iranienne. Au
départ, la force de la révolution tunisienne avait pu laisser penser, au
contraire, que nous assisterions à l'inverse de la révolution qui, en 1979,
porta Khomeiny au pouvoir. Mais l'Egypte n'est pas la Tunisie. Autant, en
Tunisie  les forces démocratiques
restent en mesure de préserver leur révolution, autant, en Egypte, la question
de la force et de l'emprise des Frères musulmans est posée.

En Tunisie, depuis
Bourguiba, l'Etat est resté laïc et la société civile a pu prendre son essor en
dehors des structures religieuses. En Egypte, en revanche, le pouvoir est allé
de concessions en concessions et a inscrit l'islamisme dans toutes les sphères
de la vie publique et privée.

L'Egypte, pays majeur du monde
arabo-musulman

En Tunisie, une victoire
de la démocratie n'est pas de nature à modifier l'équilibre de la région. Quant
à l'Egypte, elle est la pièce maitresse d'un dispositif complexe qui rendait
incontournable le soutien à Hosni Moubarak.

L'Egypte est en effet,
avec l'Arabie Saoudite, le principal point d'appui des Etats-Unis dans le monde
arabe. L'aide américaine y est décisive et représente chaque année près de 2
milliards de dollars. L'Egypte est aussi, et surtout, le premier pays
arabe  à avoir osé la paix avec
Israël et à s'être maintenu ensuite dans une position de médiateur vis-à-vis de
l'ensemble du monde arabe. Elle est enfin, depuis François Mitterrand, un point
d'appui essentiel à la diplomatie française: sans l'Egypte et sans Hosni
Moubarak, qui en assurait la co-présidence, Nicolas Sarkozy ne serait jamais
parvenu à esquisser l'Union pour la Méditerranée, laquelle n'a désormais plus
guère de chances de prospérer.

La question est
maintenant posée de savoir si, de pays en pays, l'ensemble du monde
arabo-musulman est en train de voir naitre une sorte de Printemps des peuples
dont le moteur est la liberté et l'objectif, l'établissement de la démocratie.
Ou bien, si une fois passé l'élan révolutionnaire, se mettront en place des
régimes dominés par un islamisme radical, dont on sait qu'il est
fondamentalement hostile à toute forme de vie démocratique, celle-ci étant
assimilée aux valeurs occidentales.

Le schéma
intermédiaire étant celui de la Turquie qui explique qu'elle pratique, au
regard de l'islamisme, une sorte de réplique, mutatis mutandis, de la
démocratie chrétienne. Un islamisme donc à visage démocratique. La
contradiction devant laquelle se trouvent nos gouvernements  est, dans ce domaine, toujours la même:
d'un côté le triptyque autoritarisme-stabilité-grantie des équilibres
internationaux; d'un autre côté, liberté, cohérence avec les valeurs que l'on
défend, remise en cause des équilibres. Et selon que l'on place le curseur du
coté des grands principes ou du coté de ses intérêts propres, on définit une
attitude différente.

Le rouleau compresseur américain

Pour Israël, les choses
sont simples; à la mesure de l'intensité du danger encouru, si les Frères
musulmans parvenaient à leurs fins, c'est-à-dire au pouvoir, en tournant le dos
aux accords qui lient les deux pays. La hantise, pour Israël, est la suivante:
après la défection de la Turquie, ancien pilier du système de défense
américain, ancienne alliée privilégiée d'Israël, aujourd'hui proche de Téhéran,
avec la transformation progressive de l'Irak en république chiite ? donc elle
aussi future alliée de l'Iran ? avec un Liban qui est en train de passer sous
contrôle du Hezbollah, et une Jordanie dont on voit bien qu'elle est en cours
de déstabilisation, Israël
se retrouverait encerclée. Pour Israël donc, pas d'hésitation : toute
solution doit être aussi proche que possible de la ligne Moubarak.

Les Etats-Unis en
revanche, ont fait le choix d'encourager le changement et ce en parfaite
cohérence avec la doctrine énoncée précisément au Caire par Barack Obama, qui
appelait des dirigeants du monde arabe à gouverner désormais «par le consentement
et non plus par la coercition». Très tôt, Barack Obama a donc demandé «une
transition dans l'ordre». Puis, devant les tergiversations d'Hosni Moubarak, le
président américain à réclamé le changement «maintenant»! Et ce sont aujourd'hui
des contacts permanents entre Washington et Le Caire pour tenter de mettre sur
pieds les modalités d'une transition autour du général vice-président Omar Souleiman.

Par ailleurs, les
Etats-Unis discutent avec les Frères musulmans, dont ils essaient d'obtenir la
garantie qu'ils ne remettraient pas en cause le traité de paix avec Israël.

Le contraste est frappant
entre d'une cette confiance américaine dans l'issue démocratique de la crise et
les moyens déployés ? une ingérence en bonne et due forme ? par Washington pour
y parvenir, et d'autre part la retenue dont avait fait preuve les Etats-Unis
lors de la révolte populaire et démocratique qui s'était dressée conte le
trucage des élections en Iran par Ahmadinejad et ses soutiens radicaux.

Une diplomatie aveuglée

Il est vrai que tout le monde
avait alors approuvé cette retenue, au motif qu'il ne fallait pas
qu'Ahmadinejad puisse se prévaloir de pressions américaines pour solidariser le
peuple autour de lui. Ce parallèle est donc injuste même si cette opposition
démocratique en Iran, dont on peut penser qu'elle était majoritaire dans les
urnes, semble abandonnée à son triste sort : elle continue d'être chaque
jour broyée par les polices de toutes sortes qui règnent en Iran.

L'Iran précisément: en
1978, Jimmy Carter s'était trouvé dans la situation qui est aujourd'hui celle
de Barack Obama, placé devant la nécessité de lâcher son allié de toujours au
profit d'un mouvement populaire, qui fut lui-même rapidement écarté par les
Mollahs. A Téhéran, à l'époque, il y avait dans la rue un consensus entre les
partisans des droits de l'homme et ceux des Mollahs. Comme il y a aujourd'hui,
en Egypte, un consensus apparent entre ceux qui réclament le pain et la liberté
et les Frères musulmans. La différence étant qu'en Egypte c'est l'armée, ossature
du régime depuis sa naissance autour du colonel Nasser, qui est le véritable
arbitre de la situation.

La France, enfin, a fini
peu pu prou par s'aligner sur la position américaine. Sa prudence est en fait
le signe qu'elle n'a pas su, et ne sait toujours pas, concevoir un monde sans
Moubarak, comme l'avait expliqué ici
même Daniel Vernet. Il est vrai qu'après l'aveuglement manifesté lors des
événements tunisiens, cela commence à faire beaucoup pour une diplomatie que
l'on aurait cru mieux armée, plus pertinente.

Les vieilles cartes de la génération Mitterrand

Certes, il ne faut pas
surévaluer la capacité des gouvernants, pas plus que celle des observateurs, à
déceler, à temps, le moment et l'intensité d'un mouvement historique. Souvenons
nous du retard à l'allumage, c'est le moins que l'on puisse dire, du président
Mitterrand face à l'effondrement de l'empire soviétique et face à la chute du mur. N'était-il
pas allé à Berlin-Est au pire moment'

Contresens historique qui
venait du fait que la génération Mitterrand ne concevait pas de pouvoir
assister un jour à l'unification de l'Allemagne. Cela n'enlève rien aux
qualités dont fit preuve ce même François Mitterrand lorsqu'il a fallu échanger
l'unité allemande contre l'ancrage européen de l'Allemagne. Ce fut une
négociation historique entre Mitterrand et Kohl et nous profiterons longtemps
encore, aussi longtemps que durera l'euro, des fruits de ce rattrapage
inespéré.

Constatons donc que
l'accent mis par Nicolas Sarkozy sur ses relations personnelles avec Ben Ali et
avec Moubarak l'a empêché de concevoir que l'un puis l'autre puissent être si
rapidement déstabilisés.

Le même Nicolas Sarkozy nous
avait pourtant habitué à mieux, que ce soit sur le front européen où il est
toujours actif et, le plus souvent, efficace, ou sur celui, naissant, du G20.
Mais il vient de nous livrer une triste partition tour à tour:

-     
inefficace (c'est Nicolas Sarkozy
enjoignant à Laurent
Gbagbo de partir «avant la fin de la semaine», lequel Laurent Gbagbo est
toujours là);

-     
à contresens en Tunisie (avec
l'idée qu'il suffisait d'appeler Ben Ali à la retenue et à la sagesse face aux
manifestants);

-     
absente, en Egypte, avant de se
caler, du bout des lèvres, sur la position américaine.

On peut toujours se
demander : mais où est donc passé le Quai d'Orsay' On sait qu'avec Nicolas
Sarkozy plus encore qu'avec ses prédécesseurs, c'est l'Elysée qui pilote la
diplomatie, en direct. Comment expliquer autrement que l'ait pu passer, sans
crier gare, de Bernard Kouchner, symbole du droit d'ingérence, à son contraire,
Michèle Alliot-Marie, tenante d'une formation politique qui a toujours prôné le
réalisme contre le «droit de l'hommisme». C'est qu'aux yeux du chef de l'Etat
cela n'a aucune importance. Encore faut-il que l'Elysée soit à la hauteur.

La
suite dira si Nicolas Sarkozy peut se rattraper aussi brillamment que François
Mitterrand en d'autres circonstances. Quels que soient nos bévues et notre
impuissance, quel que soit le jeu des uns et des autres, il nous reste à
espérer qu'une Egypte nouvelle, démocratique et fidèle à sa vocation de
médiatrice, parvienne à émerger.

Jean-Marie Colombani

Membre Juif.org





Dernière mise à jour, il y a 27 minutes