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Diplomatie : Israël & le Moyen-Orient

Intervention en Libye: conversation autour d'un narghilé

Un café du Caire, de Ramallah ou de Damas. Deux hommes, deux arabes, discutent autour d'un narghilé et opposent leurs points de vue. Le premier, appelons-le Hassan, soutient l'intervention
internationale en Libye. Le second, que nous nommerons Yassine, est
farouchement contre.

Hassan: Comment peux-tu t'opposer à une intervention contre ce
fou de Kadhafi' Comment peux-tu accepter qu'il tire sur son peuple sans que
rien ne soit fait pour l'en empêcher'

Yassine: Les rebelles libyens ont commis une énorme erreur
stratégique en prenant les armes.

Hassan: Mais c'est Kadhafi qui a militarisé la révolution! Au
début c'était un mouvement pacifique comme en Tunisie et en Egypte.

Yassine: Au Yémen aussi l'armée a tiré, il y a eu des morts, en
Egypte et en Tunisie aussi. Mais les manifestants ont obéi au mot d'ordre
pacifique. Au Yémen par exemple, il y a des armes partout et bien les
manifestants n'ont pas choisi la violence pour autant!     

Hassan: Tu ne peux pas comparer! En Tunisie, l'armée s'est
rangée du côté du peuple et en Egypte elle a poussé Moubarak dehors et elle a
négocié. Au Yémen, de grands officiers viennent de faire défection et c'est
plus inquiétant car l'armée n'est plus unie. Mais en Libye, c'est très
différent: l'armée a  été
complètement marginalisée par Kadhafi. Ce sont ses milices et les structures
paramilitaires qui ont poussé la foule à prendre les armes.

Yassine: N'empêche! Ce type d'intervention va tuer la
révolution libyenne, elle renforcera Kadhafi, sur une partie du territoire au
moins. Il va se poser en victime d'une agression néo-coloniale. Déjà, en
Egypte, des comités d'intellectuels arabes sont en train de se constituer
contre toute intervention étrangère'

Hassan: Mais aujourd'hui ce sont les jeunes arabes urbanisés
de 25-30 ans qui ont de l'influence! Ce sont eux qui font pression. Pour la
première fois, les régimes arabes (Syrie, Algérie, Soudan, Yémen) qui ne
veulent pas de cette intervention n'osent pas le dire tout haut. Ils ne peuvent
pas  aller contre la solidarité
émotionnelle que la jeunesse arabe exprime sur Facebook ou Twitter.

Yassine: D'accord pour dire que les peuples  arabes sont  plus solidaires que jamais: nous avons  enfin un «nouveau projet arabe» au nom
de la démocratie, des droits de l'homme et de la dignité! Mais justement, cette
intervention internationale va à l'encontre de notre dignité retrouvée' Tout ça
parce que les Occidentaux veulent préserver leur accès au pétrole'   

Hassan: Tu as peur d'un nouveau scénario à l'irakienne comme
en 2003! Mais je te rappelle que ni les Nations unies ni la Ligue arabe
n'avaient soutenu l'intervention américaine de 2003 en Irak. Et aujourd'hui la
résolution 1973 des Nations unies exclut clairement «le déploiement d'une force d'occupation étrangère sous quelque forme
que ce soit et sur n'importe quelle partie du territoire libyen».  

Yassine: Une résolution qui n'a eu que 10 voix pour (avec 5
abstentions importantes: Chine, Russie, Allemagne, Brésil, Inde) et qui reste
très vague. A partir du moment où ce sont les militaires qui prennent les
décisions opérationnelles, le rôle des responsables politiques (France, Etats-Unis,
Grande-Bretagne) se marginalise; les frappes aériennes vont être plus dures, au
nom de l'efficacité militaire, d'où des abus possibles touchant des civils.  

S'il y a trop de victimes civiles, cela pourrait faire
le jeu de Kadhafi qui espère bien pouvoir s'en tirer, comme Saddam Hussein en
1991. Il avait été chassé du Koweit qu'il avait occupé, mais ça n'était pas
allé plus loin. A l'époque aussi, la Ligue arabe et les Nations unies avaient soutenu
l'intervention pour chasser les troupes de Saddam.

Hassan: On est d'accord sur ce point. Kadhafi espère qu'il
pourra rester au pouvoir comme Saddam Hussein en 1991, même s'il lui faut accepter
définitivement une zone d'exclusion aérienne, sur la région de Benghazi par
exemple, un peu comme  ce qui s'est
passé au Nord de l'Irak pour protéger les Kurdes.   

Yassine: Quant au soutien de la Ligue arabe aujourd'hui, ça
ne vaut pas grand-chose! Il faudrait plutôt parler du soutien de l'axe modéré (les
pays du Golfe) tandis que l'axe dur (Syrie) est contre. Il n'a pas fallu deux
jours pour voir les fissures: Amr Moussa a déjà émis des  réserves sur les bombardements qui
touchent des civils!

Hassan: Ne sois pas naïf! Amr Moussa était parfaitement au
courant qu'il y aurait des bombardements et donc des risques de dégâts
collatéraux. Il a dû être inondé de coups de fil de différents leaders arabes (probablement
de Syrie, d'Algérie, du Yémen). Ceux-là même qui s'inquiètent qu'il puisse leur
arriver la même chose s'ils matent trop violemment leurs opposants. En invoquant
les victimes civiles, Amr Moussa donne le change à ces  leaders arabes'

Yassine: En tout cas, il y a comme toujours deux poids deux
mesures. Ça fait 63 ans que les Nations unies votent des résolutions contre
Israël sans qu'elles ne soient exécutées. Et il n'a pas fallu 24 heures aux
Nations unies pour mettre en ?uvre  une nouvelle résolution contre un pays arabe.

Hassan: Ce n'est pas parce qu'Israël ne respecte pas les
résolutions votées par les Nations unies que les régimes arabes doivent faire
la même chose. Les régimes arabes se sont trop longtemps servis de cet argument
pour opprimer leur peuple et justifier l'état d'urgence. Arrêtons de nous
cacher derrière le conflit israélo-palestinien pour justifier la loi de la
jungle dans nos pays arabes!

Ariane Bonzon

Ce dialogue a été  construit à partir d'interviewes réalisées au téléphone par
l'auteur auprès d'arabes (universitaires, responsables politiques et militants
de bords opposés) vivant au Liban, en Egypte, en Palestine et en Syrie. Les
propos sont authentiques, seule la forme de dialogue est imaginaire.  Merci au
politologue Ziad Majed pour son aide. 

Membre Juif.org





Dernière mise à jour, il y a 1 minute