Lorsque Israël a dévoilé le système Arrow-3 en Allemagne la semaine dernière pour la protéger d'une éventuelle attaque de missiles balistiques russes, seulement 80 ans après l'Holocauste, la réalité a dépassé toute imagination, a déclaré l'ancien chef de la défense aérienne israélienne, le général de brigade Ran Kochav, au Jerusalem Post.
Soulignant que ce processus bouleverse l'histoire, il a déclaré : « Moins de 80 ans après que les avions de la Luftwaffe ont terrorisé l'Europe et décimé notre peuple, l'État juif fournit à l'Allemagne le parapluie qui protégera son espace aérien. C'est le triomphe de l'esprit et de la résilience israéliens. »
« Le fait que l'Allemagne, 80 ans après l'Holocauste, choisisse la technologie israélienne pour protéger ses citoyens revêt une signification profonde. Cela témoigne du chemin parcouru par les deux pays et de la confiance mutuelle qui s'est construite », a affirmé Kochav.
L'ancien chef de la défense aérienne israélienne a poursuivi : « Il y a des moments dans l'histoire où la réalité dépasse l'entendement. La semaine dernière, lors de la livraison des composants des batteries Arrow-3 au gouvernement allemand, nous avons été témoins d'un de ces moments.»
Évoquant plus personnellement son expérience concrète du commandement du système Arrow au sein de la défense aérienne israélienne, il a déclaré : « Ayant commandé cette unité, puis l'ensemble du système de Tsahal, je me souviens des longues nuits passées dans les voitures de contrôle, de l'immense tension avant chaque essai et du lourd sentiment de responsabilité.»
Kochav a raconté au Post comment il s'est retrouvé du jour au lendemain commandant d'une batterie Arrow suite au limogeage de son prédécesseur.
Bien qu'il fût plus gradé, Kochav a expliqué avoir suivi pendant plusieurs semaines une série de formations de base avec de jeunes recrues, afin d'apprendre le fonctionnement du système : armement, fonctions de surveillance, systèmes de commandement et de contrôle, et systèmes radar.
Il est finalement devenu commandant non seulement d'une seule batterie Arrow, mais de toutes, et enfin du commandement de la défense aérienne de Tsahal.
Bien que Kochav fût extrêmement fier de son unité Arrow, il confia au Post sa grande déception lors de la Seconde Guerre du Liban en 2006. Le haut niveau de préparation opérationnelle de son unité ne lui permit pas de contrer la menace de roquettes de bien moindre qualité que le Hezbollah déversait sur le nord d'Israël.
Il fallut attendre près de six mois avant qu'Israël ne produise le Dôme de fer pour contrer les roquettes de moindre puissance, Jérusalem ayant commencé le développement de l'Arrow bien plus tôt après avoir été attaquée par des missiles balistiques irakiens lors de la guerre du Golfe de 1991.
Kochav partagea également avec le Post une anecdote personnelle : son voyage en Alaska après la Seconde Guerre du Liban pour tester le système Arrow-3, plus perfectionné, capable d'abattre des missiles au-delà de l'atmosphère.
Kochav raconta en riant avoir été « gelé comme une glace » et précisa qu'il lui avait fallu trois jours pour se rendre sur place et trois jours supplémentaires pour rentrer en Israël, pour seulement deux jours d'essais.
Il a déclaré être très fier d'avoir abattu le premier missile balistique d'Arrow-3 avec une équipe comprenant Boaz Levy, alors spécialiste de la défense antimissile chez Israe Aerospace Industries (IAI).
Levy est ensuite devenu président d'IAI et Kochav, directeur de la défense aérienne israélienne.
Kochav a ensuite affirmé : « À l'époque, la mission était de défendre Tel-Aviv, Haïfa et Jérusalem. Aujourd'hui, cette technologie, fruit de l'ingéniosité de nos meilleurs ingénieurs, est déployée pour défendre Berlin.»
Décrivant ensuite « le summum de la technologie », il a expliqué : « L'Arrow-3 n'est plus un missile ; c'est un vaisseau suicide. La capacité de détruire une cible en collision frontale, hors de l'atmosphère, dans l'espace, à des vitesses hypersoniques, relève de la science-fiction devenue réalité grâce aux ingénieurs israéliens. »
De plus, Kochav a déclaré que le système Arrow « utilise un autodirecteur perfectionné (véhicule d'interception) qui intercepte et détruit la cible par la seule énergie cinétique (impact direct). Cette technique est la plus précise et la plus efficace pour détruire les missiles balistiques hors de l'atmosphère. »
Évoquant un autre aspect majeur de cette acquisition, il a affirmé : « La vente du système de défense aérienne Arrow-3 d'Israël à l'Allemagne… est le plus important contrat d'exportation d'armement de l'histoire d'Israël et une étape importante qui redéfinit l'architecture de défense aérienne multicouche de l'Europe. »
« Cet achat, réalisé dans le cadre de l'initiative « Bouclier céleste européen » (ESSI) menée par l'Allemagne, constitue une réponse stratégique urgente à la menace croissante des missiles balistiques russes. L'invasion russe de l'Ukraine et l'utilisation généralisée de missiles balistiques modernes ont mis en évidence la grave lacune des capacités de défense aérienne européennes. »
Il a ajouté : « Si les systèmes existants permettent de contrer les menaces à basse et moyenne altitude (dans l’atmosphère), l’Europe ne dispose pas d’un système de défense aérienne capable d’intercepter les menaces à longue portée emportant des ogives de destruction massive.»
« Le système Arrow-3 a été choisi précisément pour combler cette lacune », a-t-il précisé, soulignant que « sa capacité à détruire des missiles balistiques (tels que le SS-26 « Iskander » ou les futurs missiles russes à longue portée) dans l’espace, loin du territoire européen, réduit considérablement les risques de dommages causés par les restes de missiles, les ogives nucléaires et chimiques.»
Un autre aspect unique de la fourniture du système Arrow par Israël à l’Allemagne réside dans son expérience éprouvée au combat.
Kochav a déclaré : « Nous ne vendons pas de simples démonstrations. Le système a fait ses preuves le 14 avril 2024 et début octobre 2024, lors des frappes de missiles iraniens. Il est intégré au système « Lions montants » (déployé en juin de cette année) et a été déployé tout au long de l'opération « Épées de fer » contre les menaces yéménites et iraniennes. L'Allemagne acquiert une sécurité éprouvée. »
« Israël est le seul pays au monde à posséder une expérience opérationnelle quotidienne en matière de défense multicouche. Ce savoir-faire, accumulé au fil de dizaines de milliers d'heures d'utilisation, est inestimable, et nous le partageons avec l'Allemagne », a-t-il ajouté.
Par ailleurs, l'ancien chef de l'aide à la défense a expliqué : « Nous ne nous contentons pas de vendre un système ; nous nous engageons dans un partenariat à long terme. Un soutien complet, une formation continue et des mises à niveau technologiques seront assurés afin de répondre à l'évolution des menaces. »
Il y a également l'aspect technique de cet événement majeur.
« Ces derniers mois, lorsque le monde observe Israël, il voit des guerriers courageux, mais aussi une nation capable de concevoir des solutions d'ingénierie et des technologies révolutionnaires. Des solutions uniques à des problèmes que presque personne d'autre ne sait résoudre », a déclaré Kochav.
Il a ensuite ajouté : « Les radars AESA d'Elta et les missiles Arrow de MLM constituent une combinaison technologique sans précédent. Notre capacité à mettre à jour les logiciels, à nous adapter aux nouvelles menaces et à améliorer les performances, voilà ce qui nous distingue.»
Revenant sur les relations israélo-allemandes, il a conclu : « Il ne s'agit pas d'une simple vente de technologies. C'est un partenariat stratégique profond avec l'Allemagne et l'OTAN, fondé sur la confiance mutuelle et le partage de valeurs communes, notamment la protection des vies civiles. »
