La Personnalité de la semaine

Benjamin TOUATI : Mon parcours personnel est essentiellement marqué par les mouvements de jeunesse juifs et l’université à la Française. C’est ce qui m’a amené à être successivement professeur de lycée, puis chef d’établissement, et enfin Directeur du seul organisme de formation « généraliste » des personnels des écoles juives de notre Communauté : l’Institut André et Rina NEHER.

B.T : L’Institut André et Rina NEHER a été créé en 1993 afin de professionnaliser l’enseignement donné à l’école juive. Dans le domaine de l’enseignement général il prépare les futurs « Professeurs des écoles » au concours de recrutement ainsi qu’au Master des métiers de l’enseignement par conventionnement avec l’université Paris IV. Les personnes déjà titulaires d’un Master 2 ou les parents de 3 enfants –même sans diplôme- n’ont à préparer que le Concours.
Depuis sa création l’Institut a formé environ 380 professeurs des écoles. Il faut savoir que nous partions d’une situation dans laquelle beaucoup d’enseignants n’avaient pas vraiment reçu de formation. Aujourd’hui la quasi-totalité des institutrices en postes en école juive sont titulaires des mêmes titres que leurs collègues de l’enseignement public.

B.T : Elle dure 2 ans à temps plein, dans les locaux de l’Institut (au Centre Rachi, rue Broca à Paris). Les étudiant(e)s y reçoivent une formation tant sur les contenus (mathématiques, français, Histoire, etc.) que sur les méthodes pédagogiques. Après la réussite au concours les lauréat(e)s sont en charge d’une classe dans une école, tout en continuant de recevoir régulièrement une formation continue chez nous.

B.T : Parce qu’aider un enfant à réaliser son potentiel est aussi un moyen de se réaliser soi-même. C’est un métier parfois complexe, qui nécessite beaucoup de professionnalisme, mais qui donne du sens à sa vie, un « supplément d’âme ». On a le sentiment très concret d’apporter sa petite pierre à l’Histoire juive. Car enseigner c’est permettre à des enfants d’acquérir des compétences, qui se transformeront en un métier, qui lui-même contribue à l’embellissement du monde, au « tikun olam ». A ce titre, enseigner les matières générales dans une école juive c’est s’inscrire dans une dynamique juive.

D’un point de vue plus pragmatique, c’est un métier qui permet de préserver sa vie de famille, le tout pour une rémunération qui est devenue très correcte.

B.T : Pas du tout. Nous avons aussi des programmes très réguliers à destination des professeurs d’enseignement juif, chez nous ou en établissement. De façon plus espacée nous formons aussi des directeurs d’écoles ; actuellement nous avons un programme pour de futurs directeurs de l’enseignement juif. Mais nous aidons aussi les écoles à rédiger des programmes d’enseignement, ou à la mise en poste de nouveaux collaborateurs.

B.T : Elle tient indéniablement d’abord à la qualité de nos formateurs, pour la plupart inspecteurs de l’éducation nationale (en activité ou retraités), professeurs d’université, rabbins. Mais le fait d’assurer, avec des formateurs d’horizons différents, à la fois des formations de matières d’enseignement général et de kodesh crée une synergie qui constitue un réel enrichissement de nos méthodes.

B.T : Nos partenaires principaux sont évidemment les écoles et les réseaux scolaires, sans distinction de taille ou de « philosophie ». L’Institut se veut en effet la « maison commune » des écoles juives de France. Nous travaillons donc en partenariat avec elle puisque nous travaillons pour elles.

B.T : C’est une communauté d’un dynamisme époustouflant. Pas de semaine sans que se crée une synagogue, un lieu d’étude ou une petite école. C’est aussi une communauté qui a la chance de posséder un très large noyau traditionnaliste, donc attaché à la transmission de la culture et des traditions juives. Le tableau est donc globalement très optimiste. Je crains cependant que cette partie émergée et flamboyante de la communauté ne cache une communauté immergée bien plus vaste, qui s’éloigne de plus en plus -et en silence- du noyau. Il faut donc varier l’offre communautaire pour élargir le filet.
Je crois aussi que nous gagnerions à être d’avantage à l’écoute de ce qui se fait dans le judaïsme israélien ou américain, parfois plus innovants. Mais en cela nous restons très français…

B.T : En vous disant que les enseignants de nos écoles, leurs directeurs, sont les piliers qui forment la communauté juive de demain, ici ou ailleurs. Il faut donc les respecter, leur offrir des conditions de travail motivantes, et …leur donner la meilleure formation. S’il est essentiel d’accroître la capacité d’accueil des écoles, il est au moins aussi important de soigner la qualité de leur personnel. Nous devons être capables d’attirer vers les métiers de l’éducation parmi les meilleurs d’une génération.