Cette synagogue se trouve à Edirne et n'est plus en activité depuis des décennies. Le Gouverneur de la province d'Edirne, Mustaf Buyuk, a fait une déclaration intéressante. Il a dit que la Turquie, dans sa grande bonté, va réparer cette synagogue et que les gens du monde entier viendront la voir et y célébrer leur rite...
Plusieurs choses viennent à l'esprit : la question que l'on se pose d'abord est de savoir si le Gouvernement turc va permettre que des services religieux israélites soient célébrés dans cette synagogue ou si elle sera considérée comme un musée, comme c'est le cas pour l'église arménienne d'Akhtamar ? En effet, le Patriarche arménien d'Istanbul, Mesrop Mutafian, avait demandé la permission de célébrer des offices religieux dans la Cathédrale Sainte-Croix rénovée par le ministère de la Culture turc, mais la permission ne lui avait pas été accordée, de même qu'avait été interdite la pose de la croix arménienne, sur le clocher de cette merveille architecturale... Cette censure et ces brimades n'avaient pas cependant entravé une "opération de relations publiques" phénoménale qui avait fait l'objet d'une mise en scène répercutée au niveau international.
Ensuite, rappelons qu'en 1934, il y avait eu un important pogrom contre les Juifs d'Edirne et qu'il n'y a plus de Juifs là-bas (de même que, suite au génocide de 1915, il n'y a plus d'Arméniens à Van). Ce pogrom ne devait pas être un cas isolé puisque la Grande Synagogue avait été construite en 1907 pour remplacer 13 synagogues détruites dans des incendies...
Enfin, comment ne pas rapprocher cette décision "bienveillante" du gouvernement turc, du contexte géo-politique de la région et des récentes tensions israélo-turques ? La crise de Gaza et le clash de Davos n'ont pas eu de mal à réveiller en Turquie un antisémitisme toujours latent (voir nos liens plus bas). Le Jerusalem Post a justement mis en ligne le 10 décembre dernier un article consacré aux synagogues sinistrées de Turquie : "Un photographe juif turc a fait une compilation photographique des synagogues d'une communauté en diminution. L'image montre l'entrée de la Grande Synagogue abandonnée et en train de s'effondrer, dans Edirne, ville du nord-ouest de la Turquie, près de la frontière avec la Grèce et la Bulgarie. La communauté juive de la ville comptait autrefois environ 30.000 membres. Seule une poignée de Juifs reste et plus aucune synagogue en activité".
Les annonces et les effets de manche des dirigeants turcs se suivent et se ressemblent. L'information concernant la restauration de "la plus grande synagogue du monde" tombe à pic pour tenter de renverser la vapeur et faire croire que "tout va pour le mieux entre la Turquie et les Juifs". Oubliés les manifestations antisémites, les pancartes "Entrée autorisée aux chiens, interdite aux Juifs et aux Arméniens", le fait que Mein Kampf ait été en 2006 un best-seller en Turquie, et autres joyeusetés... Le message envoyé par Ankara est clair : le moment serait vraiment mal choisi pour les associations juives des Etats-Unis, d'encourager, comme la diplomatie turque le craint, le passage d'une résolution visant à faire reconnaître le génocide arménien par le Congrès américain et le Président Barack Obama.
Quoiqu'il en soit, une affaire à suivre de près, tant il est vrai que les dirigeants turcs sont passés maîtres dans l'art de faire l'inverse de ce qu'ils déclarent. Dernier exemple en date : la Turquie avait annoncé il y a peu, changer ses manuels scolaires pour ne plus y présenter les Arméniens de manière raciste et stigmatisante. La réalité est toute autre : le site turc Birgun vient de révèler que les enseignants des écoles primaires (!) de Turquie sont actuellement obligés de diffuser un DVD négationniste, raciste et violemment anti-arménien à tous leurs jeunes élèves. Les professeurs doivent ensuite établir un rapport relatant leurs cours et les réactions des enfants.
Ainsi va la démocratie en Turquie.
Et bientôt en Europe, du fait de la prochaine intégration d'un Etat négationniste, qui inculque le racisme et l'ultra-nationalisme à ses jeunes enfants, citoyens européens de demain.
