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La peur et l'éducation
La peur et l'éducation

La peur et l'éducation : l'association de ces deux mots sonne mal. Dans notre civilisation où l'éducation revendique entendement, raison et compréhension, la peur ne trouve plus sa place, et la mentionner relève de l'héroïsme. En effet, la peur fait bien souvent référence à la notion de traumatisme, elle est la conscience d'un danger imminent qui met l'être en péril. Plus la conscience du danger est forte, plus le sentiment de peur est intense. Or un sentiment de peur excessif peut conduire à une paralysie totale des sens et des fonctions cognitives et vitales.

L'image si souvent employée dans la Tora pour la décrire est « Et leur cour a fondu », et ce n'est pas sans raison. Toute la force et la vigueur de l'être disparaissent dans de telles circonstances, toute la raison et la volonté s'évanouissent alors - et il ne reste qu'un tas d'os et de chair qui n'a pas la possibilité de réagir devant les événements. La peur est donc un élément paralysant, et est a priori néfaste dans l'éducation. C'est ce que dit la Guemara dans Guittin 6b : « Un homme ne doit jamais répandre une peur excessive dans sa maison. »

Pourtant, faire peur est parfois considéré comme une «méthode« d'éducation. Il est vrai que la peur peut être reliée à la punition - mais une bonne punition ne doit pas avoir pour effet la peur. C'est pourquoi nous ne nous attacherons pas dans ce présent article à la punition en soi, mais à la peur qui résulte d'une punition mal adaptée à la compréhension de l'enfant. Car cette peur qui peut paralyser ses fonctions cognitives peut avoir des conséquences incontrôlables, voire extrêmes, que n'imaginait pas celui qui l'a provoquée.

D'où nos Sages ont-ils déduit qu'il ne faut pas exercer une trop grande pression dans sa maison ? Ils l'ont déduit de la célèbre histoire de la concubine de Guiv'a (Choftim/Juges chap. 19 - cf. tout le chapitre). Ce drame laissa sa trace durant de nombreuses années au sein du peuple juif, et entraîna la mort de plusieurs dizaines de milliers d'Israël. La peur du conjoint et de son comportement provoquèrent chez cette femme une réaction de détresse, qui se traduisit par une fuite devant le danger et obstrua toutes les voies de l'entendement et de la raison.

Nos Sages condamnent l'utilisation de la peur comme «méthode» d'éducation en rapportant deux histoires. La première est celle d'un enfant qui décida de faire l'école buissonnière. Lorsque son père l'apprit, il lui montra d'un geste qu'il serait puni. L'enfant pris de peur se sauva et se jeta dans un puits.

La deuxième est similaire : c'est celle d'un enfant qui cassa Chabbath une petite fiole. Ayant compris que son père le punirait, cet enfant prit également la fuite et tomba dans un puits (Sema'hoth chap. 2, § 4 et 5).

Ces deux anecdotes sont destinées à faire comprendre qu'il ne faut pas utiliser la peur comme moyen éducatif, car chez l'enfant la formation de l'intellect est en lente formation et n'est pas encore achevée. Chez lui, la distinction entre imagination et réalité n'est nettement définie. Et ce flou dans la perception enfantine est bien souvent source de peurs qu'il est dangereux d'exacerber. De ce fait, si la peur paralyse, elle mobilise aussi une énergie qui, au lieu de s'employer dans une direction sereine et réparatrice, risque de provoquer des manifestations nerveuses parasitaires.

L'utilisation de la menace - qu'il s'agisse de punitions anodines ou plus lourdes - est donc à prohiber dans l'éducation.  Ne jamais menacer doit être un principe incontournable dans notre éducation. L'imagination de l'enfant n'étant pas contrôlable, elle peut prendre des proportions démesurées et provoquer chez l'enfant un affolement aux conséquences graves. [C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, si ils en arrivent à cette extrémité, ils ont droit d'être inhumés dans une place normale dans le cimetière juif (et non point dans le carré réservé aux personnes qui se sont suicidées, cf. Roch, Mo'èd qatan chap. 3 paragraphe 94).]

D'après nos maîtres, la bonne manière de réagir face à une conduite répréhensible de l'enfant est de le punir immédiatement (Sema'hoth chap. 2, §6).

Qu'un enfant veuille mettre fin à ses jours est bien entendu une réaction extrême, rarement causée par la peur. Il est néanmoins fréquent qu'elle provoque des réactions nuisibles, tant au niveau de la formation de la personnalité que de son développement moral.

La peur peut annihiler toute possibilité de raisonnement jusqu'à faire fauter l'enfant, comme le montre l'histoire d'un grand juste : rabbi 'Hanina ben Gamliel dont la famille, par peur de sa réaction, lui servit des aliments non Kacher (Guittin 7a).

On voit couramment de nos jours, cette même réaction. Par peur de la punition ou de la menace d'une réprimande trop forte dont ils ne peuvent assumer la responsabilité, les enfants, répondent par une négation de la situation. Ils se mettent donc à mentir, voler, falsifier les signatures de leurs parents ; ils développent une attitude d'autoprotection malsaine et amorale. Il est capital de prendre en compte ce sentiment qu'est la peur chez l'enfant : elle le dépouille de ses facultés de réfléchir et de discerner entre l'imaginaire, le possible et la réalité. Elle détruit la faculté de s'assumer et de responsabiliser ses actes.

D'un autre côté, il est étonnant de voir mentionner tout au long de la Tora le mot de Yira (peur, crainte) « Ce que l'Eternel te demande uniquement, c'est de Le révérer, de Le craindre » (Devarim/Deutéronome 10,12). Toutes les sanctions décrites dans la Tora - et même les plus effroyables telles la lapidation, strangulation et décapitation - ne sont pas là pour éveiller en nous un sentiment de réconfort, mais bien un sentiment de peur.

De plus, nos maîtres nous décrivent de grands rabbanim qui, pour crédibiliser leur colère, cassent des ustensiles, déchirent les habits, et ceci, dans le seul but d'effrayer (Chabbath 105b). Les exégètes bien entendu expliquent que les ustensiles étaient déjà ébréchés, hors service, et les habits déjà décousus.

Mais leur but restait bel et bien celui de faire peur ! Comment est-ce possible ? Plus surprenant encore : nos Maîtres insistent sur l'importance de parler d'un ton extrêmement calme et doux lors du rappel à la maisonnée de faire ses trois Mitswoth, en veille de Chabbath : prélever la Terouma, préparer le 'Erouv et allumer les bougies.

La profondeur de compréhension de nos Sages n'a rien à envier aux meilleurs psychologues ou pédagogues. Le 'Ein Ya'aqov fait le point sur les trois comportements différents dont nous parlions : rabbi 'Hanina ben Gamliel qui faisait preuve d'une grande rigueur, les grands rabbanim qui usèrent de violence apparente, et l'injonction de parler calmement. L'enseignement qu'il tire de ces trois approches s'adresse à chacun d'entre nous et s'adapte à toutes circonstances. Car la peur, chez l'enfant - comme chez l'adulte - est une agression qui vise le « moi » le plus profond de la personne, qu'il soit vital, moral ou physique.

Le 'Ein Ya'aqov explique l'erreur de rabbi 'Hanina ben Gamliel. Comme il réprimandait les enfants directement, ceux-ci ne pouvant prendre aucun recul et assumer la responsabilité de l'erreur choisirent l'esquive. Ils préférèrent donner à leur père un aliment non Kacher. La fuite est plus facile devant le poids de la réprimande.

Le 'Ein Ya'aqov prohibe cette manière de corriger un enfant. Elle est inefficace et lèse sa personnalité. Elle crée un blocage qui l'empêche d'accepter les recommandations. Pour montrer leur totale désapprobation, les grands rabbanim, pour leur part certes cassent des ustensiles et déchirent des habits : mais leur comportement relève du spectacle ou de la comédie. Ils utilisent ce moyen pour souligner la gravité d'une action accomplie par leur maisonnée et apprendre à ne pas outrepasser les limites. Ils ne s'attaquent en aucun cas directement ou personnellement aux membres de la famille.

Il y a donc déplacement de l'élément sur lequel la peur est perçue. Ce n'est plus la personne qui a peur pour elle-même - mais l'action répréhensible devient l'objet de peur. C'est elle qui prend la forme du danger pour le bien-être de la personne.

Prenons l'exemple du vol : si un enfant est surpris en flagrant délit de vol, il va développer un sentiment de culpabilité qui va générer un sentiment de peur face à la situation dans laquelle il s'est mis : ses réactions pourront être la paralysie, la fuite ou la violence.

Ce même enfant pourrait se trouver tranquillement installé devant un enseignant lui décrivant les conséquences nuisibles du chapardage. Dès lors, le danger ne le menace plus directement, mais il provient de cette action de voler. Et plus le maître saura habilement montrer le danger et la gravité de l'acte, plus la perception de l'enfant sera forte et sa compréhension plus puissante. C'est exactement ce que faisaient les grands rabbanim. Un concept de morale ne peut être assimilé, intériorisé que s'il ne met pas en péril la notion d'être. C'est pourquoi, ils n'incriminaient jamais la personne elle-même.

Quant au troisième cas, celui du père qui rappelle à sa maisonnée les trois Mitswoth de 'Erev Chabbath, le 'Ein Ya'aqov l'explique de la manière suivante : un ordre, une recommandation adressés directement à l'enfant doivent être dites sur un ton calme, paisible et doux. Sinon, on pourrait créer une opposition.

Il est important aussi de différencier menace et avertissement. La menace - qui conduisit ces enfants à se jeter dans le puits - a engendré une peur incontrôlable. Et ce, pour trois raisons : la punition n'était pas définie, elle n'était pas immédiate, et l'enfant avait fait l'action, donc un sentiment de culpabilité était déjà présent en lui.

L'avertissement est par sa nature très différent. L'action n'est pas encore accomplie, elle ne s'adresse à personne en particulier. Son but est d'informer des conséquences de tel ou tel comportement et de faire prendre conscience de la gravité de ses conséquences.

Prenons l'exemple d'un enfant qui ne veut pas faire son lit. Sa mère le prévient que celui-ci n'est pas fait, il sera privé de bonbons. L'avertissement n'est là que pour aider l'enfant à réaliser ce qu'il va perdre si son lit n'est pas fait. Mais le but réel est de lui apprendre qu'il est important de faire son lit.

La mère veut le responsabiliser : il établira de lui-même la relation « lit pas fait = pas de bonbon », et aucun sentiment de peur ne le saisira. La seule peur qu'il pourrait éprouver, c'est de perdre son bonbon. Cette peur sera bénéfique, car elle lui fera prendre conscience de l'importance de faire son lit.

Les sanctions dont la Tora nous menace fonctionnent sur ce même principe, la peur qu'ils génèrent est celle de perdre un bienfait que l'on pourrait obtenir - ou de mériter une punition qu'on ne voudrait pas avoir. Elle fait appel à l'entendement et non à l'émotion.

Le Rambam va encore plus loin : il définit cette peur par un manque de maturité, par un manque de compréhension. Si l'enfant en question comprenait vraiment l'importance de faire son lit, le besoin de l'avertissement deviendrait inutile.

De même pour les interdits de la Tora, si l'on comprenait réellement la nécessité de telle ou telle loi, on pourrait se passer d'un avertissement,, lequel n'est finalement qu'un moyen d'aider à intégrer et à faire comprendre (à ce propos, il n'est pas besoin d'« avertir » un Talmid 'Hakham pour pouvoir le punir après une faute : son savoir est en lui-même un avertissement permanent).

C'est ce que dit Rambam : « On enseigne aux enfants. de servir D. par crainte jusqu'à ce qu'ils comprennent et arrivent à Le servir avec amour » (Hilkh.Téchouva chap.10, §5 et 'Ein Ya'aqov sur Guitin 7a).

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