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![]() Que vais-je dire à papa ? (récit pour 'Hanouka)
« De ma vie, je n’ai jamais vu autant d’argent dans une seule et même maison ! » pensa Rabbi Lipa. Responsable de collecter des fonds pour des institutions israéliennes de Torah, il séjournait chez Monsieur Hilkout à Milan en Italie. En attendant le maître de céans, il déambulait dans ce palais, hors du commun, où tout était luxueux : des lustres en cristal brillaient de mille feux, et des tapis artisanaux recouvraient des parterres en marbre... Une table somptueuse était dressée avec une vaisselle en porcelaine délicate, où des couverts en or et des verres en cristal étincelants se côtoyaient harmonieusement. Ebloui par tant de faste, il continua à faire le tour du propriétaire, satisfaisant sa curiosité quand, soudain, son regard s’arrêta sur quelque chose d’insolite… Sur une des étagères du buffet, trônait une Ménorah géante en or auprès de laquelle étaient éparpillés des bris de verre d’une bouteille. Cet étrange spectacle prêtait à sourire : des débris de verre dans un aussi beau palais… ils n’avaient vraiment pas leur place dans ce lieu ! Le maître de maison s’aperçut de l’air effaré de Rabbi Lipa et le questionna : - « Rabbi, vous vous étonnez de ces vieux débris ? » - « Oui, en effet, ils détonnent près de vos biens d’une valeur inestimable. » répondit résolument Rabbi Lipa. - « Oh, non, Rabbi, ces débris sont bien plus chers que tout l’or, l’argent et le cristal que je possède. Je leur dois tout… » - « A tel point ? » s’en étonna Rabbi Lipa. - « Oui. Il y a une bonne raison à cette place de choix. » répondit M. Hilkout sans équivoque. - « Pourrais-je en connaître la raison ? » demanda Rabbi Lipa, piqué par la curiosité. - « Sans aucun doute » répondit le maître de maison. Il commença à relater son histoire : « Je suis né en Hollande, j’ai étudié dans une yéchiva en pensant y demeurer toute ma vie. Mais à 18 ans, j’ai reçu une lettre de mon grand-père, qui vivait en Italie qui me demandait, en tant que premier petit-fils de venir l’aider dans son magasin, durant une courte période, car il ne se sentait pas bien. Mes parents y consentirent et même m’encouragèrent à voyager. J’ai donc abandonné, jeune, le monde de l’étude de la Torah, pour travailler dans le commerce. J’aidais mon grand-père au magasin, du matin au soir. Mais, malheureusement, l’état de mon grand-père empira. Au bout de quelques temps, il décéda… Mes parents voulurent me ramener au bercail, mais j’étais déjà pris dans un redoutable engrenage. La réussite me souriait et mes affaires florissaient. Le quota de marchandises vendues dépassait de loin celui de mon grand-père… Je prenais plaisir à chaque centime gagné et je décidais de rester en Italie. Mes affaires prospéraient de jour en jour. J’ouvrais de nombreuses succursales et travaillais d’arrache-pied. Un soir, je fus très pris et je fis l’impasse sur la prière de ‘Arvit... Ce fut mon premier faux pas et je glissais sur la mauvaise pente, qui éloigne du judaïsme. Au fil du temps, je ne priais pas Chah’rit, en pensant que c’était une exception et que demain serait un nouveau jour… Mais le lendemain ressemblait étrangement aux jours précédents… En me promenant, un jour, dans la rue, j’aperçus un groupe d’enfants juifs, qui jouaient, l’air heureux, comme tous les enfants du monde, quand soudain j’entendis un cri déchirant. En m’approchant, je vis un enfant entouré de ses amis, qui pleurait à chaudes larmes. Ses amis tentaient de l’apaiser mais l’enfant ne se calmait pas. Il répétait sans cesse comme une litanie : « Que vais-je dire à papa ? Que vais-je dire à papa ? » Je me rendis auprès de l’enfant pour plus d’informations. Il leva la tête vers moi, les yeux rougis, à force d’avoir pleuré. Les seuls mots qu’il parvenait à articuler, étaient : « Je suis en détresse ! Que vais-je dire à papa ? » « Que s’est-il passé, peut-être puis-je t’aider ? » lui demandai-je. L’enfant se tut, ses amis m’expliquèrent qu’il venait d’une famille très pauvre. Son père avait économisé, sou après sou, pour acheter une bouteille d’huile d’olives afin d’allumer la Ménorah, de la plus belle façon qu’il soit ! Aujourd’hui, il l’avait envoyé pour l’acheter et lui avait demandé de ne pas traîner en route. Mais, sur le chemin du retour, oubliant toutes les recommandations de son père, il se mêla aux jeux de ses amis et la bouteille se brisa en mille morceaux… Je contemplai l’enfant qui continuait à pleurer et à murmurer sans répit, avec une réelle inquiétude : « Que vais-je dire à papa ? ». Je ressentis de la douleur et de la pitié envers cet enfant. Je lui promis de lui venir en aide. Je lui demandai de m’accompagner au magasin, pour acheter une nouvelle bouteille d’huile d’olives, beaucoup plus grande que la première. Le bonheur se lut à nouveau sur son visage et tous ses amis en furent réjouis. Ce soir là, en rentrant chez moi, les mots cognaient dans ma tête avec un air où s’entremêlaient chagrin et tristesse : « Que vais-je dire à papa ?... Que vais-je dire à papa ?... » Alors, en un éclair, une petite voix s’infiltra en moi, qui répétait comme un leitmotiv : « Que vais-je dire à Papa… à mon Père qui est au ciel, qui m’a offert une âme précieuse en m’ordonnant d’y prendre soin ?… Que vais-je dire à Papa après ma mort ? J’ai tourné le dos au judaïsme ! Quel argument pourrais-je avancer au jour du jugement dernier ? » Je suis alors retourné sur mes pas, j’ai ramassé les débris de la bouteille et je les ai ramenés chez moi. Ce soir là, à l’étonnement de ma femme et de mes enfants, j’allumais la bougie de ‘Hanouka, ce que je n’avais pas fait depuis des années… Le lendemain, j’en allumai deux et j’en ajoutai une, chaque nuit, ce qui emplissait mon âme d’une autre source de lumière. Je regardais les bougies qui dansaient et dans mon cœur, un espoir brillait. Je me suis souvenu de mes parents, de ma maison, de mon enfance. J’étais parti si loin… Et à ‘Hanouka, je fis le chemin du retour au judaïsme et à l’observance des commandements… « Comprenez-vous à présent pourquoi ces débris de verre me sont aussi chers ? » s’exclama M. Hilkout en finissant son récit visiblement très ému. Rabbi Lipa sourit, son visage s’illumina. Sans se concerter, tous deux s’approchèrent du buffet et caressèrent de leurs yeux les précieux débris de verre, qui ramenèrent un juif vers son Père, qui est au Ciel… Torah Box L'association de diffusion de la Torah dans le monde francophone www.torah-box.com 2 commentaires
Une belle histoire de retour à la foi inscrite dans l´ ADN. J´espère que la pauvre famille a vu un miracle de Hanouka dans ce désastre.
merci de cette belle histoire, j' apprécie moi la non pratiquante, qui aime tant me retremper dans le monde de mes grands parents, ma façon à moi de garder la bougie allumée, un jour je l’allumerai pour de bon sur mon buffet
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