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![]() Hessel, Le Vieux Monsieur Indigné
Stéphane Hessel est sans aucun doute quelqu'un de très bien. C'est un héros de la résistance. Il a 93 ans. Il a fait un livre. Cela fait beaucoup de raisons pour trouver ce livre excellent. En outre, il semble bien qu'on l'ait empêché de venir parler à l'Ecole Normale Supérieure. Moi que l'on a régulièrement censuré, et qui continue d'être interdit dans certaines publications, j'ai toutes les raisons de trouver cela scandaleux. Reste la question: qu'est-ce que Stéphane Hessel a à nous dire, substantiellement? Il nous enjoint, en treize pages, dans sa brochure à succès, de nous indigner. De quoi? Ce n'est pas l'important: il faut s'indigner. «Le motif de base de la résistance était l'indignation», écrit-il. Quant à l'objet de cette indignation, il relève de l'«évidence», comme le répète Hessel. A chacun de trouver cette évidence contre laquelle s'indigner: «je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous, d'avoir votre motif d'indignation.» Donc, je m'indigne, c'est ce qui est bon en soi. L'indignation est une sorte de valeur absolue, un impératif catégorique. A moi de trouver la cible de cette révolte, la question n'est pas là. Voilà ce qu'on appelle de l'analyse politique. Le problème, c'est que l'indignation des uns n'est pas celle des autres, et que chacun est convaincu de la valeur de son indignation. Il paraît idiot de rappeler de tels truismes, hélas, le discours de Hessel situe le débat exactement à ce niveau. Indignez-vous, croyants, contre les croisés mécréants et la ploutocratie occidentale, et allez faire sauter les twin towers. Indignez-vous, masses musulmanes, contre les odieuses caricatures du Prophète. Indigne-toi, peuple allemand, contre les clauses du traité de Versailles. Indigne-toi, petit prolo blanc, contre l'invasion de la France par des hordes d'immigrés africains. Et pourquoi pas? Pourquoi votre indignation serait-elle meilleure que la mienne? C'est là que commence la question. La vraie. Celle que l'on tente de traiter ici ou là, mais pas dans la brochure de Hessel. Hessel ne pense pas. Il a autre chose à faire, il s'indigne. Hessel a trouvé son indignation: le sort des Palestiniens et la politique israélienne. C'est sans surprise. On en était sûr: parmi les mille motifs d'indignation possible, c'est forcément là que ça allait tomber: Israël, l'éternel croquemitaine, le vilain méchant en soi. Voilà au moins un sujet d'indignation rassembleur, puisque la haine d'Israël est inculquée dans les écoles de Casablanca à Karachi, ressassée dans nos banlieues, scandée dans de régulières manifestations. Ce qui se passe entre Gaza et le Jourdain, c'est l'injustice en soi, insupportable, indiscutable. Oui, toute injustice et toute violence méritent d'être combattues. Oui, un mort palestinien c'est un mort de trop, mille morts palestiniens, c'est exorbitant. Mais pourquoi toutes les caméras, toutes les radios du monde sont-elles perpétuellement braquées là, sur cette injustice-là ? Pourquoi y-a-t-il plus de correspondants de presse en Israël que dans n'importe quelle capitale du monde ? Est-ce qu'il n'y aurait pas là, par hasard, comme un effet d'optique médiatique? Est-ce que Hessel, après des dizaines de milliers d'autres comme lui, ne confondrait pas le grossissement de l'image avec la grandeur de l'injustice ? Mais non, voyons, un homme comme Hessel ne tomberait pas dans un tel panneau. Il a choisi son indignation en toute connaissance de cause, il n'a pas laissé les médias la choisir pour lui. Il suffit d'examiner la qualité, la force de ses arguments: il a rencontré à Gaza des gens sympathiques, qui aiment la mer et les plages et s'occupent de leurs enfants. En effet. Personnellement, j'ai rencontré des soldats égyptiens et israéliens. Ils étaient sympathiques. J'aurais sûrement rencontré des gens qui s'occupaient bien de leurs enfants à Munich en 1940. Mais peu importe. L'essentiel, c'est que les gentils sont à Gaza. D'ailleurs, comme l'écrit Stéphane Hessel, le Hamas, ce grand mouvement humaniste, «n'a pas pu éviter que des roquettes soient envoyées sur des villes israéliennes». Eh oui, qu'est-ce que vous voulez, il a fait ce qu'il a pu, le Hamas, il ne cherche que la paix, c'est bien connu. Je ne pensais pas un instant que Hessel aurait pu être indigné par le carnage du Darfour ou de la Tchéchénie, l'esclavage des Philippins et des Indiens en Arabie saoudite, la chasse aux chrétiens au Pakistan, l'anéantissement de la culture tibétaine, le sort des dissidents chinois, la misère des indiens du Mexique, la terreur des Somaliens qui doivent choisir entre fanatiques islamistes et milices pillardes, l'écrasement du peuple zimbabwéen ou birman, la faim tenaillant des millions de Coréens du Nord, j'en passe et des meilleures. Mais on en parle moins à la télé. Tout est là. Ce n'est pas la somme de souffrances qui indigne, c'est la somme d'images de souffrance. Que dire de tous les pays dans lesquels des dizaines de millions d'êtres humains, infiniment plus que la population palestinienne, sont traités comme une race inférieure, dépourvus de droit, condamnables aux pires supplices pour des incartades, je veux dire les femmes? Non, ça, ce n'est pas un motif hesselien d'indignation, il y a plus grave. Ce qui indigne Hessel, ce n'est ni le servage des femmes, ni les dictatures sanglantes, affameuses, ubuesques, dont le monde est rempli. Pourtant, 300.000 morts au Darfour, des femmes enceintes éventrées... Non non, il a fait son choix, c'est son droit, c'est son indignation à lui. Pourquoi celle-là? Parce que…. D'accord. Moi non plus, je ne suis pas d'accord avec la politique israélienne, la colonisation, etc. Mais il ne faut peut-être pas oublier qu'on a affaire à une minuscule démocratie, dans laquelle deux millions d'arabes sont citoyens et votent librement, démocratie noyée dans un océan d'Etats hostiles, des centaines de fois plus peuplés et plus étendus. Il ne faut peut-être pas oublier que la question de la survie de cet Etat n'a jamais cessé de se poser, et qu'il a réussi à ne jamais cesser d'être démocratique, alors même qu'il est en état de guerre permanente. Mais c'est Israël que l'on boycotte, c'est contre ce pays qu'on s'indigne. Personne n'appelle au boycott de tyrannies moyenâgeuses et théocratiques comme l'Arabie saoudite. Si M. Hessel s'indigne contre Israël, et pas contre le Soudan, que faut-il en conclure? Qu'un mort palestinien vaut trois cents morts darfouris? Ou mieux, qu'un tueur israélien est trois cents fois pire qu'un tueur soudanais ? Si M. Hessel s'indigne contre Israël, et pas contre les tyrannies ou les théocraties qui l'environnent, et pour les centaines de millions de gens qui y souffrent, c'est qu'il estime qu'Israël est pire qu'elles, sans doute. Il faudrait donc, pour que cesse la scandaleuse exception israélienne, que ce pays redevienne comme les autres, semblable à tous ceux qui, autour de lui, hurlent le plus fort contre l'injuste sort fait aux Palestiniens. Il n'y a guère, pour le moment, qu'un seul point commun entre Israël et la Syrie ou la Jordanie: on y a tué beaucoup de Palestiniens (et je n'ai entendu personne à ce moment-là hurler contre la Syrie et la Jordanie. Curieux, non?) Mais ce point commun demeure insuffisant. Tous ensemble, unissons nos indignations pour qu'Israël, comme ses voisins: - Rétablisse la peine de mort, si possible au sabre pour les homosexuels, par lapidation pour les femmes adultères, par pendaison à des grues pour les espions juifs (donc pour les espions arabes en Israël). - Que la femme y soit déclarée mineure. - Que la presse n'y soit plus libre. - Que les citoyens arabes y perdent leur droit de vote, afin de s'aligner sur ce qui se passe dans la plupart des pays arabes. - Que la liberté religieuse y soit abrogée. - Qu'on y instaure une monarchie ou une présidence à vie, au choix. Et là, enfin, on n'aurait plus à s'indigner. Tout serait normal. Tout le monde, aujourd'hui, se veut rebelle. Imagine-t-on un artiste qui ne soit pas rebelle? Un écrivain qui ne soit pas «dérangeant»? La rébellion est devenue un argument publicitaire et une forme de conformisme. Elle n'a aucun contenu. C'est un look, une attitude. L'idée d'indignation, tout aussi dépourvue de contenu, permet de renouveler ce produit qui commence à être un peu usé. Personnellement, c'est plutôt le livre de Hessel qui m'indigne. Et j'ai raison, mon indignation est bonne, puisque j'ai trouvé celle qui me convenait. C'est lui qui le dit. Pierre JOURDE http://bibliobs.nouvelobs.com/blog/pierre-jourde 184 commentaires
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L'utilisation d'Internet pour effectuer des sondages n'a pas encore fait ses preuves. Retour sur les méthodes contestables du sondage choc Harris/Le Parisien qui place Marine Le Pen en tête du premier tour de l'élection présidentielle 2012.
Tags
Harris Interactive, journalisme, Marine Le Pen, Nicolas Sarkozy, présidentielle 2012, sondage
par Eric Dupin Le 7 mars 2011
167 Réactions
Le fameux sondage Harris Interactive publié dans le “Parisien Dimanche” attribuant à Marine Le Pen la première place d’un premier tour d’élection présidentielle, auquel personne n’a pu échapper, suggère trois séries d’observations.
Une enquête très contestable
Il y a sondage et sondage, et les médias seraient bien inspirés de ne point prendre toutes les enquêtes d’opinion au pied du chiffre. Comme sa signature l’indique, celle d’Harris Interactive a été effectuée auprès d’un échantillon relativement important (1618 électeurs) mais par internet. Pour des raisons de coûts, cette méthode se répand dans les instituts de sondage mais elle pose de réels problèmes en matière de mesure des intentions de vote.
La reconstitution d’un échantillon réellement représentatif de la population électorale est encore plus problématique. Il va sans dire que l’anonymat du vote potentiel est, pour le moins, mis à mal. Le recours à des panels d’électeurs, attirés d’une manière ou d’une autre, est une autre source de biais.
Les sondages réalisés par téléphone ont mis du temps à être dotés, l’expérience aidant, d’une certaine fiabilité. L’enquête par internet est sans doute l’avenir obligé de la profession sondagière. Elle n’a pas encore fait ses preuves et il y a tout lieu de craindre que cette méthode détériore encore la qualité des résultats bruts recueillis, obligeant alors les sondeurs à de périlleuses opérations de redressement des résultats.
Ce sondage spectaculaire a encore le singulier défaut de ne tester qu’une configuration de candidature socialiste. La mesure exclusive des performances hypothétiques de Martine Aubry est d’autant moins justifiée que la première secrétaire du PS ne s’est pas plus portée officiellement candidate que Dominique Strauss-Kahn ou François Hollande, et plutôt moins que d’autres personnalités de calibre inférieur. L’institut a d’ailleurs fait triste figure en annonçant qu’il allait renouveler son coup de sonde en testant les deux candidats socialistes potentiels cités plus haut.
Un déplorable emballement médiatique
On se lasse de le répéter mais il est abusif de parler vraiment d’intentions de vote à plus d’un an d’une élection. Tout au plus, les instituts de sondages peuvent-ils quantifier des “votes imaginaires” dans le contexte de l’instant et au prix de configuration politiques très hypothétiques. Les “intentions de vote” dont on nous rebat aujourd’hui les oreilles ne sont que des cotes de popularité déguisées. Voilà qui explique les scores invraisemblables, plus de 60% des votes, attribués à Dominique Strauss-Kahn en cas de duel, au second tour, contre Nicolas Sarkozy.
Quitte à vouloir se pencher sur les entrailles des électeurs, les médias pourraient plutôt leur commander des enquêtes sur le scrutin cantonal des 20 et 27 mars. A trois semaines d’un vote qui concernera la moitié de la France, les “intentions de vote” cantonales auraient un sens. Ou les intentions de non-vote puisque tout laisse craindre un très haut niveau d’abstention. Bien sûr, la mesure des rapports de forces dans les cantons est un peu compliquée, mais ces enquêtes-là parleraient du réel.
J'ai bien compris et ça été rien que une réponse au écrit de Stan quand il dit -
" .... Parce que il donne envi de s’intéresser au Judaïsme, c’est n’est pas ton cas Joseph_075.Si j’aurais pris exemple de toi, je serais devenu votre pire ennemis, heureusement l’amour que D.ieu ma donné pour votre peuple est plus fort que ton mauves exemple.
Envoyé par Stanislas_001 - le Lundi 7 Mars 2011 à 16:38."
Car son résonnement me semble mauvais . Peut-être un jour il comprend que il est sur une mauvaise pente .
Pour le reste je suis a 100 % d'accord avec toi .
C'est là une donnée avec laquelle tout le monde - nous y compris - va devoir faire. Et il ne suffira pas, pour se tirer d'affaire, de se lancer dans de grandes tirades ...