C’est aussi l’avis de Marc Eisenberg : « Venir de France doit être vécu comme un atout, nous devons être décomplexés. Et le fait est que nous nous assumons mieux aujourd’hui ».

Binyamin Lachkar comprend, lui, le réflexe de se définir comme « israélien » quitte à renier le qualificatif « français », celui qui consiste à dire « Je ne fréquente que des Israéliens, non, les Français, c’est pas pour moi » ! « En France, nous étions une minorité. Nous ne voulons pas vivre en Israël pour redevenir une autre minorité. Ici, nous avons la chance de pouvoir faire partie de la majorité ! Pour ma part, je ne pense pas que cela soit incompatible avec un attachement sincère à la France, à la culture dans laquelle nous avons grandi ».

La revendication de son identité d’exil ne serait-elle pas un frein à l’adoption de l’identité israélienne et donc à l’intégration ?

« Aujourd’hui on pense différemment le rapport à l’immigration », selon Dov Maimon qui poursuit : « On peut garder le capital social et culturel acquis en exil pour justement favoriser son intégration. Nous devons en être conscients pour agir parce que le scenario qui se profile pour les futurs olim est malheureusement clair : beaucoup vont probablement souffrir. La négation de l’exil dont je parlais plus haut marchait peut-être dans les premières décennies, lorsque l’État avait besoin de main-d’œuvre. Ce n’est plus le cas, nous devons savoir attirer les plus diplômés, les plus riches, qui ne choisissent pas Israël. C’est une perte sur le plan humain et sur le plan du sionisme ». C’est pourquoi Dov Maimon, rassemblant des énergies venues de l’exil, veut créer un groupe de pression pour agir au niveau politique et médiatique, les deux leviers les plus importants : actions de terrain, éducation civique, émergence d’une conscience politique au sein de la communauté francophone mais aussi de la société israélienne. « Les Juifs pleuraient en écoutant la Marseillaise et en voyant le drapeau français. Aujourd’hui ils pleurent au son de l’Hatikva et à la vue du drapeau israélien. Ce transfert patriotique est réel, nous devons l’accompagner ».

Qualita de Marc Eisenberg veut aussi faire le lien entre l’exil et le retour sur notre terre. « Notre objectif est que sur le terrain la condition des Juifs arrivés de France s’améliore. Pour ce faire nous devons remédier à la principale faiblesse des olim français : la dispersion de leurs forces. L’unification est logique. Nous souhaitons exercer une action de lobbying politique non partisane. Beaucoup d’associations sont prêtes à s’unir. Nous agirons pour les entrepreneurs qui veulent recréer leur activité ici, pour monter une maison de retraite francophone, pour couvrir des champs très variés. Dans le même temps, il est important d’agir en gardant des liens avec la France. Le CRIF a d’ailleurs adhéré à Qualita ». La clé serait donc de s’assumer, et une fois ce travail accompli le faire accepter par la société israélienne : « Nous travaillons aussi à faire en sorte que la société israélienne comprenne ce qu’est l’identité française que les Juifs amènent dans leurs bagages et ce qu’elle peut leur apporter », souligne Marc Eisenberg. L’exil : un atout aussi pour Israël, la terre où celui-ci prend fin ?

par Guitel Ben-Ishay pour LPHinfo.com