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Opinions

Pour Laurent Murawiec

Pour Laurent Murawiec
Une nouvelle m’est parvenue le matin du 8 octobre. Celle du décès d’un homme que j’aimais et que je respectais très profondément. Parce qu’il incarnait la droiture et toutes les valeurs qui le rendaient admirable à mes yeux, on n’en parlera sans doute pas dans les grands media.
 
Parce qu’il avait une immense culture et une lucidité rare, et que nous sommes dans une ère d’inversion et de perversion de toutes les valeurs qui permettent à une civilisation de vivre, on en parlera moins encore.
 
En ce qui me concerne, je sais que je perds un ami, un compagnon de combat, que la route qui se présente devant moi sera plus difficile, et que je me sentirai beaucoup plus seul. Je pense, en cet instant, à ses filles, si jeunes encore, qui vont devoir affronter l’avenir sans leur père.
 
Je pense à son épouse, qui n’était pas aux Etats-Unis depuis très longtemps, et pour qui l’épreuve ne peut qu’être extrême.
 
Je pense à sa famille en Europe. Je pense aussi que, pris par des tâches multiples, on peut laisser parfois filer le temps, ne pas donner à ceux qui la méritent toute l’affection qu’on devrait donner. Je suis, parfois, passé par Washington ces dernières années sans contacter Laurent, parce que le temps de mon séjour était trop bref, parce que je m’apprêtais à repartir vers une autre ville, New York, Miami ou Los Angeles ; parce que je songeais qu’il y aurait bientôt une prochaine fois : il n’y aura pas de prochaine fois, et je sens partout en moi la morsure de la culpabilité.
 
Ce que je puis faire encore est rendre hommage à sa mémoire et à son œuvre. Laurent était un homme très courageux. Il n’a cessé de le prouver dans sa trop courte existence. Il l’a prouvé encore ces dernières années, n’hésitant jamais à dire ou à écrire ce qui, à ses yeux, devait l’être, quoi qu’il puisse lui en coûter.
 
C’était un homme pudique, qui ne s’apitoyait jamais sur son sort. Un homme intransigeant, qui n’édulcorait pas ses textes ou ses propos parce qu’il était de ceux, trop rares, qui savent que la vérité, lorsqu’on l’édulcore, n’est plus tout à fait la vérité et se teinte d’égarements.
 
C’était un intellectuel au sens le plus noble d’un terme souvent galvaudé : quelqu’un qui mène avec opiniâtreté le travail des idées et de la connaissance pour donner à réfléchir et contribuer à ce que le monde autour de lui soit moins sombre et ne glisse pas vers le gouffre.
Il a écrit des articles qui, derrière une apparence polémique et incisive, montraient, en chaque phrase, une maîtrise de son sujet et une érudition sans faille. Il a rédigé des livres remarquables, pour certains inédits. Ainsi un ouvrage sur l’Europe appelé L’empire du soleil couchant, qu’aucun grand éditeur français, signe des temps exécrables en lesquels nous vivons, n’a accepté de publier.
 
Il est l’auteur de La guerre au XXIème siècle, analyse magistrale de la « révolution des affaires militaires », qui a changé, ces dernières années, le visage de la guerre, et de L’esprit des nations.
Essai profondément novateur, situé à l’intersection de la géopolitique et de l’histoire des cultures, et qui a ouvert, pour ceux qui discernent que comprendre le monde implique de dessiner des transversalités, des horizons neufs et des terrains de recherche inexplorés.
 
La guerre d’après est tout à la fois une charge contre l’Arabie Saoudite et l’approche la plus documentée, la plus précise et la plus novatrice à avoir été publiée sur un pays et un régime qui sont dans tous les rouages de la dissémination de l’islam radical dans l’ère contemporaine.
 
Ce qui restera, cela dit, le chef d’œuvre de Laurent est The Mind of Jihad, publié à l’origine en deux volumes, et disponible en édition complète depuis octobre 2008 chez Cambridge University Press.
 
Il ne s’agit pas là d’un livre supplémentaire sur l’islam radical : il s’agit DU livre majeur et essentiel sur le sujet. Laurent y utilise toutes les ressources disponibles. Il y montre de manière limpide et définitive tout à la fois ce qui rend le radicalisme islamique indissociable de l’islam lui-même et ce qui le rattache aux courants les plus nihilistes et les plus violemment destructeurs qui aient vu le jour au cours des derniers millénaires, jusqu’aux récentes années, marquées par le national-socialisme et le léninisme.
 
Il donne à voir le danger auquel nous sommes confrontés, le dogme proliférant qui est la matrice de ce danger, et ce qui peut expliquer l’attirance délétère de tant d’adeptes du totalitarisme et de la destruction pour ce dogme. The Mind of Jihad, j’en suis certain, sera lu et relu dans les années à venir, et deviendra un classique.
 
Michael Ledeen l’a décrit comme « l’unique livre exhaustif sur l’islam radical », Fouad Ajami, comme un livre qui occupera une « place solide et assurée » dans les études ultérieures, pour peu, bien sûr, que celles-ci soient sérieuses et scrupuleuses.
Laurent, je le sais, avait encore beaucoup à dire, à écrire, à offrir. Il n’était qu’au commencement. Il parlait peu de ses projets, mais tous ceux qui ont eu la chance de le connaître savent qu’il était tout juste à l’aurore d’accomplissements bien plus vastes encore.
 
Il parlait peu de son passé et de celui de sa famille, mais il m’a confié des textes où transparaissait la mémoire vive de la Shoah et des mutilations que celle-ci avait infligées parmi les siens. Il était juif et fier de l’être, même si c’est un aspect de lui-même qu’il n’évoquait quasiment jamais.
 
C’était un ami indéfectible d’Israël, non pas parce qu’il était juif, mais parce qu’il était résolument du côté de la liberté et de la dignité de l’être humain, obstinément hostile à tout ce qui opprime, dégrade, avilit et pervertit.
 
Il avait quitté la France, comme tant de ceux qui, devant choisir entre les compromissions et l’exil, ont choisi l’exil. Le Hudson Institute, que dirige un autre homme courageux que j’aime et respecte, Ken Weinstein, l’avait accueilli, avec le titre de Senior Fellow. Il était devenu américain, attaché à tout ce qui fait l’âme vraie de l’Amérique depuis le temps des pères fondateurs.
 
On ne parlera pas de la disparition de Laurent dans les grands media, certes. Mais tout ce qu’il aura incarné survivra chez tous ceux qui l’ont rencontré et qui l’ont aimé. Je me sentirai bien plus seul, ai-je dit : mais je garderai en moi tant que je vivrai le souvenir de conversations et, en entendant résonner en moi les mots de Laurent, je saurai qu’il est là, encore. Je garderai en moi, tant que je vivrai, les mots écrits et imprimés ; je les relirai, j’y trouverai de quoi me ressourcer, et je saurai que Laurent n’a pas disparu et ne disparaîtra jamais.
 
Par Guy Millière © Metula News Agency
[Diffusion libre]
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Dernière mise à jour, il y a 38 minutes