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Pour être respecté et parce que sa survie était en jeu, Israël n’a jamais hésité à anticiper la menace et à répliquer en faisant mal. S’il avait eu d’autres choix, en soixante-deux ans d’existence et avec dix-huit premiers ministres, cela se saurait.

Cette unanimité politico-médiatique mondiale pour condamner Israël serait risible si le sujet n’était pas aussi grave. Voilà une « flottille humanitaire et pacifiste » qui annonce qu’elle a pour but de « briser » le blocus israélien de Gaza, donc de commettre un acte de provocation.

Elle transporte des « militants de la paix », lesquels ont pris soin de disposer des caméras à bord des bateaux en vue de transmettre des images en direct ; les mêmes portent non pas des armes de guerre, ce qui ferait agressif, mais des barres de fer, signe évident de leur pacifisme. Vidéo d’un côté, barres de fer de l’autre, ils sont préparés à un choc violent. Pas les commandos israéliens qui, mal renseignés, sont envoyés sur le pont du Mavi Marmara pour une simple opération d’arraisonnement.

S’il y a neuf tués dans les quatre minutes de l’assaut, c’est qu’ils ont été provoqués. On en veut pour preuve que là où cela n’a pas été le cas, sur les cinq autres navires de la flottille et sur le bateau de militants irlandais arrêté le 5 juin, il n’y a pas eu de victime. Mais à quoi bon expliquer ? L’ouragan politico-médiatique emporte tous les arguments sur son passage.

Dans son éditorial du Point du 3 juin, mon confrère Franz-Olivier Giesbert affirme que les Israéliens actuels sont devenus, « par aveuglement et autoenfermement, les meilleurs alliés des pires antisionistes », et il s’exclame : « Réveillez-vous Ben Gourion, Meir, Rabin, Peres et les autres, ils sont devenus fous ! » En deux lignes, c’est toute l’histoire d’Israël qui défile. Qu’ont-ils en commun les Ben Gourion, Meir, Rabin ou Peres, qui passent pour des « sages » en face des « fous » d’aujourd’hui ? Tous, sans exception, ont fait la guerre, à leur corps défendant, mais sans états d’âme.

Ben Gourion a conduit la guerre d’indépendance de l’État hébreu et celle du Sinaï en 1956, en accord secret avec les Français et les Britanniques, avant d’être condamné par les Nations Unies et les États-Unis qui avaient mis Israël sous embargo (mais oui – et jusqu’en 1962 !). Golda Meir a fait deux ­guerres, elle aussi, celle des Six-Jours (1967), celle du Kippour (1973), et c’est elle qui a délivré les ordres d’abattre les auteurs du massacre des athlètes des JO de Munich (1972). Rabin ? Officier général, premier ministre – quand se déchaînait la guerre civile du Liban –, premier ministre encore lors des accords d’Oslo avec les Palestiniens. Quant à Shimon Peres, actuel président d’Israël, il a été, depuis 1956 quand il achetait secrètement des armes à Paris, associé à tous les combats de l’armée israélienne. N’étaient-ils pas « fous » eux aussi aux yeux du monde ?

Pourquoi faisaient-ils donc la guerre ? Parce qu’ils avaient été agressés. Par l’Égypte, la Syrie, le Liban, puis par le terrorisme palestinien. Mais après s’être tant battus, ils ont fait la paix chaque fois qu’ils ont pu. Avec l’Égypte, avec la Jordanie. Ils ont voulu les accords d’Oslo que les Palestiniens n’ont pas respectés ; Sharon, « le dur », s’est retiré de la bande de Gaza, il a négocié avec le successeur d’Arafat. Sadate, qui fit la paix avec Begin, fut assassiné par un fanatique arabe ; Rabin par un fanatique juif. Il a fallu un mur ­ condamné par le monde  entier - , pour arrêter les attentats en Israël, puis frapper Gaza pour arrêter les volées de roquettes… L’Iran a pris le relais avec le Hamas.

Nétanyahou n’est pas plus « fou » que ses prédécesseurs : il gouverne avec un ministre de la Défense travailliste, Ehud Barak, ancien premier ministre négociateur d’une vaine tentative d’accord avec Arafat. Tous en ont fait l’expérience : celui qui n’est pas respecté est enfoncé.

Pour être respecté et parce que sa survie était en jeu, Israël n’a jamais hésité à anticiper la menace et à répliquer en faisant mal. S’il avait eu d’autres choix, en soixante-deux ans d’existence et avec dix-huit premiers ministres, cela se saurait. Mais quand on réplique, dans notre univers télévisé où tout le monde est si gentil, on est forcément le « méchant ». Qui aurait imaginé qu’un jour la Turquie nous ferait chanter comme elle le fait aujourd’hui ? Qui se rappelle que pendant la guerre du Golfe, à laquelle nous avons pris part, l’Irak tira en représailles sur Tel-Aviv des salves de missiles ? Que se serait-il passé si, le 7 juin 1981, l’aviation israélienne n’avait pas détruit le réacteur nucléaire irakien d’Osirak ? Les Israéliens passèrent déjà pour des « fous dangereux ».

Même à la Maison-Blanche. Mais le président s’appelait Reagan. Dick Allen, son conseiller, rapporte dans le New York Times, ce que fut sa réaction en apprenant la nouvelle du raid : « Les chiens ne font pas des chats », dit-il, et il signa avec Israël un accord de coopération stratégique. Golda Meir disait : « La paix viendra quand les Arabes aimeront leurs enfants plus qu’ils ne nous haïssent. »

Par François d Orcival, pour Valeurs Actuelles