Accueil » Opinions » Guerre civile ou chaos au Yémen

Opinions

Guerre civile ou chaos au Yémen

22 Juin 2011 - Albert Soued

Nous avons planté le décor, il y a déjà 1½ an. Il était facile de prévoir qu'après 33 ans de pouvoir dans un milieu tribal où le citoyen a en moyenne 3 armes, s'ajoutant à la traditionnelle "djambia" (petit sabre recourbé), le président Ali Abdallah Salah allait avoir des difficultés à se maintenir à Sanaa.

Deux évènements successifs ont provoqué les émeutes. Il faut rappeler qu'un riche et puissant chef de tribu a contribué à la prise du pouvoir par Ali Abdallah Salah en 1978, le Sheikh Abdallah al Ahmar, considéré comme le 2ème homme le plus influent au Yémen. A sa mort, il y a 4 ans les antagonismes familiaux, mis sous le boisseau pendant trente ans, ont éclaté et contribué à l'insécurité dans le pays. Ils ont pris de l'ampleur dans l'embrasement du "printemps arabe" et l'un des 9 fils du Sheikh Abdallah al Ahmar, Hamid al Ahmar brigue le pouvoir, au lieu de continuer à enrichir sa famille et sa tribu dans l'ombre. Le frère de ce dernier, Sadeq al Ahmar, 55 ans, dirige la confédération tribale la plus influente du pays. L'ex-ambassadeur américain à Sanaa, Stephen Seche disait: "Hamid al-Ahmar a de l'ambition, une grande fortune et les tribus avec lui, une combinaison d'enfer, valable partout, surtout au Yémen"

Le Yémen est un pays très pauvre (revenu: 400$/hab) dans un environnement péninsulaire richissime où le revenu par habitant atteint 71 000 $/hab au Qatar. Le Yémen manque de plus en plus d'eau, devenue une denrée aussi rare que le "qat", mâchouillé à longueur de soirée. L'embrasement arabe a exacerbé les sentiments d'appartenance tribale, au détriment de la nation, et ses braises sont attisées par l'Iran et al Qaeda. Les tribus méridionales, les tribus liées à la famille al Ahmar et les tribus shiites al Houthi, s'entretuent de plus belle, pour la prise d'un pouvoir dérisoire à Sanaa'. Lors d'un bombardement, le président Salah' a été blessé et s'est réfugié en Arabie saoudite pour "soins".

Les jeunes qui ont "fait" la révolution dans la rue et qui exigent non seulement des réformes, mais le départ de leur président, se sentent floués devant les agissements de la famille al Ah'mar qui ne chercherait qu'à remplacer un pouvoir absolu par un autre. Un jeune résume son point de vue "la famille al Ahmar a détruit la Révolution", sans qu'on puisse désigner réellement un quelconque responsable.

Dans ce contexte, on ne peut plus parler de guerre civile, mais d'un chaos qui se propage comme en Somalie, d'où viennent d'ailleurs les combattants d'al Qaeda dans la péninsule. Il est plus que probable que l'Arabie voisine, qui recherche la stabilité à tout prix et qui aide le Yémen contre la rébellion shiite, et désire que le président Salah se maintienne au pouvoir, ne puisse pas parvenir à ses fins. Au grand dam ou à la satisfaction de l'administration Obama ? Ayant joué avec le feu partout au Moyen Orient, plutôt sciemment que l'inverse, en abandonnant ses amis, cette administration peut être tenue comme responsable d'un chaos qui fait tache d'huile dans le monde.

Par Albert Soued, écrivain, www.chez.com/soued pour www.nuitdorient.com

Voir aussi le Yémen, une République en Plein Chaos de janvier 2010

Lien : http://www.nuitdorient.com

Ajouter votre commentaire !